Chapitre 18 - Créatures secrètes

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Key battit des paupières, aveuglée par la lumière, elle les referma aussitôt, n'ayant de toutes façons pas la force de faire face à la réalité. Elle n'était plus dans la foret aux abords de Mystia, elle se trouvait allongée sur un matelas, une odeur de lilas et de terre fraîche embaumait la pièce tandis qu'un air de musique flottait non loin d'elle. Emporté par la curiosité, elle ouvrit, avec peine, ses yeux et parcourut la pièce du regard quand, dansant joyeusement sur les touches du piano, la petite créature se figea, cessant de faire monter ses joyeuses notes. La nymphe ouvrit la bouche, la referma, était-elle réellement éveillée ?
-Sh... Sheaks c'est toi ? Bégaya t-elle, incrédule.
La fée blanche s'approcha lentement et posa ses mains sur les joues de sa créature, de petites gouttelettes étincelantes s'échappant de ses yeux gris.
-Je t'avais dit de rentrer à l'arbre mais tu.. tu t'es enfuie ? Comment se fait-il que..
-Elle n'y était pas dit Wivin en entrant dans la chambre, un plateau dans les mains, elle était avec Julian.
-Pardon ? S'exclama son amie, les yeux écarquillés.
-Il était en entraînement avec les jumeaux et Peter, chacun avait sa fée, on essaye une nouvelle parade en combinant leur poudre et nos pouvoirs. Elle est allée directement avec eux et non à l'arbre. Nous avons tenu secrète la survie de vos fées afin qu'ils n'essaient pas de les anéantir elles aussi.
La nymphe se leva pour se précipiter dans les bras de l'ange, manquant de renverser le plateau qu'il déposa d'un geste agile sur une petite commode. Il huma ses cheveux et la serra plus fort contre lui, savourant cet instant de bonheur. De courte durée. La porte claqua contre le mur sur Pablo, complètement essoufflé et trempé de sueur.
-Wivin ! Il faut que tu descendes vite ! On nous attaque.
Il n'en fallut pas plus a l'ange pour filer jusqu'au jardin, un groupe de Centaure et de Faunes alignés tendaient les cordes de leurs arcs en direction de la forêt, pourtant Wivin ne voyait rien. Il se tourna vers Elios, leur chef de clan.
-Ou sont-ils ?
-Ils arrivent de loin, une cinquantaine pas plus.
-Vous les voyez d'ici ?
-Ils sont connectés à la foret répondit Diego en s'approchant, il sentent ce qu'il s'y passe, tout comme nous ajouta t-il en regardant son frère.
-Dans combien de temps ?
-Une vingtaine de minutes.
-Bien, les archers en première ligne, dès qu'ils seront à votre portée, tirez.
Un "Compris !" Retentit parmi la troupe.
-Les lames après les archers, aussitôt leurs munitions épuisées, lancez l'assaut !
Le clan des trolls se plaça en dernière ligne, ils pourraient facilement écraser les hommes de Mandrac, ils n'étaient pas beaucoup mais Wivin restait sur ses gardes, cela pouvait être un piège, des éclaireurs envoyés à la mort afin d'évaluer la force et le nombre.
Elios et ses hommes tenaient leurs arcs tendus, figés, rien ne venait ébranler leur concentration, ils ne bougeaient pas d'un poil et fixaient d'un œil attentif la cime des arbres. Ils étaient tous prêts. Les minutes s'égrainèrent vite et lorsque les pas rangés et puissants des soldats se rapprochèrent à vive allure, tous retinrent le souffle. Les feuilles crissèrent de plus en plus près, le sol se mit à trembler légèrement et enfin, une rangée de créatures apparut sous les yeux ébahis des troupes de Wivin.
Une armée de femme s'avança vers eux, elles portaient des combinaisons légères et vertes pâles qui s'arrêtaient au dessus de leurs genoux et qui laissaient leurs épaules dénudées, leur peau était d'un jaune vif éblouissant, quelques points blancs ornaient le tour de leurs yeux bleus, rappelant ceux qui caractérisaient les fées. Elles n'étaient pas armées, du moins elles ne menaçaient pas Mystia mais les centaures ne débandaient pas leurs arcs, méfiants, jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent à une petite dizaine de mètres d'eux.
-Nous venons en paix annonça l'une d'elle en s'avançant.
Sa tenue était différente des autres, elle était plus foncée et rehaussée d'une côte de maille fine et légère, ses longs cheveux blancs étaient attachés en une tresse épi de blé qui descendait jusque sur ses reins, exactement comme toutes les autres d'ailleurs. C'était peut être ce qui ressortait le plus. Leurs cheveux blancs contrastaient avec le jaune vif de leur peau.
-Déclinez votre identité ! somma Wivin en pointant le bout de son épée sur elle.
-Je m'appelle Amara. Dirigeante du clan des lucioles et je viens vous prêter main forte Slànuighear Wivin.
-Lucioles ? Répéta t-il hébété. Je n'ai jamais entendu parler de Lucioles.
-La race s'est éteinte il y a des siècles déclara Elios, lors d'une guerre entre les membre de leur propre camp.
-Tous ne sont pas morts rectifia Amara, nous avons vécu cachées et aujourd'hui nous nous découvrons afin de vous prêter main forte Slànuighear Wivin.
C'était la deuxième fois qu'elle le nommait ainsi, il aurait voulu lui demander ce que cela signifiait mais il le ferait plus tard, pour l'instant il devait s'assurer de leur bonne foi.
-Nous ne sommes pas avec Mandrac, ce n'est pas un piège répondit-elle comme si elle avait lu ses pensées. Prenez nos armes si cela peut vous rassurer.
Elle fit signe à sa troupe et toutes déposèrent leurs épées au sol, elle fit de même. L'ange plissa les yeux, ce n'était pas un acte sans importance que de baisser les armes, elles ne prendraient pas un tel risque si elles ne voulaient pas vraiment s'allier à eux. Et pourquoi se seraient-elles mises en danger en rappelant leur existence au monde alors qu'elles étaient en sécurité ? Wivin fit un signe de tête à Amara, enjoignant son armée à récupérer leurs armes.
-Vous êtes les bienvenues à Mystia déclara t-il finalement, faites comme chez vous. Vous pouvez vous installer au premier étage, toute l'aile de droite est inoccupée et il y a bien assez de chambres pour vous toutes.
-Merci répondit humblement Amara, vous servir est un honneur Slànuighear.
-Hm.
Il les regarda entrer dans le bâtiment, il fallait vraiment qu'il l'interroge sur ce surnom étrange. Il esquissa un pas vers l'immense porte de bois renforcée quand une main puissante pressa son épaule, le faisant reculer.
-Hé ! Grogna t-il en se retournant.
-Wivin. Tu ne peux pas leur accorder ta confiance ainsi déclara Elios, on ne sait rien d'eux.
-C'est pourtant ce que j'ai fait pour vous.
-C'est différent.
-En quoi ?
-Nous ne nous sommes jamais dissimulés durant des années, vous savez tout de notre peuple, de nos pouvoirs et surtout, vous savez que nous ne sommes pas plus nombreux. Qui sait si elles ne cachent pas toute une armée à la somme de Mandrac ?
-Rien effectivement admit le jeune ange, mais mon instinct me dit qu'elles sont dignes de confiance. Ainsi si il s'avère que j'avais tort, je vous laisserai ma place afin de mener les miens.
-Ce n'est pas ce que je voulais dire répondit Elios embarassé, jamais je n'ai convoité ta place de meneur et jamais je ne douterai de tes intuitions, je te fait entièrement confiance Wivin.
Ce dernier hocha la tête en souriant et se dirigea dans l'enceinte de l'établissement.

