La Mare

Chapitre 13 : Les fées

Depuis la bicoque, le domaine des fées resplendit de toute beauté. La lune éclaire le lac et la forêt se fait moins menaçante de par le calme qui règne.
Mes yeux se reportent néanmoins rapidement sur la fée bleue aux manières vives et au visage rayonnant.

Ses bigoudis flottent avec élégance dans le petit air venteux, et ses yeux bleus comme la nuit font ressortir la blondeur de ses cheveux.

Cherchant la position la plus adéquate pour user de sa magie, la fée met au moins deux bonnes minutes avant de trouver l'endroit parfait. Après cela, elle sort à travers les plis de sa robe une baguette argentée qu'elle agite pour éclairer la nuit. La lumière qui en sort, d'un bleu éclatant, nous fait reculer d'un pas tant la surprise est grande. Mes yeux clignent plusieurs fois avant de s'arrêter net sur l'objet.

- Ah ! Voilà qui est mieux ! annonce t-elle en souriant. Alors... du lait de vacholle! dit-elle après s'être remémorée la demande de son amie.

La fée donne un petit coup de baguette en l'air. Soudain, plusieurs packs de laits apparaissent d'on ne sait où et s'envolent vers la bicoque grâce au mouvement effectué par l'objet magique. Ébahis, nous suivons les packs jusqu'à leur arrêt dans la réserve de la vieille Lully et mettons plusieurs secondes à nous en remettre.
Mais la vieille qui malgré son âge avancé n'avait rien d'une bonne femme douce et compréhensive, marchait sur nos talons et grognait avec plus de force que je lui en aurait cru capable ce qui nous réveilla tous d'une certaine manière, et nous fit prendre conscience de l'erreur que nous venions de commettre.
"Oh bon sang... La réserve! " pensé-je désespérée.

Mais il était trop tard. Sous l'emprise de la colère, Lully se mit à changer de forme et devint une femme d'âge équivalent à celui de Nora, coiffée de bigoudis roux et vêtue de la même robe de couleur rose. Elle émit un cillement horripilant et menaça de nous jeter un sort si nous ne quittions pas immédiatement l'arrière-boutique.

Affolés, nous sortons de l'endroit, haletants, certains en pleurant, d'autres en demandant leur mère. Plusieurs se mettent à courir vers la forêt malgré les rugissements de Victor qui ordonnent le contraire, tandis que d'autres se jettent dans le lac en espérant échapper à la fureur de la fée.

- Lully, il faut être gentil avec ses invités, murmure Nora avec calme.

- Ils sont entrés dans ma réserve... grogne la fée.

- Tatata, ce n'est pas une raison, renchérit la dame bleue toujours avec douceur.

Alors que des cris terrifiants s'élèvent de la forêt, je cherche un endroit où me cacher dans ce repère diabolique et finis par trouver une haute et large plante accotée à la maison, et m'y glisse derrière. J'écarte le feuillage avec mes mains pour laisser un trou assez grand qui me permet de voir ce qui se passe. Tandis que j'entends d'autres hurlements torturés provenant cette fois-ci du lac, mes yeux découvrent plusieurs corps sans vie qui flottent dans des flaques de sang dilués dans l'eau. Chacun de ces corps a un membre qui lui a été arraché ; parfois la tête, d'autres fois une main ou un pied.

Je sens la nausée qui monte, et ne peux m'empêcher de vomir sur place en laissant un peu de trace sur ma robe. J'ai envie de mourir.

Je vois soudain Victor qui s'avance vers les deux fées.

- Mesdames, je vous en prie... Nous pouvons sûrement trouver un compromis, dit-il doucement tout en faisant ressentir son stress.

Lully sourit effroyablement.

- Voyez vous monsieur... Victor, c'est bien cela ?

- Oui... Oui c'est ça.

- Et bien Victor, nous avons là un joli spectacle. Ne vous plaigniez pas, j'aurai pu faire de vous mon repas, mais avec tous ces restes je pense en avoir pour une bonne semaine, dit-elle en contemplant les corps déchirés dans l'eau. Il faut dire que je n'avais pas encore donné à manger à mes piranhas, ajoute t-elle en affichant une mine déçue. Mais tant pis, il faut savoir partager avec ces animaux, vous ne croyez pas ?