La tête baissée

Chapitre 2

Aaron

Je l'avais eu ! Cette esclave me fixait avec un mélange d'horreur et de curiosité. Père voulait absolument que je trouve une esclave d'environ cet âge pour que ma future promise se sente à l'aise lorsqu'elle serait en sa présence. Je n'étais pas encore marié et bon nombre de prétendantes avaient encore la possibilité de devenir ma future femme. Mais aucune ne m'intéressait. Je n'avais pas trouvé la fille qui me correspondait. Bien sûr, ce n'était pas pour cette raison que mon mariage motivait père. Il avait avant tout un but politique, économique et social. Il y avait bien eu plusieurs esclaves de cet âge là, mais aucunes n'avaient attiré mon attention comme elle. Daphnée. Ses cheveux couleur d'or ondulaient gracieusement sur ses fines épaules. Elle avait énoncé beaucoup de qualités, mais c'était sa manière de se comporter qui m'avait plu. Elle avait serré presque avec désespoir ce petit garçonnet blond qui ne devait pas avoir plus de dix ans, comme pour lui donner toute la force du monde. Ce devait être son frère. Sa posture était gracieuse et jamais elle n'avait regardé la foule romaine avec dévotion. Pour elle, rien n'était encore perdu. Alors que l'homme aux cheveux gris qui présidait la vente la poussa vers moi, elle se stoppa et repris la parole. Je levai un sourcil, étonné par son cran.

- J'accepte ma condition d'esclave, mais je souhaiterai demander à mon maître une faveur, réclama-t-elle d'une voix forte.

Je me rembrunis aussitôt. Il ne fallait certainement pas qu'elle oublie sa condition. C'était elle le vulgaire serviteur, une femme qui plus est. Elle n'avait aucun ordre à me donner, et me devait le respect. De plus c'étaient ses premières paroles à mon égard. Je commençai à regretter mon choix. Pour qui se prenait-elle ? Cependant, je ne voulais pas que, par mon refus de l'écouter, elle ne fasse du mauvais travail. Je me forçai à répondre.

- Que veux-tu, esclave ?

- Je souhaiterai que mon petit frère, elle se tourna pour désigner le petit blond, face également parti de votre personnel.

- Et pourquoi accepterai-je ? répliquai-je. Un seul esclave m'était nécessaire, je ne vois pas pour quelle raison je paierai pour un être gringalet qui m'est inutile.

- Je vous en supplie, il est si jeune et ne sait pas se débrouiller seul, mais il a un grand nombre de qualités pour aider au quotidien. Il se fera discret.

Ses yeux verts clairs étaient implorants. J'avais envie de céder mais ne le ferai pas. Jamais, au grand jamais, une esclave ne me dictera ma conduite. Cet enfant ne m'était pas indispensable. Je croisai mes longs bras sur ma poitrine.

- C'est non ! tonnai-je, maintenant viens !

Le jeune homme derrière elle contracta violemment la mâchoire, se retenant sûrement de faire quelque chose qu'il regretterait par la suite. Le vieillard poussa Daphnée, mais celle-ci s'échappa de sa poigne et parti serrer son petit frère contre elle. Je vis ses lèvres bouger. Elle lui chuchotait des mots apaisants. Enfin, elle lui embrassa la joue et se releva. Le petit pleurait à chaude larme. Je ne bronchai pas. Mon esclave se tourna vers le garçon aux cheveux noirs qui était tendu. Ses yeux exprimaient tant de tristesse... Il l'enlaça longuement. Etait-ce son amant ? Le vieillard s'énerva et revint à la charge. Le brun planta un baiser sur le front de Daphnée et la regarda lugubrement partir. Celle-ci me fit face et s'avança. Lorsqu'elle fut à mon niveau, elle inclina humblement la tête. Pour toute réponse, je lui dis de marcher. Je fis demi-tour et commençai à partir, écartant quelques personnes pour me frayer un chemin. Au bout de quelques secondes, je sentis de petites mains douces m'agripper le bras. Surpris, je tournai la tête. C'était mon esclave. Je retirai vivement sa main. Elle sursauta, et me regarda, les yeux suppliants.