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Quelques jours plus tard, Ambroise tomba malade. Rachel fut très attristée, lorsqu'elle l'apprit, alors elle décida se déplacer jusque chez lui, pour prendre de ses nouvelles. Elle fit tout d'abord un peu de pâtisseries, dans l'espoir de remonter le moral de toute la famille, et du malade. Elle prit le bus, environ une heure plus tard, les bras chargée d'une boîte d'où se dégageait une bonne odeur. Elle marcha tranquillement de l'arrêt de bus à la maison de location de ses amis, puis sonna. Martha lui ouvrit la porte, le visage un peu tiré par la fatigue et l'angoisse. Rapidement, cette dernière prit la parole.
"Ambroise ne tombe presque jamais malade, il a du attraper un gros virus. J'espère que je ne vais pas l'avoir aussi. Tu peux monter le voir dans la chambre si tu veux."

Alors Rachel s'exécuta, son plat plein de cupcakes dans les mains. Elle toqua doucement à la porte, puis entra. Il faisait sombre dans la pièce, et le jeune homme était emmitouflé sous sa couette. Rachel déposa le plat sur la table de chevet, puis vint s'asseoir au bord du lit et entama la conversation, d'un ton protecteur. Des cernes creusaient le visage d'Ambroise, et quelques gouttes de sueur perlaient sur son front. Il avait froid et chaud à la fois.

Son amie ne resta pas longtemps dans la pièce, lui laissa un gâteau à ses côtés, puis redescendit les escaliers. Elle y retrouva Martha ainsi que le père des jumeaux, qui appelait un médecin. Rachel tendit les cupcakes vers son amie.
"Je les ai fait moi même. Ils sont très bons. J'en ai laissé un à Ambroise, en haut. J'espère que son état ne va pas empirer.
- C'est gentil, merci beaucoup Rachel.
- Tu veux que je te tienne compagnie ? Je n'ai rien de prévu aujourd'hui, on peut... regarder un film ? Et tu m'a l'air fatiguée. Repose toi.
- Très bien... On peut s'installer dans le salon, mes parents vont sûrement rester à l'étage."

En effet, le père et la mère des enfants montèrent voir leur fils, et ne redescendirent pas. Leur chambre ainsi qu'une salle de bain se trouvaient à l'étage, et ils avaient déjà mangés ; nul besoin de rester en bas. Pendant ce temps, Martha sortit de nombreux films, pour choisir. Peu importait pour Rachel, elle en séléctionna un au hasard. Elles déplièrent de nombreux plaids, sortirent du jus de fruits et des verres, ainsi que quelques cochonneries à grignoter. Le film commença, et Rachel ouvrit ses bras à son amie pour qu'elle se mette à son aise.
Calées l'une contre l'autre, sous plusieurs couvertures, Rachel engagea la conversation.
"Tu penses que tu vas tomber malade ?
- C'est possible. D'habitude, c'est toujours moi qui attrape un virus, et Ambroise ne l'a jamais. Pour une fois, peut-être qu'on sera malades tous les deux.
- Je n'espère pas. Tu m'imagines, moi, devoir passer du temps toute seule avec lui, pour lui tenir compagnie, parce que tu es malade ?
- Ne glousse pas comme ça, je ne peux plus boire ! Et puis je suis sûre qu'en vrai, tu l'aimes beaucoup.
- Je n'irais pas jusqu'à dire beaucoup. Et puis tu es ma préférée, ne sois pas jalouse ma petite Martha !"

Les deux amies éclatèrent de rire, couvrant le bruit de la télévision. Martha posa doucement sa tête contre l'épaule de Rachel.

"Je ne te dérange pas, comme ça ?
- Du tout, du tout. Il parle de quoi, le film ?
- Aucune idée. Je n'ai pas écouté le début. C'est quoi, ton genre de film préféré ?
- Dramatique, je dirais. Les films qui font ressentir quelque chose, c'est ce qui me plait le plus. Ca peut être une comédie dramatique, un drame romantique, un film historique dramatique, j'apprécie tout. Et toi ?
- Les romances, j'aime bien. T'aime pas, toi ?
- Quel cliché de fille sur patte tu es, petite Martha. Si, j'aime bien, mais juste les drames romantiques. C'est bien de pleurer devant des films.
- Peut-être... Chacun a son avis sur la question. Je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir besoin de pleurer pour apprécier le film, ou juste ressentir quelque chose.
- Sauf que la tristesse reste plus longtemps dans les coeurs."

Martha ne sut quoi dire. Pour elle, Rachel était impressionnante. Elle avait un avis tranché sur tout, mais savait le remettre en question quand il fallait. Elle avait un point de vue sur le monde d'adulte, et tout ce qu'elle disait paraissait empli de sagesse. Ceci dit, elle donnait l'air d'être perdue sur certaines choses, et, Martha l'avait deviné, c'était pour cela qu'elle s'en remettait au destin. Rachel était saisissante. Et en plus de cela, très jolie. Elle devait plaire à de nombreux garçons et à de nombreuses filles, mais les affaires de coeur n'avaient pas vraiment l'air de l'intéresser pour le moment.

Malgré tout ce que Martha trouvait parfait chez Rachel, elle ne complexait pas sur sa propre personnalité. Oui, elle aimait faire du shopping, regarder des films d'amour, embêter son frère, et discuter des heures avec ses amis, et elle en était très contente. Peut-être était elle un cliché sur patte, comme le disait Rachel, mais elle s'en suffisait très bien. Après tout, si des tas de gens lui ressemblaient tant, elle ne risquait que de s'entendre avec plus de monde.

Et c'est dans ce genre de réflexion qu'on voit les âmes simples et presque pures : alors que Martha, quasiment innocente, voyait l'occasion de s'entendre avec des gens biens qui lui ressemblait, Rachel, sûrement brisée, pensait que le mal était à peu près partout. Si peu de gens lui ressemblait, elle ne risquait pas de se faire approcher, n'est-ce-pas ? Pourtant, les relations humaines semblaient si simples pour elle. Il est vrai qu'elle savait reconnaître de bonnes personnes à de mauvaises, et la facilité avec laquelle elle venait leur parler pouvait impressionner. Ceci dit, lorsqu'une personne qui ne lui plaisait pas l'approchait, elle se renfermait immédiatement. Et c'était quelque chose que Martha avait rapidement deviné.

Malgré tout, malgré les réfléxions que se faisaient les jeunes femmes l'une sur l'autres, elle avaient toutes les deux conscience du fait que leur avis changerait très sûrement d'ici quelques années. Or, et c'était là ce qui ne les rendaient que plus proches et plus humaines, ce n'était pas ce qu'elles souhaitaient. Leur avis sur le monde et sur elles-même leur convenait très bien, et elles avaient peur de penser d'une manière qu'elles condamnaient dans plusieurs années.

"Martha ? Tu dors ?"

Un petit ronflement lui parvint comme seule réponse. Alors Rachel sourit doucement, puis avec des gestes affectueux, plaça un coussin sous la tête de son amie, ainsi que sous son propre cou, puis, quelques minutes plus tard, s'endormit aussi.

L'été d'AvantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant