La Rose des Neiges

Chapitre 12 (partie 2): Danse au Clair de Lune

- C'est enfin l'heure. Déclara le Cerf comme s'il parlait à lui même.

- Ah! Nous sommes bientôt arrivés ? Rose commençait à s'endormir. Il faisait nuit dorénavant, et le long voyage l'avait quelque peu fatiguée.

- Presque ; mais... regarde un peu autours de toi, je crois qu'une surprise se prépare.

Et en effet, il semblait que, de part et d'autre du chemin, tous les arbres se penchaient dans leur direction. Un souffle de vent s'engouffra parmi les feuilles et Rose y discerna le tintement d'un millier de clochettes. Elle chercha du regard d'où pouvait provenir ces jolis bruits mais ils semblaient provenir de quelque magie invisible à l'œil nu. Cette mélodie était très agréable aux oreilles de Rose et lui faisaient penser aux chansons de sa maman quand elle chantait le soir à l'heure le coucher. C'était très beau, d'une rare délicatesse.

- Je crois bien que la Forêt a un dernier cadeau à t'offrir avant de partir.

- Un cadeau dis tu ? Comment la forêt pourrait-elle me faire un cadeau?

Le Cerf ne répondit pas, mais sur ses babines se dessina un sourire aussi espiègle que discret, ce qui était surprenant pour un être qui paraissait si plein de sagesse.

A mieux y regarder, Rose crut apercevoir des petits lutins, comme Chapodru et Pididom, cachés derrière les buissons et les arbres. De petites choses brillaient dans les bois toujours obscurs. Des lumières scintillaient, difficilement perceptibles, comme autant de reflets d'or et d'argent.

- Il nous reste encore un long chemin à parcourir, accroche toi à mes bois pour ne pas tomber. Dit le Cerf, ce sourire toujours aux lèvres. C'est parti...

C'est alors qu'il se mit à galoper, d'un coup, à une vitesse folle. Rose en fut d'abord surprise et failli tomber à la renverse. Heureusement, elle avait bien suivi les instructions de l'animal. Ils filaient pareils à une comète argent et rose, perçant parmi les arbres. La petite fille avait presque l'impression de voltiger dans les airs tant les sabots du Cerf Vérité ne faisaient qu'effleurer le sol. Elle eut même l'impression qu'elle volait, un moment, mais ce n'était sans doute que son imagination.

- Youpi !! S'écria-t-elle

L'animal en sourit de plus belle car, en vérité, il avait lui aussi déjà eu des enfants – où étaient-ils d'ailleurs ? - et il savait pertinemment comment faire pour les amuser.

-Plus vite ! Plus vite ! Lança Rose.

Et plus vite allait le Cerf, galopant à toute allure comme à la poursuite d'un trésor fabuleux qui nous attendrait au bout du chemin, pressés par l'impatience ; comme un enfant qui se met à courir alors qu'il s'approche d'une boutique de sucre d'orge. Et Rose continuait à crier « Plus vite » au Cerf qui, de son côté, s'amusait à répondre aux demandes de la fillette. Et ils filaient, au milieu des bois abasourdis par ce rythme effréné – car la forêt avait plutôt l'habitude de la tranquillité du petit quotidien de ses habitants, qui agissaient rarement ainsi.

Un renard à la recherche de quelques truffes sur le bord du chemin crut apercevoir une étoile filante. « Curieux », se dit-il, je pensais que l'on ne voyait les étoiles que dans le ciel ou dans les lacs. Il avait l'impression d'assister à un événement très rare qu'il s'empresserait de raconter à sa famille à son retour, et non sans fierté: « Le jour où j'ai frôlé une étoile filante ».

-Plus vite ! Criait Rose

Les arbres défilaient de part et d'autre, le vent portait à ses narines un ensemble de parfums mêlés de musc, de sapin, de champignons frais, et autre senteurs forestières. Les couleurs dansaient, les formes se brouillaient, tout devint un mélange de blanc, de vert, de marron et de bleu. Tout cela se fondait presque en une seule et même sensation, sans bien sûr oublier le son des feuilles, le frôlement des sabots, le chant d'oiseaux et autres mammifères innombrables. Une bulle faite d'un millier de sens qui se mêlaient, s'entremêlaient, se démêlaient, avant d'éclater en une voluptueuse marée de musiques aux odeurs incroyables.