c'est blanc. totalement immaculé et propre, rien ne dénote sur cette page. elle est blanche. elle est triste cette page, un peu froissée avec le temps, elle attend. elle veut se faire remplir avec des mots porteurs de sens, cette page. elle a un côté un peu mystique. j'ai pas envie de la gâchée, elle est plutôt jolie avec son petit air effarouché. peut être que sur cette page je devrais écrire des mots par rapport à toi. poser des mots pour te décrire. elle serait peut être moins triste. elle dénoterait parmi la masse inutile. cette page tu pourrais la remplir avec des notes de musique. je n'y connais rien c'est vrai mais tu pourrais y inscrire une mélodie ou peut être les paroles d'une chanson que tu me chanterai par la suite. et puis tes doigts effleureraient les touches du piano. comme pour ne pas le blesser, lui éviter de s'effondrer. et laisser tes doigts courir dessus, s'emporter, s'arrêter, repartir, avec cette impression de ne plus en finir. et moi je serais là derrière toi à te regarder comme à chaque fois. et je sourirais même si tu ne me vois pas. ou bien regarder tes mains toujours, gratter les cordes de la guitare, assises par terre. tes mains qui s'emporteraient encore une fois sur un instrument. c'est magnifique de te voir jouer tu sais. tout en toi prend forme et s'attache à former ce qui te constitue à l'intérieur. tu prends vie et c'est superbe de te voir ainsi. je crois que c'est pour ça que je souris en fait, j'aime te voir vivre. et cette maudite feuille serait toujours là entre nos corps, mais je la ferais voler derrière nos dos pour pouvoir t'embrasser, vivante, connecter nos lèvres. parce que si je ne me lasse pas de t'entendre jouer, c'est de tes lippes dont je ne veux pas me détacher. tout s'écroule et seuls les astres s'élèvent autour de nous, plus rien n'a de forme, rien n'est clair. tout disparaît. alors cette feuille finirait oubliée sous une armoire poussiéreuse, écorchée, mais vivante de ton âme. de la mienne et de cette évanescence du réel que tu crées en me regardant.