Amara déposa son ballotin dans un coin de la chambre en soupirant.
-Quelque chose ne va pas capitaine ?
-J'espère sincèrement que Wivin ne doute pas de nos intentions. Il a besoin de nous.
-Il finira par vous faire confiance déclara l'une des plus petites Lucioles en levant le doigt.
-La Luciole mère t'entende Myria.
Des silhouettes lumineuses se déplaçaient rapidement entre les diverses chambres qui leur avaient été attribuées, elles tiraient les matelas de chaque lit afin de les installer au sol dans la chambre de leur capitaine, créant un immense sol moelleux. Wivin passa la tête dans l'entrebâillement de la porte et se racla la gorge.
-Je peux ?
-Bien sûr, entre l'invita Amara, tu es le bienvenu.
L'ange poussa la porte et écarquilla les yeux devant l'amas de matelas qui se trouvait devant lui.
-Vous... vous pouvez choisir les chambres que vous voulez dit-il en passant par dessus, vous n'êtes pas obligées de dormir parterre.
-Nous préférons rester ensemble. Au cas où.
-Je comprends. Dites moi capitaine j'...
-Amara. Appelez moi Amara.
-Bien. Amara. J'ai une question à vous poser.
-Faites.
-Que veut dire Slànuighear ? Vous n'avez pas cessé de m'appeler comme ça.
La luciole eut un sourire fier et une lueur étrange passa dans ses iris bleues.
-Vous pouvez traduire ce mot par "sauveur" déclara t-elle en agitant ses doigts, car c'est ce que vous serez bientôt.
L'ange ne répondit pas. Un sauveur ? Comment pouvait-elle le savoir ?
-Votre nom est gravé dans l'opale qui protégeait nos caches, il y a quelques jours, des lettres de feu ont creusé des sillons dans la pierre. Le nom de Wivin s'est alors dévoilé à nos yeux.
-Des lettres de feu ? Répéta t-il étonné.
-Oui. Nos pouvoirs sont issus de la lumière et c'est ainsi que la luciole mère communique avec nous. Elle m'a murmuré votre histoire. Et nous Voila.
-Et vous Voila souffla t-il ailleurs. Merci d'être venues.
Wivin braqua ses émeraudes dans le regard cristallin d'Amara.
-Qu'a t-elle dit d'autre ?
-Que le sacrifice était inévitable pour avoir la victoire. Ce sera une guerre sans pareil, mais nous la gagnerons.
-Comment peut-elle en être sûre ?
-Elle a foi en vous. Comme nous tous.
La luciole fit glisser sa main le long du bras de Wivin et pressa ses doigts.
-Faites nous confiance.
-C'est le cas.
Mal à l'aise, l'ange se défit doucement de cette étreinte étrange et s'arrêta devant la porte.
-Vous pouvez vous joindre à nous pour manger. Installez vous bien. 
Il traversa le couloir presque amorphe, comme étourdi par cet échange avec les nouvelles venues, si le sacrifice était inévitable, parlait-elle du sien ? Devait-il mourir afin de sauver les créatures ? Ou parlait-elle des alliés ? Les morts seront de toutes façons inévitables puisqu'ils se jetaient dans une guerre qui avait déjà détruit tout une race il y a de ça des années. Un malaise douloureux s'insinua en lui, il avait peur. Wivin avait peur pour ses amis, car c'était évident, ils étaient plus que des alliés. Et aujourd'hui, alors qu'il était la cible d'un puissant ange déchu, la peur qui lui tordait le ventre n'était pas pour sa propre vie mais pour celles de ceux qui étaient devenus une famille. Ceux qu'il aimait. Pour Mystia.

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