Chapitre 10 : Le Lutin

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Je ne m'arrête qu'au bout de quelques minutes lorsque je suis sûre de ne pas être repérée, puis m'affale le long d'un arbre et m'écrase sur le sol dur. J'enroule mes bras autour de mes jambes et pose ma tête aux creux de mes genoux. Et comme ça, contre toute attente, je me mets à pleurer. Je pense à ma maison, à ma sœur, à aita et même à ama.

Je pense à notre colline, au lièvre chaud dont l'odeur hante notre cuisine, au sourire de Tanja, à nos ballades dans la vallée, à ma chambre et à mon lit, à toutes ces choses que je ne reverrai plus jamais. Je vais mourir alors que je n'ai rien demandé. Merde alors, et dans quel but ? Aucun ; ce n'est pas avec quelques survivants que l'on peut rendre une armée plus puissante. Je me remémore les paroles de mon père : « Goran est un fou » et maintenant je comprends vraiment pourquoi.

Tout à coup, je sens quelque chose se poser sur mes genoux. Je relève la tête et ne peut m'empêcher de pousser un cri. La créature surprise par ma réaction réagit de même et tombe en arrière. Je constate qu'il s'agit d'une sorte de lutin qui ne semble de toute évidence pas se méfier de l'espèce humaine.

- Ne me faîtes pas de mal ! hurlé-je sans trop de conviction.

Le lutin se redresse difficilement puis me regarde étonné.

- Que faîtes vous ici ?

- ... Je me suis perdue et je... je...

- Elle ment... chuchote une voix sortie de nulle part.

Je suis terrorisée et cherche un moyen de me barrer d'ici le plus vite possible.

- Que faîtes vous ici Mademoiselle ? me demande à nouveau la créature avec cette fois-ci un ton plus agressif.

- Écoutez, je vous assure que je ne vous veux aucun mal... Je vais juste rentrer maintenant.

- Rentrer ? Vous vous êtes implantée quelque part ? Vous n'êtes pas seule ? questionne le petit être, maintenant plus effrayé.

- Non... non je suis seule, je me promenais simplement et je me suis perdue, mais maintenant je vais retourner chez moi...

- Elle ment, répète la voix avec plus de force.

Je viens de me rendre compte de mon erreur, tous le monde sait qu'il est absolument impossible de s'échapper de la forêt, et les créatures de la forêt enchantée les premières. De toute évidence, le lutin a l'air d'avoir compris mon manège.

- Qui êtes-vous ? demande t-il avec véhémence.

Je suis paniquée ; je tâtonne le sol à la recherche d'une pierre, d'un bâton, n'importe quoi pour pouvoir me défendre.

Ne trouvant rien, je me lève et me mets à courir vers le campement. Le lutin pousse un cri féroce qui me fait trembler de la tête aux pieds, avant de s'élancer vers moi.

Je ne m'arrête pas, mes jambes frôlent des ronces, les branches des arbres me fouettent le visage. Alors que je jette un œil derrière moi, mon pied s'écrase sur une pierre ce qui me fait chavirer.

Sentant la douleur me transpercer, je tente de me relever mais la foulure à ma cheville m'en empêche. Le lutin qui était toujours sur mes talons arrive bientôt jusqu'à moi. Je lutte une dernière fois pour remonter mais mon corps s'écroule sous mon poids.
Alors que je comprends que je n'ai aucune chance de m'en sortir, une voix rauque, masculine, interpelle la créature.

- Gob ! C'est moi Victor ! Ne la touche pas, elle est avec moi...

Le lutin semble tout à coup totalement désintéressé de ma personne et sourit à son ami.

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