4.

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— A-allô ?

Ma voix était tremblante.

Jess ? Où es-tu ?

— Pas loin d'un café, dis-je en reniflant. Tom ?

Tu pleures ?

Je ne répondis pas, je passai le revers de mes paumes sur mes joues mais mes larmes s'étalèrent davantage. Pathétique. J'avais cette image de moi-même au milieu de la rue, sanglotant comme une petite fille.

Lève la tête, s'il te plait.

Je ne comprenais pas sa requête. Et je ne reconnaissais pas sa voix, trop douce, trop calme. Devais-je m'inquiéter ? Pourtant, je relevai la tête.

Tu ne devrais pas pleurer. Depuis quand les gothiques sont des pleurnicheuses ?

J'écarquillai les yeux. Je voyais un mec souriant, le téléphone à l'oreille, qui marchait vers moi. Je sentis mon cœur faire trois grands bonds dans ma poitrine alors que mon estomac se ratatinait. Pourquoi avais-je l'impression de m'être fait avoir ?

Ma main retomba lourdement à mes côtés. En quelques secondes, il fut en face de moi et à cet instant, je doutais de la réalité des faits, je devais rêver. Oui, ce devait être ça. Je n'étais jamais sortie de mon lit, je faisais un rêve très étrange. La journée avait trop mal commencé pour que ce soit vrai.

Mais alors que je me pinçais en fermant les yeux pour essayer de me réveiller, il me prit dans ses bras en rigolant. Sa chaleur diffusa contre mon corps frigorifié de ma tête à mes pieds.

— Qu'est-ce que tu fais ?

De petites ridules se creusèrent aux coins de ses yeux tandis qu'il me souriait chaudement.

— Rentrons au chaud, tu m'expliqueras pourquoi tu pleures.

— O-oui...

*

Je le regardais. Je n'aurais pas imaginé qu'il ressemble à ça. Brun, les cheveux courts dans la nuque un peu plus long sur le haut et ondulantes en vagues chocolatées zébrées de couleurs plus claires. Pommettes hautes, menton fendu d'une fossette et les joues assombries d'une petite barbe. Sa trentaine lui allait à merveille, son sourire était apaisant et rassurant. Ses yeux sombres étaient par contre plus scellés que son sourire. Enfin, c'étaient des yeux quoi.

— Tu m'analyses ?

Il me gratifia d'un petit sourire en coin.

— Hem... Tu ne ressembles pas du tout à Théo James, dis-je en essayant de masquer le mien.

— T'y croyais ? fit-il en faisant mine d'être surpris, ce qui me fit rire.

Nous commandâmes des boissons et la discussion fut enfin lancée. J'appris qu'il était co-gérant d'une chaîne de restaurant et de pâtisseries de renom de la capitale ; que sa femme s'appelait Barbara et que le propriétaire du café n'était autre que son cousin ; que ses deux filles s'appelaient Alice et Diane et qu'elles étaient jumelles. Il me proposa d'organiser une autre rencontre pour que nos enfants fassent connaissance. L'idée ne me déplut pas, mais je redoutais la réaction de Tom. Alors je déclinai gentiment son invitation.

Après cela, il me fusilla de questions, je lui parlai donc de mon travail, de mes enfants et de Tom. Il comprit immédiatement que quelque chose clochait, il insista, mais je me bornais à ne rien lui dire. Je restais bloquée sur le sujet, c'était indéniable que je me voilais la face. Mais c'était légitime. Il restait encore un étranger à qui je ne pouvais résolument pas dévoiler toute ma vie. Alors j'optais pour la retraite et gardais tout pour moi.

Ma relation avec Tom a été houleuse dès le début. Mais son courage et son insistance ont réussi à harmoniser notre vie à deux. Pourtant, ces derniers temps il était plus que distant et odieux, lui qui avait toujours été quelqu'un de doux et d'avenant. Il n'y avait aucune explication à tout ce qui bousculait notre couple. Et je n'avais aucune envie d'enflammer les choses.

— Dans ton travail, tu écoutes et aides les autres. Mais il n'y a personne pour écouter se plaindre la psychologue.

Voyant mon changement soudain d'humeur, Téo me proposa d'arrêter là. Je ne savais pas si je l'avais vexé, il resta silencieux le long du trajet jusqu'à la clinique où j'avais laissé ma voiture. Je ne savais plus quoi dire, je ne savais pas si je devais le regarder ou pas. Son expression sérieuse me mettait mal à l'aise.

— Bon ben... Au revoir, Téo.

— Au revoir, Jess.

Son sourire était égal.

Je tournai les talons et marchai jusqu'à ma voiture. Une fois à l'intérieur, je fus frappée par le silence régnant dans l'habitacle. La sensation d'étouffement qui naquit dans ma cage thoracique me fit comprendre que je venais de faire une grosse bêtise. Que je venais de râter la chance de pouvoir avoir une épaule sur laquelle pleurer. Pourquoi gardais-je le silence ? Et Après ? Irai-je encore lui demander de l'aide avant de rebrousser chemin, comme les autres fois ?

Je levai mes yeux embués de larmes et le vis marcher tranquillement. Il ne se retourna pas pour savoir si j'étais déjà partie. Il ne devait pas plus se soucier de mon état actuel et il en avait le droit, nous nous connaissions à peine. Je n'étais malheureusement pas l'héroïne d'un de ces romans à l'eau de rose où le personnage revenait vers la belle pour l'étreindre. Je devais être un peu réaliste. Ce fut court, la sensation que ça l'était trop me démangeait. Mais c'était fini et je ne savais pas quand nous nous reverrions. J'avais de quoi me sentir conne.

Je démarrai et pris le chemin de l'école des enfants, je savais que Tom ne prendrait pas la peine d'aller les chercher. En regardant ma montre, je me rendis compte que j'avais raté d'une bonne heure la sortie des classes. Je m'horrifiai de ce constat et fonçai.

Encore une fois, ma petite voix intérieure me soufflait que c'était mauvais signe. Et alors que je m'arrêtais à un feu rouge, je reçus un message. Il était court, mais réussi à ébranler mes murailles, à tel point que je doutais à présent de leur existence.

« Au fait, tu es très jolie. »

A ce moment, je sus que plus rien ne serait pareil.

FEMMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant