S O R R O W

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S O R R O W
Jour 75


Le liquide carmin ruisselait. Il coulait d'une lenteur mortelle le long de cette peau diaphragme, tachant sa blanche imperfection dans son sillage, finissant son chemin sur le sol poussiéreux, se collectant en une flaque brillante et grandissante. Malgré l'importance de la tâche qui s'étendait et se mélangeait sur le béton froid, l'homme ne semblait pas inquiet outre mesure. C'est dans un soupir las qu'il laissa sa tête reposer sur le mur qui lui soutenait le dos, levant ses pupilles sombres face à lui. Il regarda le mur. Il contempla ce gris. Unique nuance de vie existante dans cette chambre terne. C'était la seule chose sur laquelle son regard pouvait s'accrocher. C'était la seule présence dans le vide de cette chambre. Tout était gris. Gris froid, gris terne, gris sale, gris triste. Comme lui. Lui aussi il était triste à l'intérieur. Il était gris. Gris poussière. Il se sentait si vide. Il se sentait vidé. Vidé de toutes forces, de toutes émotions, de toutes sensations. Alors que le liquide bordeaux s'étendait encore et encore, un léger sourire tira ses lèvres sèches. Des perles d'émotions brillèrent au coin de ses yeux. Ce qu'il faisait aujourd'hui le rendait heureux. Aujourd'hui il se libérait. Aujourd'hui il s'échappait.

Aujourd'hui il recouvrait le gris par le rouge.

Il ferma les yeux et l'émotion roula sur ses joues creusées. Lorsqu'il les ouvrit de nouveau, battant de ces cils à présents humides, ce fut sur cette immense porte de fer. Son esprit repensa aux moments où elle s'ouvrait. Lorsque sa lourdeur soulevait la poussière et marquait le sol dans un bruit désagréable. Mais, ce ne fut pas les instants où tous ses monstres de torture entraient que sa mémoire revit, ce fut les instants où son cœur battait. Ceux qui réchauffaient tout ce gris. Les instants où son amour entrait. Quand il lui souriait, quand il le touchait, quand l'embrassait. Ces instants où il l'aimait d'une pureté si simple et si douce. Ces moments lui étaient chers et même si sa décision était prise, même si jamais il ne reviendrait en arrière, il savait au fond de lui que Jimin serait la seule personne qu'il regretterait. Il savait qu'il allait lui faire tellement de mal. Il aurait aimé vivre dans un autre monde. Il aurait aimé voir des couleurs différentes. Sentir le soleil réchauffer sa peau, l'air pur emplir ses poumons. Vivre simplement. Sourire, discuter, rire et aimer sans limite. Profiter de la beauté du monde. Cela lui aurait tellement plus.

Un voile sombre commença à recouvrir sa vue et ses paupières se firent lourdes.

Bientôt.

Pardonne-moi.

Bientôt il sera libre.

*

Non loin dans le couloir mal éclairé. Un jeune avançait avec un léger sourire sur les lèvres. Il avait le cœur battant à l'idée de le revoir. Il avait hâte. Il ne savait pas qu'aujourd'hui il ne croiserait pas ce regard gris qu'il aimait tant, il ne se doutait pas qu'il arriverait trop tard. Que son amour serait parti. Il était trop insouciant et il poussa la lourde porte.

Son souffle fut brisé.

Son cœur anéantis.

Sa joie envolée.

Pris d'horreur, Jimin jeta le plateau qu'il tenait, provoquant un immense fracas alors qu'il se précipitait sur le corps étendu. Ses paumes frappèrent durement le sol froid et il sentit une angoisse sourde lui tordre la gorge en voyant cette immense flaque de rouge. Sa main se porta à sa bouche pour retenir un cri. Tout son corps s'était mis à trembler. Son regard affolé glissait sur l'immense plaie qui tranchait le bras de son amour, de la base du coude jusqu'au bord du poignet. Ses yeux effrayés virent tout ce sang carmin. Des petits morceaux de son cœur se détachèrent.

◌ FLAWLESS ETERNITYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant