Chapitre 11 : Survie

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Nous sommes partis dès que le soleil a fait ses preuves. Le jour commençait à planer au-dessus de nos têtes, ce qui a rapidement inquiété Victor. Les trolls s'étaient sûrement déjà élancés à grand pas, attirés par l'odeur de l'huile et des pneus défoncés. Le feu avait également été éteint pour que nous évitions de nous faire coincer le plus vite possible. Nous avons tout laissé derrière nous, à part quelques sacs et de l'eau. La nourriture avait été épuisée le soir même et nos ventres réclamaient leur du. Pourtant, notre pire ennemi était la fatigue. Difficile de ne pas savoir où l'on va lorsque l'on ignore combien de temps on sera capable de rester debout, s'en s'effondrer.

- Rodovan, presse toi le cul au lieu de regarder les pâquerettes, lance Victor depuis le début de la file, en me voyant fascinée par la forêt et ses merveilles.

Je me ressaisie à l'appel de mon nom, et rattrape le groupe qui avance avec rapidité et détermination.

Certaines fleurs me rappellent un peu la Vallée, et le soleil ne fait que réfléchir davantage leurs couleurs exotiques. Des bleues, des roses, des orangées et d'autres, embaument de leur parfum les bois tropicaux. Plusieurs ont une forme large, des pétales développées et le pistil fort allongé. De petits animaux volants que je n'avais jamais vu auparavant, ayant une ressemblance entre la guêpe et la libellule, viennent humer le nectar, et prélèvent le pollen grâce à de petites ventouses aux bouts de leurs pâtes. Je me crus folle lorsqu'il me sembla entrevoir de petits sacs accrochés au cou de ces mutants, dans lesquels ceux-ci déposaient leur récolte.

Mais le plus beau était sûrement ces petits reflets brillants qui s'agitaient dans l'air, indescriptibles et intouchables. Lorsque ma main essayait d'en attraper un, celle-ci passait au travers du filament et se balançait dans le vide. Malgré mon inexpérience en matière de créatures magiques, ceux-ci me rappelaient les elfes que j'avais perçu dans la Mare et cela ne put qu'accentuer l'idée selon laquelle il en s'agissait.

- Tu devrais fermer la bouche, sort soudain Alice qui m'attendait.

- Comment fais-tu pour ne pas être absorbée par tout ça ? demandé-je, ahurie.

- Moi ma belle, j'essaye simplement de survivre et de ne pas me faire avoir par l'une de ces foutues bestioles, répond Alice en dégageant avec une main une sorte de papillon-grenouille, dont les deux ailes du bas sont remplacées par les pattes de l'animal marin.

Les reflets du soleil qui circulent à travers les arbres se reflètent sur la peau blanche de mon amie, ce qui fait ressortir les tâches de rousseur qui envahissent maintenant presque tout son visage.

- C'est pourtant merveilleux, dis-je avec rêverie.

- C'est surtout le moment d'avancer ! sonne Alice comme un réveil.

Je la regarde avec colère.

- Tu pourrais essayer d'être un peu plus douce et un peu moins... franche ! m'exclamé-je.

Alice se tourne vers moi, étonnée.

- Je suis comme je suis, et moi en tout cas je fais preuve de réalisme et ai une conscience, contrairement à d'autres.

Je lui lance un regard assassin.

- Ne me tente pas de t'arracher les cheveux, grogné-je entre les dents.

- Oh, mais je t'en prie, ne te gêne pas ! réplique t-elle avec fluidité et dans un calme absolu, tout à fait détestable.

Malgré son air arrogant, quelque chose me pousse à sourire, quelque chose qui m'a surprise en premier lieu, voir choquée. C'était son sourire. Un sourire qui ne m'était pas inconnu, et que j'avais côtoyé presque tous les jours pendant seize ans. C'était elle, Tanja. Et je croyais qu'il s'agissait du genre de souvenir que je ne reverrai plus jamais. Quelque chose qui était figé comme une photo dans mon esprit, et qui s'animait d'un coup sous mes yeux avec une nouvelle forme physique.

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