On nous a trop souvent fait croire à une vie véritable, à un voile doré. un voile qui s'est déchiré, effacé, qui a brûlé et dont les cendres se sont incrustées dans ma peau. elles ont parcouru leur chemin jusque dans mon sang, dans ma gorge, sur mes poumons. elles grouillent dans tout notre organisme et menacent d'arriver à notre cerveau. elles pullulent de sorte que chaque soir elles sont plus nombreuses. elles sont infectes, elles irritent, brûlent. alors tous ces brûlés de l'intérieur, ces singuliers nids de cendres se promènent, ils errent dans la rue, cherchant à s'en débarrasser, du moins à respirer. oui, car ils étouffent -oui, car j'étouffe. car les particules brûlantes s'en prennent à leurs poumons, qu'elles les détruisent, qu'elles les consument. alors eux -comme moi, on ne peut plus respirer. on ne peut qu'espérer que la douleur s'apaisera, mais l'air dans nos poumons est bouillant, même lui s'en prend à nous, devient cendres à son tour. et on le sent, que cela arrive lentement jusqu'à notre cerveau. on voit nos mains tremblantes, on entend notre voix qui se saccade, on sent l'orage qui ne peut plus s'arrêter. et tous les soirs, on le ressent partout dans notre corps, ça nous réveille, ça nous empêche parfois de dormir. on tente de faire évacuer tout ça par des larmes, des poings dans les murs, du sang, des cris qui se transforment en poèmes cachés ou en musiques sourdes. mais ça reste, ça ne sort pas. alors que faire ? attendre. attendre car on a bien compris que cet incendie est ineffable et impossible à arrêter. qu'il va nous consumer jusqu'au bout. que je ne sortirai pas vivant de ce brasier, toi non plus. alors, je t'en prie, si je brûle avant toi, si mon corps tombe en poussières avant le tien, conserve mes cendres enfermées à double tour dans un coffre. ne les montre jamais à quiconque, même à la lumière. j'ai déjà brûlé suffisamment de doux visages pour contaminer quelqu'un d'autre.
