Chapitre 4

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Le réveil sonne, je tape un grand coup dessus et me tourne de l'autre côté en mettant l'oreiller sur ma tête. Rah, laissez moi dormir, en plus aujourd'hui Maxime risque de vouloir se venger, je ne sais pas si je vais assumer.
  On est quel jour déjà ? J'ouvre les yeux en grand. Je me redresse et lance ma couverture par terre. MERCREDI !!!!! Je me jète hors du lit et cours me préparer, le mercredi est le plus beau jour de la semaine, parce que j'ai volley, et le volley, c'est la vie.
  En moins de dix je suis prête, et je mange même un petit quelque chose avant de partir au lycée. Je ne suis tout de même pas folle, il faut se nourrir si l'on veut avoir des forces pour faire du sport.

  Au lycée je fonce sur Héloïse et crie :
  "-YAH!!!!! TOUT A L'HEURE, VOLLEY !!!!!!!!!!!!!!!!
-OUI !!!!!!!!!
Emilie, Maël et Nina nous regardent désespérées. Mais Maël s'écrit :
-Stop it.
-How do you spell that ? Continue Emilie.
-S.T.O.P, crie-t-on toutes ensembles, I.T !!!!!!!!!!
-Yah, vous n'êtes vraiment pas possible, leur hurle-je dessus.
-Et c'est toi qui dis ça, répond Nina.
-Alors, racontes, ça c'est passé comment avec Maxime ? Demande Héloïse.
-Bruh, la façon dont tu le demandes laisse penser qu'on a eu un rendez-vous, lui réponds-je.
-Non mais sérieusement.
-Bah... je me demande s'il peut encore être père, réponds-je fièrement.
-Non, sérieux, tu l'as castré ? Demande Maël toute excitée.
-Peut-être pas à ce point mais, disons qu'il n'était pas dans sa plus grande forme hier.
-Ah, je suis fière de toi, dit Héloïse.
-Toi, continue-je en la menaçant du doigt, la prochaine fois fais ce que je te dis, ok ?
-Oui, déso, mais je pensais que c'était un mec bien.
-Lui, un mec bien, yah, t'es vraiment naïve.
-T'en sais rien, peut-être qu'au fond c'est un mec bien.
-Pfffff, ri-di-cule, rétorque-je, les mecs, j'les connais bien, tous les mêmes. Roh, arrêtez de me regarder comme ça, vous allez me gâcher la journée, sachant que je vais devoir me le coltiner toute la matinée."

  Je sens un regard peser sur moi, enfin non, plutôt deux. Je me retourne et aperçoit tout d'abord Maxime, entouré de quelques gars qui discutent, les bras croisés sur sa poitrine n'arrêtent pas de me fixer, son regard est dur et lourd de sous-entendus. Je le regarde, perturbée que ses yeux ne changeant pas de cible. Je bouge légèrement ma tête vers la gauche et croise un autre regard, celui d'Antoine. Il m'interroge sur l'attitude de Maxime et j'hausse les épaules avec une moue désespérée. Je crois que jusqu'à ce que la cloche sonne, Maxime n'a pas détourné les yeux ni prononcé une seule parole.

  Nous nous rangeons, au passage je salue Ilysse, Mathilde, Flora et Lola. Jennie passe devant moi ricanant avec Théo, Maéva et Laura mais eux me saluent de la tête. Une fois en classe, nous nous asseyons tous dans le calme, enfin calme pour les autres car pour Maxime et moi, une lutte s'est engagée. Le gagnant sera celui qui fera le plus de crasse à l'autre même si pour l'instant nous ne nous parlons pas. L'atmosphère est lourde et pesante. Je suis crispée malgré moi.
  Il fait cogner ses ongles contre la table, la mâchoire serrée. Je suis prête à, dès que la professeure se retourne, le voir me frapper. Mais il ne fait rien de tout le cours, pire de toute la matinée, il me fait languir et m'oblige à me mettre sur mes gardes jusqu'à devenir parano. Sachant que je ne dors presque pas, mes nerfs sont à vifs.

