Chapitre 4.

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-Je croyais que son état s'était arrangé.

-C'est ce qu'elle nous avait garanti... Elle n'est pas venue depuis des mois, nous pensions sincèrement...

-Ce que vous pensez n'a pas d'importance face à la gravité de la situation.

-Il s'agit peut-être juste d'un malaise temporaire, d'une rechute ? Ce ne serait pas la première fois que ça arrive après un traitement.

-Attention, elle se réveille.

Les chuchotements furent remplacés par des bruits de semelles glissant sur le parquet, puis par un petit lourd bruit de tissu, comme un rideau que l'on tirait. Elle sentit une pression sur son poignet, un contact frais sur son front. Doucement, Veronika reprenait conscience de son environnement. Elle n'osait pas encore bouger son corps qui lui paraissait à la fois extrêmement lourd et extrêmement léger, comme s'il était enveloppé dans une couche de coton. Sa tête lui faisait mal, mais c'était surtout sa gorge qui la préoccupait : chaque fois qu'elle tentait de déglutir la salive épaisse qui remplissait sa bouche pâteuse, elle avait l'impression que des milliers de minuscules épines tapissaient l'intérieur de sa gorge. Malgré cette sensation des plus désagréables, elle avait soif, terriblement soif. Et faim aussi : son estomac se tordait et ses gémissements s'y répercutaient en un étrange écho.

-Miss Shelly ? Vous m'entendez ?

Elle lui sembla reconnaître la voix qui lui parlait. Elle l'avait déjà entendu quelque part, elle en était sûre. Mais où ?

-Miss Shelly, si vous êtes là, bougez la tête ou serrez-moi la main, s'il vous plait.

Avec une grande faiblesse, elle parvint à étreindre les doigts qu'elle sentait sur ses phalanges. En retour, on pressa sa main un peu plus fort.

-Bien. Est-ce que vous pouvez ouvrir les yeux ? Ou parler ? Ou est-ce que cela vous fait trop mal ?

Veronika déglutit une nouvelle fois et grinça les dents face à la douleur qui lui transperçait la gorge. Elle tenta tout de même de s'exprimer :

-J'ai... soif... Très soif....

-C'est normal, Miss Shelly, vous êtes grandement déshydratée. Vous sentez-vous capable de boire ? Bien, Nurse, pourriez-vous nous trouver un peu d'eau pour Miss Shelly s'il vous plait ?

Des petits pas précipités s'éloignèrent. A la perspective de boire quelque chose, Veronika sentit ses forces lui revenir un instant. Elle pressa ses paumes dans le matelas et utilisa la force de ses avant-bras pour se redresser un peu. Quelques centimètres suffirent à lui faire un peu tourner la tête, mais elle persévéra jusqu'à être presque assise. Elle sentit la main quitter la sienne et accompagner ses mouvements, restant posée entre ses omoplates comme un soutien supplémentaire. Elle respira lentement, une, deux, une, deux, pour faire partir la nausée. Puis, lorsqu'elle fut sûre de ne pas tomber ni de vomir à nouveau, elle ouvrit les yeux.

Elle reconnut en un regard la grande infirmerie de Saint Hamlet, située dans le bâtiment principal, qui comptait une vingtaine de lits. Il était très, très rare qu'ils soient tous occupés, sauf l'hiver lorsque les rhumes sévissaient avec rage. En général, les Nurses préféraient se servir des petites infirmeries annexes, n'utilisant que cette immense salle lors de cas extrêmes.

Veronika la connaissait très bien, cette infirmerie, plus qu'elle ne le voudrait. Elle avait passé de nombreuses heures cloitrée entre ses murs, coincée entre les draps blancs de ses lits. Toujours, ou presque, pour la même raison : ses crises de vomissements, S'agissait-il de la tuberculose ? On l'avait d'abord pensé, car nombreuses étaient les pensionnaires qui en souffraient. Mais elle n'avait aucun autre des symptômes typiques de cette maladie. Les Nurses, puis les médecins s'étaient succédés à son chevet, sans trouver la source de son mal. Elle avait suivi les prescriptions, pris des pilules, des sirops épais, pris des bains, fait des cures, sans succès.

K, tome 1 - Saint Hamlet.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant