Chevalier & Page : Le Buveur de Magie

Epilogue

Comme à son habitude, le Régisseur Jon arriva le premier à son bureau en cette belle matinée ensoleillée d'été. Enfin, presque le premier, car comme à son habitude également, sa fidèle secrétaire était bien évidemment déjà là...

Dame Eborah lui sourit en guise de salut avant de tendre au maître des lieux une pile de courrier, ainsi qu'une bonne tasse de rakah bien chaude.

« - Ah ma bonne Karista, que serait cet établissement si vous n'étiez pas là ? » dit Jon dans un soupir de volupté en avalant une gorgée du liquide brûlant.

L'intéressée secoua doucement la tête avant de répondre très sérieusement :

« - Cette école a existé bien avant moi, et continuera d'exister bien après moi, Régisseur, vous le savez très bien. »

Jon lui fit un petit clin d'œil avant de reposer sa tasse sur le bureau :

« - Rien ne sera jamais pareil sans vous et tous ceux qui sont passés par ici vous diront la même chose. »

Dame Eborah eut un faux geste d'exaspération et houspilla légèrement le grand gaillard qui lui faisait face :

« - Oui, et bien si vous ne voulez pas que je vous traite comme tous ceux qui passent par mon bureau, vous feriez mieux d'aller travailler au lieu de rester ici à me faire perdre mon temps en jacassant ! »

Le Régisseur s'esclaffa un bref instant avant de suivre les ordres de sa fidèle secrétaire.

On ne plaisantait pas avec elle lorsqu'elle prenait ce ton, tout Régisseur de l'Ordre des Chevaliers que l'on était...

Laissant Eborah à son fameux travail, Jon passa dans la pièce attenante et posa la pile de courrier sur son bureau avant de s'asseoir dans son grand fauteuil, histoire d'être confortablement installé pour lire tout cela.

Il avait déjà épluché une bonne dizaine de lettres lorsqu'il tomba sur la missive du Chevalier Ekhan. Ce dernier lui avait joint un rapport préliminaire concernant sa mission dans la Province des Gorges Hurlantes.

Mais ce ne fut pas cette partie du message qui retint le plus son attention...

Il relut une deuxième fois la lettre qui accompagnait le rapport avant de la poser sur son bureau. Il se laissa aller doucement dans son fauteuil tout en se mordillant la lèvre inférieure, signe d'une profonde réflexion.

Le Régisseur finit par se lever pour retourner vers le bureau de sa secrétaire :

« - Dites-moi, Karista, a-t-on affecté un Page au Chevalier Ekhan sans que je n'en sois informé ? »

Dame Eborah se retourna vers lui tout en affichant un petit air surpris sur le visage :

« - Pas à ma connaissance. » Elle se leva pour aller chercher le dossier dudit Chevalier dans ses fichiers tout en continuant à répondre : « Vous m'aviez dit que vous n'aviez trouvé personne qui pouvait lui convenir parmi les nouveaux postulants. »

Elle finit par revenir avec un dossier ouvert dans ses mains : « Oui, c'est bien ce que je pensais : aucun Page ne lui a été attribué pour le moment. » Elle posa le dossier sur son bureau avant de dévisager l'homme qui lui faisait face : « Pourquoi cette question ? »

Jon lui tendit la lettre que lui avait envoyée Ekhan. La secrétaire prit doucement le parchemin entre ses mains pour le lire :

« Régisseur Jon,

« Vous trouverez ci-joint un rapport préliminaire concernant les évènements qui se sont déroulés à la forteresse de Bachita, Province des Gorges Hurlantes.

« Je profite également de cet oiseau messager pour vous signifier, qu'en dépit d'une Semaine de Test peu académique compte tenu du fait que vous nous avez envoyé en mission, mon Partenaire Stark et moi-même validions toutefois la présence du Page Leks à nos côtés pour son apprentissage. Malgré son fort caractère, ainsi que sa maîtrise aléatoire de sa Magie, je pense qu'il fait montre d'un potentiel intéressant.

« Je vous tiendrai bien évidemment informé de sa progression par les voies habituelles.

« Respectueusement,

Ekhan Kel Sarr »

Dame Eborah relu une nouvelle fois la missive avant de lever à nouveau les yeux vers le Régisseur :

« - Le Page Leks ? » interrogea-t-elle dubitativement, sa prodigieuse mémoire ne parvenant pas à resituer le candidat en question.

Jon secoua doucement sa tête, avouant sa défaite lui aussi :

« - Je n'ai aucune idée de qui il s'agit moi non plus... »

Il voulut rajouter quelque chose, mais au même moment un son des plus inattendus, en ce lieu et en cette heure matinale, retentit dans le couloir.

Un bruit produit par des instruments en airain, sonore et mélodieux à la fois, et qui servait en règle générale à prévenir les gens qui l'entendait de l'arrivée imminente d'une personne bien précise...

Le Régisseur échangea un regard surpris avec sa secrétaire, mais il n'eut pas le temps d'en faire plus, car la porte du couloir s'ouvrit avec fracas. Elle était poussée par Valkhar kel Shion, Roi d'Eri'Ani en personne. Derrière lui, s'estompaient les dernières notes des Trompettes Royales qui avaient servi à annoncer sa présence.

Dame Eborah plongea dans une révérence parfaite tandis que Jon s'inclinait avec déférence.

« - JON ! » hurla le Roi à plein poumons.

Ce dernier s'éclaircit la gorge tout en se redressant, quelque peu inquiet par la fureur royale :

« - Oui, votre Altesse ? »

Ce dernier lui tendit alors un rouleau de parchemin autour duquel était entourée une longue natte de cheveux châtains.

« - Je peux savoir ce que cela signifie ?! »

Apparemment, le Roi avait prévu de partir faire une chevauchée matinale dans la mesure où il avait revêtu sa tunique d'équitation au lieu de ses habituels habits de cour. Mais quelque chose l'avait interrompu dans son projet, quelque chose qui semblait également l'avoir mis dans une colère noire : ses joues étaient bien rouges, son souffle assez court, sans compter les étincelles de rage qui lui parcouraient les yeux et la façon dont il contractait ses doigts sur la fameuse missive qu'il tendait au Régisseur.

Ce dernier la saisit précautionneusement avant de dérouler la natte de cheveux pour lire le contenu de la lettre.

Lorsque cela fut fait, il fit une chose qui prit complètement au dépourvu, le Roi, Dame Eborah et les éventuels Apprentis-Page qui pouvaient circuler dans les couloirs à cette heure.

Quelque chose qu'il n'avait pas fait en ces lieux depuis de nombreuses années.

Ce fut si bruyant que cela résonna et se répercuta longuement entre les murs plus que centenaires de l'Ecole des Pages : le Régisseur Jon, poussa un énorme rugissement de rire !