Chapitre 1 - l'orphelin

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Le noir. Le vide. La solitude. Voila ce que Wivin ressentait la plupart du temps. Mais jamais l'idée d'abandonner n'avait effleuré son esprit, c'était un garçon joyeux d'apparence, rusé et n'ayant peur de rien, ni des monstres, ni même du noir lorsque la mère Charni fermait la porte du grand dortoir le soir, à l'orphelinat.
Années après années, jours après jours, il s'était obligé à résister à l'envie de pleurer, se sachant coincé dans cette affreuse demeure branlante ou lui et ses nombreux amis étaient maltraités, punis des heures sous la chaleur écrasante du soleil pour un bonbon chipé ou recevant des coups de bâton dans le dos pour un rire un peu sonore dans les couloirs poussiéreux du grand manoir.
Aussi quand à l'âge de 12ans l'opportunité se présenta pour lui de fuir l'établissement, il n'hésita pas un instant, entraînant à sa suite quelques camarades qui prirent chacun des chemins différents.
Wivin traîna quelques mois dans les rues, dormant sous des ponts, se nourrissant peu et passait des journées à chercher des petits boulots, une heure par ci, une heure par là.
Malgré une vie plus que difficile, le jeune homme restait souriant, serviable, et ressentait un sentiment que beaucoup ne ressentent plus, même en ayant une vie comblée. L'espoir. Avec un grand E. Ses rêves d'avoir un jour une vie heureuse ne le quittaient pas.

*Cinq ans plus tard*

Les yeux rivés sur le plafond, martelant des doigts sur le matelas de son petit lit inconfortable, Wivin s'impatientait. Nous étions mardi, jour ou son ami Mitch, gardien du musée mythologique de la ville, lui laissait l'occasion de le visiter le soir venu, lorsque les portes étaient closes et que les couloirs étaient désert de tout visiteur. Passionné de mythologie depuis toujours, le jeune homme n'avait pas hésité un instant quand le vieillard lui avait proposé ce deal; un soir par semaine, il devait l'aider à nettoyer l'immense réserve pour avoir droit de passer la nuit dans les allées mal éclairées du musée et quelques fois, Wivin recevait même un petit billet. Mitch et lui étaient devenus de bon amis en réalité et de nombreuses fois il avait voulu le faire entrer dans l'établissement pour qu'il y travail mais le directeur n'avait pu que lui promettre qu'il hériterai de la place du vieil homme quand celui-ci prendrait sa retraite. Ce qui convenait parfaitement à Wivin.
Un dernier coup d'œil à sa petite pendule et il se leva d'un bond, dévalant presque les escaliers de son petit immeuble quatre à quatre, bousculant des gens dans sa course folle, d'un signe de la main il leur demanda pardon sans plus s'attarder, se faufilant, détalant dans les ruelles sombres et étroites avant de se planter devant l'imposante porte en bois massif doré. Il la contempla un instant puis s'avança plus lentement vers l'entrée de service, ou son ami l'attendait déjà, souriant à pleine dent, lui aussi heureux de le retrouver, il s'approcha et lui donna une grande claque amicale dans le dos avant de se diriger vers les casiers où il pourrai se changer.
Les entrepôts étaient vraiment sales, poussiéreux et surement rempli de moisissures, la combinaison bleue que Wivin enfilait était donc indispensable selon lui, déjà parce que cela lui évitait d'être en contact direct avec toutes sortes de bactéries et surtout parce qu'il n'avait pas un million de vêtements et qu'il préférait économiser ceux qui lui restaient. Il commença son travail hebdomadaire accompagné de Mitch, buvant une tasse de thé assis sur une dès caisse en bois contenant un trésor certainement inestimable qui venait d'entrer dans le musée aujourd'hui même.
-Alors jeune, tu as trouvé du travail ?
-Non toujours pas répondît-il sans lever les yeux de son balai, mais je cherche. Il paraît que sans diplôme on n'est pas capable de passer une serpillère maintenant.
-Ha ! Quelles conneries. De mon temps on devenait banquier ou comptable avec un bonnet d'âne dans la poche ! S'indigna le vieil homme.
Wivin sourit discrètement, toujours en train d'en rajouter ce bon vieux Mitch.
Les deux hommes passèrent la soirée à discuter de tout et de rien, riant parfois, ils connaissaient pratiquement tout l'un de l'autre.
-Bon ! Je crois que t'as bien mérité ton p'tit tour fiston !
Le jeune homme rangea sa tenue et retrouva son éternel jeans délavé et son t-shirt noir qui malgré le fait qu'il l'ai trouvé dans la rue, épousait parfaitement les formes de son corps et le rendait d'autant plus séduisant. Il est vrai qu'avec ses boucles blondes dévalant sur sa nuque et ses grands yeux verts, il faisait tourner plus d'une tête dans la rue lorsqu'il se baladait.
Il couru à travers le long couloir qui menait à la partie destinée aux tableaux, impatient de retrouver toutes ces toiles qu'il connaissait déjà par cœur et qui n'avaient aucun secrets pour lui. Il passa devant l'immense tableau représentant Thor, le dieu nordique, figé a jamais au cœur d'une bataille contre une une troupe de géants, il s'attarda sur la tour de Babel ainsi que sur la naissance de Vénus avant de passer à la salle des bustes. Là Wivin croisa l'impressionnant Minotaure, tout de marbre blanc, démontrant sa fureur dans une grimace plus qu'effrayante, il caressa du bout des doigts les serpents ornant la tête de méduse et admira plus encore le centaure qui se tenait au fond de la salle, érigé de façon majestueuse, bien plus haut qu'un être humain, il représentait la force et le courage selon Wivin. Il allait passer à la salle suivante lorsqu'un détail attira son attention. Un éclat vint l'éblouir l'espace d'un instant, il se retourna alors et fit face à un miroir, posé juste à côté du Centaure, un miroir qu'il n'avait jamais vu. Une nouvelle pièce ?
Le jeune homme glissa ses doigts sur les dorures étranges qui ornaient la glace, elles étaient extrêmement abîmées, il n'avait donc pas été restauré. Il continua jusqu'à toucher son reflet, un court instant il cru voir sa propre image onduler et retira précipitamment sa main.
-N'importe quoi Wivin, reprends toi chuchota t-il comme pour se rassurer.
Il entreprit alors de faire demi tour mais le tapis majestueux posé là en décida autrement, il se prit les pieds dans un coin replié et s'écroula lourdement contre le miroir, un bruit de verre brisé résonna dans toute la salle alors que Wivin, main plaquées au sol, esquissait déjà le mouvement de se relever quand il réalisa. Il fronça les sourcils, surpris et choqué à la fois, ses doigts se refermèrent sur des brindilles, de la terre, des feuilles mortes, il releva alors la tête pour s'apercevoir qu'il ne se trouvait plus dans le musée.

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