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Lou.
Lou, Lou, Lou.
Lou !
Où était-elle donc passée ?
Que lui avait-il fait, bon sang ?!
Pourquoi fallait-il que cela recommence, encore et toujours ?!!

Stooooooooooooooooooooooooooop !!!

Ça suffit ! Il s'était juré de ne pas laisser les choses se reproduire. En plus, il ne savait même pas exactement ce qu'il s'était passé. Ses souvenirs étaient flous, il n'avait rien compris sur le moment. Il avait juste senti un gouffre qui s'ouvrait sous ses pieds, et l'obscurité qui l'engloutissait. Il avait trouvé Lou fascinante. Effrayante aussi. Mais vraiment, il n'avait pu détourner son regard de la beauté furieuse qui éclairait son visage. Il était subjugué. Il revoyait distinctement ses pupilles se rétracter en rencontrant la lumière du jour.

Mais merde, ça suffit ! Arrêter de se repasser la scène en boucle. Se reposer, oublier, au moins pour un moment.

Il s'allongea le plus confortablement possible sur le lit. Il aimait l'odeur particulière d'hôpital qui régnait dans la pièce. Cela lui rappelait son enfance. Quand il se réveillait dans les mêmes draps immaculés, au petit matin, avec l'infirmière qui le secouait gentiment. Elle s'appelait Julie. Ou peut-être Julia. En tout cas, elle lui amenait toujours des bonbons en cachette, et elle le défendait quand il se faisait choper après ses bêtises. Dommage qu'elle soit partie si vite...

Mais à la fin ! Bordel, c'est quoi ce débordement de sentimentalisme ?! Non, non et non. On prend une grande inspiration, on réfléchit. Bon, peut-être une deuxième inspiration. Et une troisième. Voilà. Et ensuite, on réfléchit.
En fait, non. On se vide la tête. On arrête de penser. Ou alors on laisse ses pensées vagabonder. Oui, voilà, laisser ses pensées vagabonder.

La première chose qui lui vint en tête fut une image. Ces cicatrices si étranges sur le bras de cette jeune fille si mystérieuse. Elles semblaient anciennes, mais bien incrustées dans la chair. Et Nathan se posa LA question : d'où venaient-elles ? Ça n'avait pas l'air d'être le genre de Lou de se scarifier. Mais après tout, qu'est-ce qu'il en savait ? Il ne la connaissait pas. Mais justement, elle l'intriguait tellement ! Alors, du petit lit d'infirmerie sur lequel il se trouvait à ce moment-là, il se fit une promesse : découvrir d'où venaient ces marques indélébiles et comprendre les raisons de ce comportement antipathique seraient la première chose à laquelle il s'emploierait cette année. Et tout cela passait par se rapprocher de Lou en premier lieu.

Seulement on en revenait au même problème : où donc était-elle passée ? Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'était plus au lycée depuis un bon moment déjà. La solution la plus logique était donc qu'elle était rentrée chez elle. On en arrivait donc à la décision la plus logique : attendre qu'elle revienne en cours ! Ou alors se rendre chez elle... Remarque, si ses parents étaient aussi causants qu'elle, ça risquait de devenir très vite embarrassant... Donc non, mieux valait attendre. Si elle revenait un jour bien sûr... Mais oui, pourquoi ne reviendriait-elle pas ? C'était bien lui ça, toujours à se faire des films. Elle n'était partie que depuis même pas deux heures !

Bon tout cela était bien beau, mais en attendant que pouvait-il faire ? Il détestait se tourner les pouces quand quelque chose lui occupait l'esprit. Or il était complètement obsédé par Lou !

Il commencerait donc par des recherches. En plus, il était vraiment très peu probable que Lou réponde bien gentiment à ses questions.
Non, il valait mieux faire tout cela à couvert, mener des recherches sans lui en parler, surtout éviter à tout prix qu'elle se renferme sur elle-même comme une huître. Enfin, plus qu'elle ne l'était déjà. Mais pourquoi faire tant d'efforts ? Pourquoi tenait-il tant à comprendre, à lui parler, à découvrir la vérité ? Parce qu'elle était censée être sa tutrice ? Non. Parce qu'il détestait qu'on lui manque de respect ? Ça aurait pu, mais non. Parce qu'elle avait piqué sa curiosité.

Ça devait bien arriver, à force de cesser de se comporter en société, elle attirait l'attention ! Et puis, il aimait tout savoir, ça lui permettait de contrôler sa vie. Et celle des autres, accessoirement. Sa curiosité démesurée  était son plus grand défaut.
Dans son ancien lycée, il fallait absolument qu'il sache tout à propos de tout le monde. Il avait la réputation de parvenir toujours à ses fins grâce à ses infos. Mais il ne s'en servait pas comme moyen de chantage ou de pression, c'est juste que ça le rassurait de pouvoir cerner les gens mieux que n'importe qui d'autre. Il avait appris à décrypter le langage corporel, à deviner qui mentait, et quelques autres trucs de mentalisme dont il ne parlait jamais. Il détestait ne pas savoir, être mis à l'écart. C'était sa plus grande peur depuis sa plus tendre enfance.

En fait, il se donnait un style comme tant d'autres avant lui. Il jouait la comédie, il donnait le change, il se cachait derrière un masque qu'il mettait tous les matins en se levant et qu'il posait sur sa commode avant de se coucher. Un masque qui changeait d'apparence en fonction de la personne à laquelle Nathan faisait face. Il se confectionnait une identité qui lui permettait de prendre confiance en lui. Il ne dévoilait jamais sa vraie personnalité. D'ailleurs, y en avait-il une ? Tous ses masques et ses réactions, toutes ses personnalités formaient un tout. Un tout nommé Nathan Graphier et dont les gens autour de lui ne saisissaient qu'un infime morceau. Le reste leur était caché, ou préféraient-ils ne pas le voir.

Ces remarques existentielles étaient valables pour chaque être humain sur cette terre, Nathan le savait. Mais la plupart des personnes n'y ont jamais songé. Lui se les répétait dès qu'on le lançait sur un sujet philosophique, dès qu'il réfléchissait à lui-même ou à son but dans l'existence. Et à chaque fois, ça lui donnait mal à la tête.

Il décida de rester un peu plus à l'infirmerie, au moins le temps que sa migraine se calme. Il commencerait ses recherches auprès des autres élèves de l'Institut. Pour le reste, il verrait après.

La prison des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant