La Légende du Tyroll

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Il était une fois, un homme qui s'appelait Marius Tyroll et qui était pêcheur sur l'île du Mans. C'était quelqu'un de bien, aimé de tous ses confrères ; mais aussi un mari affectueux et un père qui adorait son unique enfant. Un jour, Tyroll décida de prendre le large en compagnie de son fils, et d'explorer les horizons. Le garçon étant assez bon navigateur, Tyroll le laissa prendre la barre et s'endormit. A son réveil, il se rendit compte que son fils s'était perdu à cause des mauvais vents, et l'on commença à s'inquiéter car Tyroll ne s'était encore jamais autant éloigné de la rive. La nuit tombante, les deux hommes décidèrent de s'arrêter sur une île qui leur semblait tout à fait convenable. Le fils y trouva des baies, et le père du bois sec pour se réchauffer. Le jeune Tyroll s'étant endormi, le père commença à réparer son vieux filet de pêche. C'est alors qu'un murmure se fit entendre. Se levant d'un bond, Marius Tyroll prit le couteau qu'il gardait précieusement avec lui, et commença à s'approcher du lieu où s'était fait entendre la voix.

- Par ici, entendit-il soudain.

- Non par là, dit une autre voix.

Inquiet, l'homme demanda de qui il s'agissait, quand la première voix murmura de nouveau :

- Approche et tu sauras.

Prenant son courage à deux mains, Tyroll s'enfonça dans les bois. Ne rencontrant toujours personne, il continua son avancée qui l'éloignait toujours un peu plus de son fils. L'homme finit par s'arrêter devant une mare au reflet argenté. Ébloui, Tyroll s'accroupit près de l'eau et contempla sa beauté. Une créature surgit alors des bois et vint le trouver.

- Bonsoir Tyroll, lui dit-elle.

L'homme ébranlé par ce qu'il vit ne put s'empêcher d'émettre un cri : 

- Une fée! s'exclama t-il, serai-je devenu fou? 

La fée s'approcha de lui et sourit : 

- Non pas encore Tyroll.

L'homme intrigué laissa continuer la fée.

- Regarde comme cette eau est belle... Tu ne trouves pas ?

Les yeux de Tyroll scrutèrent de nouveau le reflet brillant. A cet instant, une étrange envie de boire le nectar lui vint.

- Fais attention Tyroll, fais attention, murmura délicieusement la créature. 

N'écoutant que ses pensées, l'homme prit une gorgée et l'avala. Soudain, tout disparu autour de lui : les arbres, les hautes herbes et même la nuit. Tyroll voyait le doux reflet se ternir et devenir marécageux, tandis que la fée riait à n'en plus finir : " Je te l'avais bien dit, je te l'avais bien dit ! " répétait-elle. Abasourdi, Tyroll tenta de revenir sur ses pas mais il était trop tard ; les ronces l'emprisonnaient déjà et ne formaient plus qu'un cercle autour de lui et la créature.

- Dis moi Tyroll, quel âge a ton fils ? demanda la fée qui semblait prendre à présent une autre forme et devenir sorcière.

- Ne lui faites pas de mal ! Je vous en prie ! supplia Tyroll.

Tandis que l'homme gémissait à genoux, des trolls amenèrent le fils effrayé au sein du cercle, et le jetèrent aux pieds de la sorcière.

- Non ! criait le pêcheur. 

La sorcière qui avait déjà levé sa baguette, contempla les yeux de l'enfant puis ceux du père avec une folie tenace.

- Quel âge a ton fils ? répéta t-elle.

- 16 ans ! Il a 16 ans ! s'exclama hors d'haleine le pauvre inconscient. 

- Et bien à partir de ce jour, je jure que tous les hommes et toutes les femmes qui auront atteint leur seizième année subiront une épreuve que ton peuple ne sera pas près d'oublier, annonça t-elle avec vigueur.

L'homme effondré suppliait comme il pouvait la monstrueuse créature, tandis que celle-ci changeait l'eau repoussante en un liquide clair et limpide.

- A présent, pour tes pensées impures Tyroll, et pour ne pas avoir écouté une fée, ton fils te sera enlevé et son esprit hantera à jamais la mare.

Et il en fut ainsi. 

La fée ordonna à Tyroll de rejoindre le Mans et de raconter à tout le monde ce qu'il s'était passé, et la malédiction qui s'était abattue sur eux, jusqu'à la fin des temps. 

Zora referma le livre qu'elle tenait entre ses mains.

- Et voilà mes enfants, l'histoire est terminée.

- Mais ama, ce n'est qu'une légende pas vrai ? demanda une petite fille accroupie sur son lit. 

- Les légendes ne sont jamais totalement fausses, dit la mère.
Un jour, tu comprendras...

La MareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant