Chapitre 29

6.6K 473 26
                                    

Je faisais la vaisselle, complètement perdue dans mes pensées. Deux semaines s'étaient écoulées depuis le départ d'Aaron. Il était censé rentrer aujourd'hui avec son père. Mon état était donc actuellement assez fébrile. En effet, le fait de savoir que j'allais le revoir me procurait à la fois une grande joie, mais également une certaine nervosité. Après tout, je ne savais absolument pas comment il allait réagir en me retrouvant. La manière dont nous nous étions quittés avant qu'il n'embarque avait été assez houleuse, et peut être m'en voulait-il toujours pour mes propos. En ce qui me concernait, je gardais une forme d'amertume à cause de ses paroles blessantes, mais celle-ci était vite enveloppée par le manque qui me faisait oublier ma colère.

Les quatorze jours sans lui s'étaient plus que biens déroulés. J'avais eu plus de temps pour discuter et rire avec Eulalie et Julius, et notre complicité en était ressortie renforcée. Silène semblait elle aussi plus détendue lorsque son frère était absent et nous avions eu l'occasion de sortir dans Rome à plusieurs reprises, ce qui m'avait permis de découvrir d'avantage cette merveilleuse cité. Je n'étais pas ressortie voir mon frère, ne souhaitant pas le mettre en péril à nouveau. Il me manquait donc profondément, tout comme mon petit Jason dont je n'avais aucune nouvelle. Je me faisais beaucoup moins de soucis pour sa part, car je savais qu'il se trouvait dans une famille qui prenait soin de lui.

Avec Eulalie nous étions sorties, il y a de cela deux jours, dans la nuit. J'étais à ce moment là assez perdue. Je ne savais plus où j'en étais à cause de mes sentiments, ce qui m'empêchait de tomber dans les bras de Morphée. Je m'étais donc levée et était partie en direction de la chambre de mon amie et de Stella. Je m'étais sentie légèrement coupable de la réveiller à cause de mes insomnies, mais mon besoin de parler avait pris le dessus. Lorsqu'elle m'avait reconnu sur le pas de la porte, elle m'avait alors gentiment souris et m'avait entrainée vers l'extérieur. L'air frai m'avait immédiatement revigorée et remit les pensées en place. Nous avions alors marché, dans un silence apaisant, jusqu'au centre de Rome.

Une fois dans l'agora déserte, je m'étais senti à la fois minuscule et pleine de puissance, comme-ci nous étions les seules à avoir le droit de venir ici. Nous, de vulgaires esclaves. Nous nous étions alors allongées sur le sol dallé et avions contemplé les étoiles pendant des heures. Elle m'avait appris le nom de nombreuses constellations, me racontant les histoires mythologiques qui y étaient associées. Cela m'avait captivée, je rêvais de ces héros demi-dieux courageux, forts mais avec malgré tout la faiblesse humaine. Ce petit défaut qui faisait que malgré leurs exploits, il y avait une part en eux qui les empêchait d'être parfaits. Et c'était les imperfections qui rendaient les êtres qu'on aimait parfaits à nos yeux. Cette prise de conscience m'avait alors apaisé. J'avais remercié Eulalie, même si elle ne pouvait pas en comprendre la raison et nous avions fini par décider de rentrer.

Ces deux semaines avaient donc été faites de gestes quotidiens, d'attente, de rires, de questions et de complicité. J'avais peur que cela se brise lorsqu'Aaron reviendrait. Eulalie recommencerait peut-être à désapprouver notre relation avec mon maître et me le ferait comprendre. Julius aurait moins le temps de partager de bons moments avec nous, car il serait de nouveau très occupé. Et Aaron. Aaron, me détruirait en m'évitant ou me rassurerait en reprenant notre relation comme-ci de rien était. Malgré tout ce que je pouvais dire, je savais qu'il tenait un minimum à moi et j'étais prête à lui reparler, à braver l'interdit. Seulement, il n'était peut-être pas prêt à reprendre ce risque. Les scénarios étaient infinis et tout dépendait de lui seul.

Lorsque j'eus fini ma tâche, je sortis dehors, afin d'aider Eulalie à étendre le linge. Elle riait et posait sa main de façon régulière sur l'épaule de Julius. Ces deux là aussi s'étaient rapprochés. Je souris et m'approchai, un panier rempli de vêtements sous le bras. Ils m'aperçurent et me saluèrent en secouant joyeusement la main. Julius commença la conversation en soupirant exagérément :

La tête baisséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant