Orphère T1 : L'académie Adélaïde [édité]

Chapitre 6 : Pourquoi est-tu si proche de moi ?

Cela fait maintenant un mois que je suis dans cette école et j'ai appris à connaître mes camarades : Sophia est sans surprise celle avec qui je m'entends le mieux. Je pense qu'on se considère comme « meilleures amies ». La CF est partagée en deux bandes que j'aime appeler « les gentils » d'un côté : moi et mes amis, et « les méchants » de l'autre : Dylan – évidemment –, Scarlette – qui est une garce de première –, et Mickaël. Raven et Logan ne font partie d'aucun groupe à proprement parler, ils vont et viennent entre les deux sans jamais s'y attacher plus que cela.

Je suis presque tous les jours une à deux heures de cours particulier avec Esel. Des cours qui, comme me l'a promis mon professeur principal, sont très instructifs. Je sens la force de mes dons augmenter de jour en jour. Contrairement à ce que j'ai cru au début, c'est un enseignant très sérieux et travailleur. Je vois qu'il prend un véritable plaisir à m'enseigner ces choses d'un autre niveau alors qu'il lui arrive parfois de légèrement s'ennuyer quand il dispense des cours au reste de ma classe. Leur niveau n'est pas assez élevé pour lui qui n'aime que l'excellence... Avec l'accord d'Erinn, Esel me donne également des cours supérieurs de télépathie.

Depuis mon enfance, que j'ai passée seule, j'ai appris, pour mon propre bien-être, à ne pas me rabaisser. Les autres le faisaient suffisamment, nul besoin d'en rajouter. A la place, pour compenser, j'ai pris l'habitude de gonfler mon égo. Et si cette technique fonctionnait plutôt bien avant, à présent que mes semblables ne m'excluent plus, j'ai tendance à avoir les chevilles qui enflent. C'est Esel qui déteint sur moi ! Ou en tout cas, il ne fait rien pour me faire redescendre sur terre. Et c'est certes narcissique à dire de ma part, mais je me sens au-dessus des autres, je suis au-dessus des autres grâce à mes facultés extra-sensorielles surdéveloppées, même pour ici.

Je comprends maintenant comment un garçon de 19 ans tel qu'Esel a pu devenir professeur : c'est un surdoué, tout comme moi.

Mon don de précognition est enfin apparu après des heures et des heures de cours s'apparentant plus à du yoga et à des cours de maîtrise de soi qu'autre chose. Je parviens à voir des événements environ dix secondes avant qu'ils ne se produisent, ce qui est déjà un grand pas en avant. J'ai par exemple réussi à voir Scarlette renverser son verre d'eau et Sophia repeindre la table à coups de petits pois quelques secondes avant que cela n'arrive. Ma classe a beaucoup progressé en un mois elle aussi et Dylan, qui s'est reposé sur ses connaissances de base, se fond maintenant dans le décor, plusieurs de mes camarades réussissent même certains exercices mieux que lui.

Un après-midi, alors que nous entrons en cours de psychokinésie, Esel vient me voir afin de me donner un exercice particulier : réussir à faire ressentir une telle quantité d'énergie, de pouvoir, aux autres qu'ils en ressentent le besoin de se taire, tout comme lui le fait tous les jours.

— Tu dois te concentrer, sentir tes dons bouillir en toi comme s'ils étaient palpables, et tu verras, ça se fera tout seul. Je ne t'aiderai pas, me précise-t-il. C'est un travail noté.

— Noté ?! m'exclamé-je.

— Tu as très bien compris, oui, dit-il avec un sourire mystérieux. Tu as toute l'heure pour y parvenir.

Puis il part nonchalamment commencer son cours. Je vois mes camarades se demander pourquoi l'ambiance n'est pas aussi tendue que d'habitude, mais ils ne se privent pas pour en profiter. Quant à moi, j'essaie de me concentrer sur mon exercice. Je veux vraiment avoir une bonne note et je sais que j'en suis capable. Je veux prouver à Esel qu'il a eu raison de me prendre sous son aile.

Au bout de quinze minutes, la tension commence enfin à monter dans la classe, mais pas suffisamment pour insuffler le silence. Je dois fermer les yeux et prendre ma tête entre mes mains pour m'isoler l'esprit. Une goutte de sueur perle sur mon front. Utiliser mes pouvoirs, rien de plus simple, mais les chercher au fond de moi pour physiquement les ressentir et les faire ressentir, c'est une autre paire de manches !