Chapitre 12 : Le domaine

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Vers midi, lorsque le soleil brillait haut dans le ciel et que certains d'entre nous commençaient à divaguer, Victor souhaita que nous trouvions un abri à l'ombre pour éviter de lourdes insolations, qui s'étaient selon moi déjà produites depuis longtemps.

- Ces putains d'arbres ne servent à rien ! s'énerve David.

Et il avait raison, un abri sous un arbre était l'idée la plus absurde qui soit, puisque nous vivions dans la forêt même. Ce qu'il fallait, c'était un endroit frais qui s'excluait de la chaleur extérieure. C'était un lieu constitué de matériaux faits pour résister à cette température mortelle. Mais où trouver un endroit pareil ?

- Là-bas ! crie Victor. Ce sont des épiciers ! Ils nous protégeront suffisamment du soleil.

Comme activés par cette déclaration, nous courons tous nous réfugier sous les immenses arbres dont les longues feuilles se déploient comme des parasols. La fraîcheur soudaine tétanise nos corps quelques secondes, mais finit par nous procurer un sentiment de bien-être incomparable. Un bien-être qui ne durera qu'une dizaine de minutes, avant que la chaleur ne recommence à s'emparer de nous.

- Qu'est-ce qui se passe ? demande Alice, perplexe.

- Nos corps se sont habitués à leur fraîcheur, répond Victor. Ils ne nous sont plus utiles à présent.

- Où est-ce qu'on peut en trouver d'autres ? demande David sur le qui-vive.

- Ce n'est pas une question d'en trouver d'autres. C'est une question de savoir combien de temps nous devons à nouveau laisser nos corps au soleil, assure Victor.

- C'est une blague ? s'exclame David, avec l'impatience qui se fait ressentir.

- Je ne fais pas ce genre de blague, riposte Victor.

- Alors on marche comme ça, et puis c'est tout ? demandé-je avec déception.

- Nous ne marchons pas dans le vide... répond Victor. Vous croyez que je me serai lancé à l'aventure dans la forêt la plus dangereuse au monde sans avoir la moindre idée d'où nous sommes et où je vous emmène ?

Vu comme ça, c'est vrai que ma réflexion paraît plutôt stupide.

- Je sais très exactement où nous allons, continue notre guide. C'est une petite bicoque installée au fin fond de la forêt, dans le domaine des fées. Elle a été construite uniquement en bois de toren qui est le matériau le plus froid et le plus résistant au soleil de toute la forêt magique. Et il n'y en a pas deux comme elle, car construire des installations avec du bois de toren est normalement puni de peine de mort pour les humains et les autres créatures magiques. Ce bois est magique et a été conçu par les fées elle-mêmes. Il est très précieux... ajoute notre guide avec gravité.

Ces mots me font trembler de la tête aux pieds.

- Et c'est comment du bois de toren ? demande vaguement Natasha.

- Oh il n'y a rien de plus visible, répond Victor. Il est blanc comme la neige et son feuillage est argenté. Le domaine des fées en est rempli, mais il n'y en a nul part ailleurs. Vous verrez, c'est tout simplement... splendide ; bien plus beau qu'un dactus... ajoute t-il avec mélancolie.

Finalement, ces petites anecdotes m'en ont presque fait oublié la chaleur cuisante quelques instants.

Nous avons marché plusieurs heures sans trouver la moindre créature ( à part les petites bêtes volantes ou non assez mystérieuses). Durant le trajet, trois gars et deux filles se sont effondrés, ce qui nous faisait perdre à chaque fois un temps considérable.
Quant à moi, ma cheville me brûlait et mes tendons étaient éclatés, j'en étais certaine. Je jetais régulièrement des coups d'œil à mon bandage. Chaque pas était une souffrance à supporter. Plus nous avancions, et plus je voyais le sang couler le long de ma cheville et rougir ma chaussette. C'était insupportable. Les pauses étaient rares, et le manque d'eau ne me permettait pas de pouvoir me nettoyer un minimum. Je comptais m'appuyer sur la seule amie que j'avais, mais celle-ci était en train de fricoter avec Nicolas, le gentil garçon du fourgon.

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