Perdue dans le noir - Part1

Chapitre 11

 Sacha s'était endormi, le visage enfoui sous mon bras pour fuir la lumière. Sa nuque s'affichait comme une offrande sous mon regard. Si fine, si fragile et facile. Il n'aurait même pas le temps de crier, ni celui de souffrir. Ce serait peut-être mieux pour lui, d'en finir vite sous mes crocs que lentement sous ceux de nos geôliers. J'avais tellement faim. L'enfant me faisait confiance, ce serait si simple.

Il devait être en plein cauchemar car son visage se tordait dans des grimaces de peur et son cœur battait rapidement.

- Sauve-moi, hurlait une voix d'enfant dans mon crâne.

C'était Sacha, ses voix s'agitaient malgré lui. Comme son père lorsqu'il avait perdu le contrôle de la situation. Je sentais ses mains s'agripper à mon bras alors que son corps tremblait.

- J'ai peur, lançait une voix chevrotante.

- Elle veut nous tuer, criait une autre, paniquée.

Je sursautais légèrement. Avait-il senti la tension et le danger que je représentais ?

- La vampire nous protège, annonçait une voix plus calme.

Aussitôt son corps se détendit et les voix se turent. Lentement, Sacha se réveillait. J'avais le cœur lourd de culpabilité. Je ne pensais qu'à le tuer, chaque regard vers lui me poussait un peu plus à la faute. Mais il se sentait en sécurité près de moi.

Erreur, grave erreur.

- Sacha, dis-je, en le poussant doucement.

- J'ai fait un mauvais rêve, murmura-t-il.

- Sacha il faut que tu t'éloignes. Va dans le coin là bas.

Je le poussais doucement alors qu'il persistait à s'agripper à mes vêtements.

- Pourquoi ? lança-t-il, peureux.

- Prends le couteau et va t'asseoir là bas, je lui montrais l'angle opposé. Si tu me vois venir vers toi, tu dois me faire mal avec le couteau.

- Non, couina-t-il en pleurant.

- J'ai soif Sacha. Tu sais ce que ça veut dire ?

- Oui.

- Alors tu dois rester loin de moi. Et surtout, tu ne lâches pas le couteau.

Cette arme ridicule ne m'arrêterait pas. Mais s'il avait peur, s'il se méfiait, peut-être qu'il se mettrait à hurler. Alors quelqu'un viendrait ?

Il se levait et allait s'asseoir, en reniflant, de l'autre côté de la cellule. Il me regardait, les yeux baignés de larmes. Il n'avait plus confiance en moi cette fois. Sacha était malin. Il fallait que je cesse de le regarder, de me tenter. Je basculais lentement la tête en arrière jusqu'à ce qu'elle s'appuie contre les barreaux. Penser à autre chose n'était pas difficile. Serais-je capable de faire ça à un enfant ? Où était Adam ? Et Camille ? Qu'allait-on faire de moi ?

Écrasée par la fatigue, sans m'en rendre compte, je m'endormais. L'enfant écarté, la tentation me donnait un peu de répit.

C'était si simple de donner la mort. Plus de remords ni de problème de conscience. Juste la sensation d'avoir fait ce qui devait être fait. En apparence. Car mes rêves me rappelaient tout ce que j'avais, volontairement ou non, occulté. Si peu de temps était passé depuis que j'avais cessé d'être moi, cessé d'être simplement. Et je comptais déjà trois vies volées. Peu importe qui ou ce qu'ils étaient. Il y avait celles que j'avais prises de mes mains, celles que j'avais causés et celles qui étaient en sursis. Mes songes me montraient ce que j'étais réellement, ce que je ne pouvais plus nier.