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Rachel vint prendre des nouvelles d'Ambroise le lendemain, mais renonça à y retourner le jour d'après, car il était très mal en point. Ses parents avaient appelés un médecin, et Rachel s'était rapidement éclipsée, laissant son ami seul avec le professionnel. C'est en soupirant qu'elle rentra chez elle. Elle espérait vraiment que son ami allait vite se rétablir. Alors elle revint environ une semaine plus tard, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins, accompagnée de Pi-ou. Elle se disait que rien ne pouvait faire plus plaisir à Ambroise en voie de rétablissement que de voir le petit chat qu'il affectionnait tant.

Elle sonna à la porte, et la mère des jumeaux lui ouvra avec gentillesse, et l'invita à entrer. Elle prit les gâteaux que Rachel avait dans la main, et demanda si c'était bien Ambroise qu'elle était venue voir. Rachel acquiesca, et la mère de ses amis répondit :
"Tu vas être déçue. C'est Martha qui est tombée malade, mais Ambroise est totalement rétabli. Tu peux monter dans la chambre ; tu dois avoir l'habitude maintenant."
Rachel ouvrit la bouche de surprise. Puis monta les marches machinalement, son chat à ses côtés, pour trouver la chambre dans le même état qu'il y a quelques jours. Toujours aussi sombre, accompagnée d'une ambiance oppressante, la pièce renfermait Martha, cachée elle aussi sous les couettes. Ambroise n'était pas dans la chambre.
Rachel s'avança jusqu'au lit de la malade, et chuchota quelques paroles réconfortantes auprès de son amie. Pi-ou miaula en signe d'agrément, puis les deux sortirent de la pièce, pour y trouver sur son seuil, Ambroise.

Rachel le prit dans ses bras, heureuse de le trouver en forme. Il était parfaitement remit, et c'était comme s'il ne lui était absolument rien arrivé.
"Ça fait déjà deux jours que je vais mieux. Je pensais que tu allais venir plus tôt, mais Martha a eu le temps d'attraper ce que je j'avais.
- Tu n'as pas changé, je pensais que la maladie allait t'aider à couper tes cheveux.
- Toujours aussi mauvaise celle là... Allez viens, tu es censée me tenir compagnie comme tu l'as fais avec Martha."
Il l'entraîna dans le salon, et prit Pi-ou dans ses bras, qui miaula affectueusement.
"Je ne compte pas regarder un film. Je me suis endormie devant l'autre, la semaine dernière.
- Je sais. Je veux que tu m'apprennes à cuisiner.
- Oh. Rien que ça. Ce n'est pas toi qui m'a dit que tu étais une catastrophe ambulante, en cuisine ?
- Si. Mais il n'est jamais trop tard pour arranger les choses, n'est-ce-pas ?"
Rachel fit une moue dubitative, réfléchit quelques instants, puis accepta finalement. Elle lui demanda s'il voulait un plat rapide à faire, ou bien long, et le brun préféra la sûreté en choisissant un plat qui ne devait prendre que quinze minutes. En théorie, bien sûr.

Rachel dut écrire la recette qu'elle connaissait par coeur sur une feuille, afin de rassurer Ambroise. Il avait besoin d'un cadre, surtout pour un débutant comme lui. Et la jeune femme eut besoin de recommencer plusieurs fois, à cause de son écriture brouillonne que le brun ne comprenait pas. Le temps d'éplucher ceci, de faire bouillir cela, de couper comme ci, de refaire comme ça, ils dépensèrent leur énergie en une demi-heure.
"Tu t'en es vraiment bien sortit, bravo. Je m'attendais à pire, mais avec une recette claire, et un peu d'expérience, tu feras un très bon cuisinier.
- Merci, mais c'était plutôt fatiguant. Est-ce que tu passes autant de temps pour chaque plat ?
- Bien sûr qur non."
Ambroise lui tendit un verre d'eau.
"Merci. Tout dépend des plats et de l'habitude qu'on a de les faires. Certains sont très longs, d'autres pas du tout. On passe au plat principal, maintenant ?
- Quoi ? Au plat principal ? Ce qu'on vient de faire, ce n'était pas ça ?
- Non. Je tiens aussi à ce que tu fasses le dessert, comme ça tu seras à peu près entraîné sur chaque domaine. Puis je te passerais quelques recettes, pour que tu puisses faire ce que tu veux sans moi. Mais pour le moment, attache tes cheveux."
Ambroise grommela, puis s'inclina face au regard autoritaire de Rachel, et finit par rassembler ses cheveux en un chignon.
"Très mignon, comme ça. Il ne te reste plus qu'à te relaver les mains, comme tu viens de caresser Pi-ou, et nous serons prêts."
Quelques minutes plus tard, les couteaux recommencèrent à scier les aliments, les casseroles s'entrechoquaient, et une musique en fond sonore se faisait entendre.

Ambroise et Rachel étaient bien silencieux. Des pensées traversaient leurs esprits. Pas les mêmes, bien sûr. Mais elles avaient un point commun : l'évaluation de l'autre.
Rachel trouvait Ambroise impressionnant. Il apprenait vite, était modeste, et possédait encore beaucoup d'autres qualités qu'elle aurait pu lister pendant longtemps. Ceci dit, ce qu'elle retenait le plus de sa personne, était un tout. Il était entier, plein, et toutes ses qualités, comme ses défauts, faisaient de lui une personne agréable, et tant à l'écoute, que tout ça frôlait la perfection, aux yeux de Rachel.
Elle s'imaginait énormément de choses, et se demander à quoi elle aurait pu ressembler en tant que garçon en faisait partie. Maintenant, elle savait. Elle savait qu'elle aurait aimé ressembler à Ambroise. Et peut-être même qu'elle aurait gardé ses cheveux longs.

De son côté, Ambroise, en s'appliquant pour éplucher un légume, pensait à la jeune femme qui se trouvait à ses côtés. Non pas à Rachel, mais bien la femme qui sommeillait en elle. Il la trouvait grande, de tous points de vue. Grande d'esprit, grande de gentillesse, et grande en taille, même s'il la dépassait. Il la trouvait aussi indéniablement jolie, cela ne faisait aucun doute. Elle avait de ses charmes qu'on ne croise que peu de fois dans une vie. Mais, ça aussi il en était sûr, elle ne l'intéressait pas, loin de là. Rachel représentait à ses yeux une personne avec qui on veut rester ami pour toujours, qu'on veut voir grandir, et avec qui on veut évoluer. Et malgré la présence très proche de son amie, et la sentait comme faite de fumée. Une femme incapturable, auraient dit certains. Un esprit libre, auraient dit d'autres. Quelqu'un qu'il est impossible d'avoir pour soi, aurait dit Ambroise.
Il était réaliste sur ces choses là. Jamais il ne pourrait rester toute sa vie avec Rachel, et cela l'attristait. Mais il avait encore plus peur pour sa soeur, qui avait l'air de penser le contraire.

Rachel renforca encore plus ses pensées, en se levant soudainement, et en partant quelques instants dans l'arrière-cour. Le jeune homme la suivit des yeux, mais, encore plus volatile que jamais, il ne put voir ce qu'elle faisait. Il n'osa pas lui demander, alors il ne sut jamais.

L'été d'AvantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant