chapitre 7

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Un cri résonne. Je me réveille en sursaut et me précipite vers la voix d'Eve. Dans la baignoire l'eau a la couleur d'un soleil couchant. Rouge. Du sang partout, et nue, pâle à en mourir, se trouve assise dans la baignoire ma fiancée. Elle me regarde et je vois ses yeux briller de larmes.
"Je...Je ne comprends pas, c'est arrivé comme ça, j'ai mal, j'ai des crampes dans tout le vas ventre, aide moi Noé...".
Je la relève mais elle s'effondre sur moi, le sang continue à couler de son ventre. Je dois rester fort, pour nous, pour lui. Mes mains tremblent et j'ai terriblement envie de pleurer, de m'effondrer contre elle, de supplier le ciel de les protéger. Mais le ciel et trop loin et les dieux trop distants alors je lui enfile son peignoir et la glisse dans la voiture direction les urgences. Le paysage défile trop lentement à mon goût, le temps ne c'est jamais écoulé aussi vite. Eve se réveille en sursaut, elle comprend où je l'emmène et ne dis rien, mais dans ses yeux l'angoisse et égale à la mienne.
Les infirmières la prennent en charge, elle se met à vomir, mon étoile est dans un état bien pitoyable, mais elle me regarde comme un marin regarde la terre au loin, elle s'accroche à moi, des messages de détresses mêlés d'amour dansent dans ses prunelles.
Il n'y a plus qu'elle et moi, elle terrifiée, moi me concentrant à lui offrir psychiquement tout l'amour que j'éprouve que pour elle.
Les phrases des infirmières me parviennent par bribes.
"perte liquide amniotique"
Eve ne saigne plus, je la prend dans mes bras, elle gemit.
"Mon amour, le bébé, le bébé mon dieu, j'ai mal, j'ai peur, qu'est ce qui va lui arriver"
Elle se cramponne à son ventre déjà arrondi, elle serre le ventre comme s'il pouvait tomber. J'ai peur, elle a une mauvaise intuition je le vois, elle sait que quelque chose ne va pas, alors je la regarde dans les yeux, et parle aux dieux en même temps qu'elle.
"Non,non mon amour, il est à l'abri dans ton ventre, il était simplement en colère ma chérie, mais son papa et sa maman sont avec lui, on l'aime à notre bébé, il lui arrivera rien, je te le promets"
Je suis en larme et ma voix se brise dans un murmure, je ne veux pas entendre ces dames blanches, je veux rester enfoui dans les cheveux de mon ange.
Un homme en blouse blanche arrive, je me redresse. Deux mots.
" fausse couche"
Et je sombre tandis qu'un sanglot vole dans la pièce.
Nos l'avions voulu cet enfant, nous l'aimions tellement. Après de multiples sous entendu, et techniques pour la faire craquer, j'avais finalement réussi à donner l'envie à Eve de fonder une famille. Alors nous sommes restés 3 mois dans notre grange, en haut de la colline, 3 mois à unir nos corps 3 fois par jour, partout où nous pouvions. Et puis un jour son test s'avera positif. Ce fut des cris de joie, des danses, les coups de fils à la famille se succédaient pour annoncer l'heureux événement. Elle l'aima des le premier jour. Notre bébé avait une infinité de prénoms, il était une fille ou un garçon selon notre humeur. Notre bébé était parfois futur artiste, parfois scientifique fou, pop star déjantée ou future maîtresse d'école, parfois mignon, parfois laid, nous l'imaginions explorateur ou beauté charmeuse. Eve se voyait déjà maman modèle, lui faisan visiter châteaux et musées, lui apprenant à monter à cheval ou à parler espagnol. Moi j'étais plutôt le papa gâteau, je regardais avec tendresse les petits pots au supermarché, triant par avance les goûts que notre bébé n'aimerais pas. J'aurais passé des heures à peindre son portait, je l'aurais accroché dans le salon puis envoyé à toute la famille. Mes parents m'observerait cajolant avec bonheur mon enfant, une lueur de fierté dans leurs yeux. Il serait allé à Paris pour les vacances, où il aurait fait rire avec ses manières de la campagne. Il aurait été le but de notre vie, nous liant ainsi, Eve et moi pour l'éternité, la chair de notre chair, nous lui aurions tout donné.
"Fausse couche"
Il est mort. Notre bébé est mort. Il n'iras jamais au parc, n'ouvrira jamais ses cadeaux le matin de Noël. Nous n'aurons jamais contre nous cet enfant heureux. Eve semble prise dans les mêmes pensées que moi, un voile de mort plane sur ses yeux. Je veux m'enfuir et en même temps reprendre mes responsabilités, être là pour elle. Les infirmières l'emmenent et je lâche sa main froide. Mes pas me précipitent vers la sortie. J'arrive sans savoir comment dans un parc. Je hurle comme si ma vie s'effondrait, je me déchaîne contre les arbres, me dominant de leur orgueil.
Une heure après je suis calmé. Il ne me tarde que de retrouver Eve, de la serrer dans mes bras, de rester contre son cou chaud et accueillant. Je me dirige vers l'entrée de la clinique, réfléchissant à comment accueillir ma bien aimé. Mais elle sort déjà. Eve me frappe par son regard dur et froid, elle m'étonne par sa carrure hautaine, m'attriste par la direction qu'elle prend, à l'inverse de la mienne, mais surtout me terrifie par le silence lourd et accusateur qu'elle crache sur moi. C'est quelqu'un d'autre, Eve a changé et le futur s'annonce soudain bien sombre.

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