Chapitre 1 : Le lycée secret

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Bonjour bonjour :)

Juste un petit mot pour vous prévenir de quelque chose concernant un personnage que vous allez rencontrer dans ce chapitre : Esel. Ce prénom ne se prononce pas "aisselle" (comme beaucoup le prononçaient jusqu'ici, d'où ma petite précision ^^) mais "ézèl" ;)

Voili voulou, maintenant vous êtes prévenus, vous n'avez plus d'excuse pour appeler mon p'tit Esel comme les dessous de bras ;D

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Depuis plusieurs années, mon oncle me force à sortir de chez nous pour que je ne reste pas enfermée à longueur de temps chez lui Je crois qu'il espère aussi secrètement qu'un jour je finisse par me faire des amis. Et, bien souvent, son excuse, c'est de m'envoyer acheter du pain. Il ne fait pas cela par méchanceté, mais pour me pousser à passer outre le regard des gens, pour me forcer à être forte et à ne pas me renfermer sur moi-même. Si au début cela m'a dérangée, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Je suis un être humain comme tout le monde et j'ai le droit de vivre autrement qu'enfermée comme un ermite. Si les gens veulent me dévisager, soit, qu'ils le fassent, cela ne me fait plus rien.

Ce matin, comme beaucoup d'autres, Jonathan m'envoie donc en ville. Lorsque j'arrive devant la boulangerie, quelques personnes font déjà la queue. Je me range derrière elles et attends plus ou moins patiemment mon tour. La femme devant moi finit par se retourner pour je ne sais quelle raison, avant d'écarquiller les yeux pour finalement détourner le regard. Des paroles de son esprit me parviennent alors.

« Pourquoi elle est là, elle ? Ok, reste calme Ilda, ce n'est qu'une adolescente. Pourquoi il a fallu que ça tombe sur moi ? J'étais de bonne humeur ce matin... Peut-être qu'elle est actuellement en train de farfouiller dans mon esprit... Peut-être qu'elle sait pour Liam et moi, si jamais mon mari l'apprend ! Non. Non. Impossible. Personne ne sait lire dans les pensées et sûrement pas cette gamine rousse à l'air blasé. J'ai les mains moites, pourquoi j'ai les mains moites ? Pourquoi la boulangère ne va-t-elle pas plus vite ? Cette gamine me stresse. Est-ce vraiment une sorcière ? C'est vrai que son regard paraît sournois... »

Je soupire fortement. Cette femme est une idiote. Non seulement elle trompe son mari, mais en plus elle y pense alors qu'elle se doute que je peux l'entendre, même si elle veut se persuader du contraire. C'est le cas de beaucoup de monde, dès qu'ils savent que je peux entendre leur esprit, ils se mettent aussitôt à penser aux choses honteuses qu'ils tentent de cacher. Comment leur faire comprendre que ce n'est absolument pas une bonne idée ? Je hausse les épaules. Après tout peu importe, je me fiche de leur vie. Je me fiche bien de leur pire honte tant que ça peut me divertir un moment. Ils me rejettent, je me venge en me moquant d'eux dans l'ombre. Ça me semble plutôt équitable.

La femme finit par craquer et quitte la file d'attente pour aller acheter son pain dans une autre boulangerie, la peur l'emportant sur l'envie de manger ses pains au chocolat favoris. Dommage pour elle, tant mieux pour moi, j'aurai ma baguette plus rapidement.

A mon retour, mon oncle a déjà mis la table et j'y dépose mes achats avant de m'installer sur ma chaise attitrée.

— Comment ça s'est passé ? se renseigne-t-il gentiment.

— Un peu moins bien que d'habitude. Je n'ai réussi qu'à gagner une place dans la file d'attente aujourd'hui.

Jonathan esquisse un sourire, amusé par ma désinvolture, et nous nous mettons à table. En voulant prendre ma serviette pour la mettre sur mes genoux, je découvre alors qu'elle cache un dépliant.

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je en haussant un sourcil.

— Le nouvel établissement dans lequel tu vas étudier.

Je le fixe sans trop y croire. Est-ce une blague de mauvais goût ?

— Tu l'intègres dès lundi, ajoute-t-il.

— Que je change de lycée ou non ne changera rien. Les gens finiront toujours par se rendre compte que je ne suis pas comme eux et je devrai revivre ce que je vis ici. Je préfère autant rester, réponds-je en tentant de ne pas soupirer.

— Ce n'est pas un établissement comme les autres, il tient à son anonymat et est particulièrement difficile à trouver. Tu prendras bien le temps de lire la brochure que je t'ai donnée. Ton inscription est déjà effective, lundi, tu commences là-bas.

— Mais on est en plein milieu de l'année ! rétorqué-je.

— Ils sont habitués à recevoir des élèves après la rentrée, tente de me rassurer mon oncle.

Quel genre d'établissement est habitué à ça ? Si Jonathan a fini par changer d'avis et m'envoie en hôpital psychiatrique je jure qu'il va le regretter !

— Regarde la brochure, répète mon oncle, un sourire bienveillant aux lèvres.

Je me suis peut-être un peu emballée en pensant qu'il voulait m'envoyer à l'asile... Il a toujours été là pour moi et je sais pertinemment, sans même avoir besoin d'entendre ses pensées, que ce n'est pas près de changer. Je prends sur moi et jette un coup d'œil au papier glacé plié en trois.

Sur la couverture du dépliant, la photo d'un immense château ancien entouré d'une profonde forêt attire tout de suite mon regard. Il semble y avoir des arbres à perte de vue, nul doute que personne ne peut tomber sur cette école par hasard et que son existence est bien gardée. Sous la photo de celle-ci, l'intitulé annonce « Académie Adélaïde : école spécialisée pour personnes aux dons de perception extra-sensorielle ». Je cligne plusieurs fois des yeux avant de les poser sur mon oncle. Visiblement, il est fier de l'effet de sa brochure.

— Je suis persuadé que c'est l'établissement qu'il te faut, ajoute-t-il avec un clin d'œil à mon attention.

Je ne réponds pas et m'empresse d'ouvrir le prospectus pour en savoir plus. Ça ne peut pas être vrai, si ? J'en reste bouche bée, les yeux totalement écarquillés. Je n'arrive pas à assimiler le fait qu'une école de la sorte puisse exister et encore moins que je vais l'intégrer. C'est irréel. J'ai toujours su que je ne pouvais pas être la seule à avoir ce « don » comme ils l'appellent, mais de là à imaginer l'existence d'un tel lieu... non !

D'après ce que j'ai compris des explications, l'académie est divisée en quatre classes : les télépathes – les personnes qui perçoivent les pensées des autres –, les précogniteurs – les personnes qui voient le futur et qui peuvent changer le cours des choses –, les psychokinésistes – ceux qui peuvent influencer les objets et les personnes par la pensée –, et une dernière classe contenant les élèves les plus forts de l'école, ceux possédant plusieurs dons à la fois.

Je ne peux m'empêcher de secouer la tête d'incrédulité. Je suis donc ce qu'ils appellent une télépathe. J'ai déjà entendu ce terme bien entendu, mais j'ai toujours cru qu'il était réservé aux livres, pas à la réalité.

— Ils te feront passer un test dès ton arrivée pour être certains de la classe dans laquelle ils vont te mettre, m'apprend Jonathan.

J'acquiesce sans parvenir à masquer mon enthousiasme grandissant. Un billet de train est collé sur la dernière page et ce détail entaille quelque peu ma joie.

— C'est très loin ? je veux savoir.

— A plusieurs heures de train d'ici, tu seras en internat.

Cette fois, je ne peux m'empêcher de soupirer. Si les élèves de cette école m'apprécient autant que ceux d'ici, le reste de l'année risque d'être très long. Mais je ferai comme toujours, je m'adapterai et prendrai sur moi pour les ignorer. C'est déjà mon quotidien.

Orphère T1 : L'académie Adélaïde [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant