Phase II

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- Alors, Ramiro ?
- J'ai pris ma décision. J'irai en Colombie.
- Tu es sûr ? Tu risques ta vie.
- Chef, comprenez que pour moi, c'est fondamental de faire tomber ces gens. Ils m'ont ôté ma mère... et ensuite mon père. Il faut qu'ils paient, il le faut !
- Comme tu veux. Mais j' ai besoin de partager des infos top secrètes avec toi. Assieds toi.
    Je m'exécute et il va baisser les stores de ses fenêtres.

[...]

     Je m'appelle Ramiro Suarez. Je suis policier et je me suis spécialisé dans la lutte contre les stupéfiants, comme l'a été mon père, Aaron Suarez. Il a consacré toute sa vie à la lutte contre le Cartel du Diable. Quand je suis né, ma mère est morte. Mais elle n'est pas morte en couche. Environ un jour après ma naissance, elle a été assassinée. Mon père n'a jamais pu le prouver parce qu'elle était malade et que ces enfoirés se sont débrouillés pour faire croire à un infarctus. Il y a quatre ans, mon père a été assassiné aussi. A côté de son corps, il y avait la signature du Diable écrite avec son sang. Je suis arrivé une minute trop tard. Je ne me le pardonnerai jamais. Sa phrase fétiche était : '' C'est les plus proches dont il faut le plus se méfier ''. Il y a plein d'agents doubles dans la police d' aujourd'hui. J'ai deux grands frères. Carlos et Gabriel. Carlos est le procureur de l'Etat et Gabriel est député. Tous les deux ont des enfants. On peut dire que je suis pas très pressé pour ce qui est de fonder une famille. Je suis plutôt du genre séducteur. C'est ce qu'on dit de moi, je peux rien y faire.
     Bon, on revient à nos moutons.
     Maintenant, j'ai l'opportunité de faire payer ces salopards pour ce qu'ils m'ont fait et ce qu'ils font à des milliers de personnes chaque jour.
     J'irai en Colombie et même si je dois devenir le bras droit de cet homme, je le serai.
     En sortant du bureau du commissaire, je me dirige directement vers celui de Manuela.
- J'ai un service à te demander.
- Dis toujours, répond-t-elle, les yeux rivés sur son ordinateur portable.
- Toutes les infos que tu peux me trouver sur l'organisation qui fait sa loi dans la jungle colombienne.
- Justement, c'est ce que je suis en train de faire. Mais tu sais quoi, il n'y a aucun rapport avec de la drogue. C'est plutôt un commerce de café. Par contre, personne dans ce village ne sait où se trouve la maison du proprio. Et personne n'a jamais vu son visage. C'est bizarre, non ?
- Comment il fait alors, pour recruter ses hommes ?
- Aucune idée.
- Hmm... Café. C'est pratique comme couverture.
- A quoi tu penses ?
- On sait s'il a de la famille ?
- Ah, aussi, il paraît qu'il a une fille. C'est juste une rumeur puisque personne ne l'a jamais vue.
- Un peu trop conservateur à mon avis. Arrivé là bas, il faudra que je vérifie un truc.
- Aller où ? Tu es fou, Ramiro ? Tu veux mettre ta vie en danger. Tu ne comprends rien ou quoi ?
- Si, je comprends. C'est toi qui es si bornée que tu ne peux tout simplement pas imaginer ce que cette mission représente pour moi. C'est quoi ton problème au juste, Manuella ?
     Elle me lance un regard plein de défi que je soutiens environ cinq secondes avant qu'elle se mette en colère et s'en aille.

[...]

     Il est une heure du matin et je suis encore en train de travailler. Je suis chez moi et je règle les derniers détails pour mon voyage. Mon téléphone portable sonne. Marta ? A cette heure de la nuit ? C'est la femme du chef. Elle est comme une mère pour mes frangins et moi. Je décroche. Sa voix me met aussitôt la puce à l'oreille.
- Que se passe-t-il, Marta ?
- Ils l'ont tué.
- Tué qui ?
-Viens vite, Ramiro. J'ai vraiment peur. Ils pourraient revenir.
- Mais de qui parles-tu ? J'arrive tout de suite. Attends moi dans la maison. Et reste calme.
     J'attrappe ma veste sur le dossier de mon fauteuil et je cours dehors. Heureusement que je ne m'étais pas changé. Je saute dans la voiture et je démarre. En chemin, j'appelle Duval. C'est le nom de famille de Manuela et c'est comme ça que je l'appelle quand je suis fâché contre elle. Elle, pareil.
- T'as vu l'heure, Suarez ? Qu'est ce qui peut être urgent au point de me réveiller en plein milieu de la nuit ?
- Je n'ai pas le temps de parler. S'il te plaît, rejoins-moi chez le chef tout de suite.
- Mais pourquoi ?
- Je t'ai dit que je n'avais pas le temps. Je t' expliquerai tout là-bas. Dépêche toi.
     Je raccroche et je jette le téléphone sur le siège passager.

[...]

     Duval sort de sa voiture en me voyant arriver.
- On peut savoir l'urgence ?
- Le chef a été attaqué. Il se pourrait qu'il soit mort et que ses agresseurs soient encore là. Alors tu arrêtes de poser des questions, histoire qu'on passe à l'action.
- Ok. Pas besoin d'être désagréable.
     Je passe devant. J'entre dans l'appartement. La porte était déjà ouverte. Vestibule : RAS. J'entre dans le salon, Duval sur mes pas. Étendu sur le sol, je découvre le cadavre de Pablo qui baigne dans une mare de sang. Je réussis à garder mon sang-froid juste assez de temps pour envoyer Duval inspecter la cuisine. Je reste debout et je regarde le mon chef, couvert d'écchymoses. Il s'est battu. Mais çà n'a pas suffi. Une fois encore, je n'ai rien pu faire. Je refuse de laisser couler les larmes qui emplissent mes yeux.
- RAS, crie Duval depuis la cuisine.
     J'entreprends alors d'aller voir à l'étage.
     J'entre dans la chambre d' à coucher de Pablo, mon arme pointée, ce qui fait crier Marta, pelotonnée dans le lit.
- Ça va, Marta. C'est juste moi. Tout va bien.
     Là, elle éclate en sanglots et se lève du lit pour se jeter dans mes bras. Je la serre fort. Elle est tellement sous le choc qu'elle tremble de tout son corps.
- Pourquoi, Ramiro ? Pourquoi Pablo ? Pourquoi mon mari ?
     Je sais bien. Mais je ne peux pas lui répondre.

[...]

     Je suis assis dans la voiture pendant que l'équipe de la police travaille à l'intérieur de la maison. Marta est en train de dormir chez une de ses sœurs. Je me sens vide. Comment cela a pu arriver ? Sous mes yeux. Je me sens impuissant. Maintenant, je réfléchis à toute allure. Il n'y a qu'une seule explication à tout cela. Ils ont découvert le contact de la forêt. Ils l'ont fait parler. Et ils s'en sont directement pris au commissaire. Mon mentor. Comment ils ont su l'adresse de chez lui ? C'est les plus proches dont il faut le plus se méfier... Mais oui. Il y a une taupe au bureau. Mais qui ? Pas Manuela. Elle non plus n' en revient pas de la mort du chef. Beltran non plus. Beltran est un autre membre de l'équipe que je forme avec Duval. Il y a aussi Cameron et Guilen, informaticien hors-pair. Je leur fais confiance à tous. Ils sont incapables de trahir leurs convictions. Alors qui ? Ils sont les seuls qui connaissent vraiment le fond de cette affaire.
- Je t'ai apporté apporté à boire, fait la voix de Duval à côté de moi. Je me rends compte qu'elle est entrée dans la voiture et qu'elle est assise à côté de moi sur le siège passager. Je repousse le verre qu'elle me tend.
     Un silence gênant s'installe entre nous avant qu'elle ne dise :
- Je suis désolée, Ramiro. Je sais à quel point le chef comptait pour toi. Il ne méritait pas de mourir comme ça. Tu sais, il comptait pour nous tous.
     Elle pose sa main sur la mienne. Je lève les yeux vers elle. Elle se penche pour me prendre dans ses bras. Mais je la repousse.
- Tu sais, Ramiro, même si tu essaies de le cacher, je vois bien que tu souffres. Ça ne sert à rien de te renfermer sur toi même. Tu fais toujours çà. Bref, si jamais t'as besoin de quoi que ce soit, je suis là... Je laisse le café ici.
     Puis elle sort de la voiture, me laissant seul avec mes idées noires.

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