  Il est enfin 18h30 et je pars en direction du volley. En passant nous prenons Héloïse au tennis, elle a cours avant, nous allons ensuite au gymnase. Charlie, notre entraîneur, nous explique le programme après que nous nous sommes échauffées et que nous ayons montés les terrains. Nous commençons par des manchettes et quelques réceptions, pour ensuite passer aux passes.
  Il fait extrêmement chaud mais nous enchaînons tout de même les plongeons, les blocs et toutes les choses horribles que Charlie aime nous faire faire.
Et puis nous faisons quelques services pour nous échauffer le bras avant de smasher. C'est très simple, pour smasher, on se met en fil indienne, on lance notre balle au passeur qui nous fait une belle passe, nous faisons nos trois pas, sautons, smashons et retombons sur nos deux jambes, rien de plus simple. Alors je m'élance, comme à chaque fois, je cours, comme à chaque fois, je saute, pointe la balle de mon bras gauche et frappe le plus fort possible avec le droit dans le ballon, comme à chaque fois, mais au moment de "l'atterrissage" mon pied gauche ne se met pas parallèle au sol mais perpendiculaire. Et ce qui devait arriver, arriva. Ma cheville se tord sous la pression de mon corps attiré par l'attraction terrestre. Je m'agenouille instinctivement et retient un cri de douleur. Je me mords la lèvre jusqu'au sang et empêche les larmes de couler. Mon entraîneur arrive en courant.
"-Ça va, tu arrives à marcher ?"
Il me tend son bras que j'attrape puis essaye de me lever. Je fais un pas et une douleur s'empare de ma cheville. Je fais non de la tête. Il place mon bras autour de son épaule et place sa main sur ma hanche. Je prends appui sur lui et saute à cloche pied jusqu'au gradin. Un autre entraîneur accourt avec un sac de secours, il en sort une bombe de froid et l'applique sur ma cheville. Il est plutôt farceur et dit que ce n'est rien, que c'est comme ça que le métier rentre. Personnellement ce n'est pas la douleur qui me fait chier mais le fait que si c'est une entorse, je peux dire adieu au sport pendant quelques semaines et ça, ça je ne le supporte pas.
D'autres adultes, ceux qui ont cours après, viennent me voir et un d'entre eux dit :
"-Arrêtes Steve, ça sert à rien de lui faire croire qu'elle n'a rien, c'est une entorse, c'est sûr.
Je me décompose, ma voix est cassée et presque inaudible.
-Mais... mais, j'arrive à marcher, regardez.
Je me lève et fais quelques pas non sans mal.
Je n'ai presque plus mal, je me suis juste tordu la cheville.
-Si ça gonfle et que ça continue à te faire mal demain, va voir un médecin, en attendant mais de la glace."

En même temps ma mère est arrivée et soupire. Elle en a marre que je me blesse, je le sais bien, mais je n'ai pas de chance, non, là c'est pire que de la malchance, c'est une malédiction.
Nous rentrons à la maison, ma cheville étant refroidie, je ne souffre pas trop mais je le sais bien, elle ne s'est pas juste tordue.

À la maison, après le dîner, je prends de la glace et m'enferme dans ma chambre. Je balance la glace contre le mur et pète un câble.
"-PUTAIN !!!! VIE DE MERDE !!!! MAIS POURQUOI ÇA N'ARRIVE QU'À MOI ??!!!!!"

Je me mets en boule, ma cheville me fait tellement mal, mais les larmes qui coulent lentement le long de mes joues ne sont pas des larmes de douleur, mais des larmes de haines. Quand j'ai l'impression de remonter la pente, il y a toujours quelque chose pour me faire redescendre bien plus profondément. Je m'allonge sur mon sol froid et regarde le vide. Si quelqu'un était rentré dans ma chambre à ce moment il aurait peut-être pensé que j'étais morte car pas une partie de mon corps ne bougeait. Je fixe désespérément cette poutre, mes yeux humides et fatigués semble m'apercevoir pendue à cette poutre, le corps sans vie, le regard vide avec ce petit sourire aux lèvres. J'ai l'air enfin libérée, heureuse peut-être ? Une larme coule sur le parquet, la lune est cachée ce soir, elle a le coeur aussi lourd que le mien. Mais elle, elle brille et se distingue des étoiles, elle, elle est différente. Si un jour elle disparaissait, les gens s'en rendraient compte alors que si c'était une simple étoile, personne ne verrait la différence, tout comme moi. Si je me fais petite et fais en sorte de ne pas me faire remarquer, c'est pour que le jour où je partirais cela n'affecte personne.

  Je frissonne, j'ai froid, je suis pâle et triste comme la fille pendue en face de moi et comme elle je souris, je souris de ce sourire triste que l'on fait pour faire croire que l'on va bien. Non, je ne pleure pas, je n'en ai pas le droit. Seulement une solitaire goutte d'eau glisse le long de ma joue pour venir se loger sur mes lèvres.
Elle est amer.

DésespéréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant