Regards miroirs

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La pluie bat la ville. Elle frappe le sol et les bancs métalliques de la place où se réunissent l'été la majorité des personnes pour profiter du soleil. Aujourd'hui, le soleil n'est pas là. Il s'est caché derrière une masse grise de nuages qui nous trempent.

Ma mère ne veut pas que je sorte sans un couvre-tête. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige ou qu'il fasse beau, je dois toujours porter quelque chose sur ma tête, sur mon crâne chauve. Même si mon absence de cheveux ne me dérange pas, certaines personnes ne se gênent pas pour me montrer que ça leur pose problème. Je sens sans cesse leurs regards qui varient en fonction des personnes : le dégoût, la gêne, la pitié, la compassion. Je n'ai pas besoin de ça. Je n'ai pas besoin de leurs préjugés. Il ne savent pas pourquoi je n'ai plus de cheveux et si cela me cause du soucis.

Bien sûr, au début, je n'aimais pas mon visage que je trouvais vide sans ces cheveux bruns que je tenais de ma mère. Je m'y suis fait. J'ai appris à aimer le sommet de mon crâne lisse et à y voir des avantages.

On m'avait déjà proposé de porter des perruques mais j'ai refusé. Cette particularité que j'ai, même si elle vient d'une maladie, fait partie de moi.

Mais ça, les autres ne le comprennent pas. Quand j'étais enfant, mes camarades de classe se moquaient de moi mais maintenant, c'est mieux. Ils grandissent. Néanmoins, cela n'enlève pas les regards inquisiteurs. J'ai beau leur adresser un sourire qui peut parfois paraître ironique, ils continuent. Toujours. Et ces regards me déstabilisent parfois. C'est à cause de ces personnes que je me sens différent. Ils n'aident en rien l'acceptation de ma propre personne.

On peut penser que c'est souvent l'inverse qui se produit ; que c'est la personne elle-même qui ne s'accepte pas. Mais si personne n'y voyait de problème et s'ils ne me faisaient pas sentir différent, alors tout serait plus simple !

On se voit comme les autres nous voient. Ce sont les autres qui forgent la perception que l'on a de nous-mêmes. C'est comme s'il y avait des petits miroirs dans les pupilles des êtres humains et que la manière dont ils me voient devient le reflet de ce que je ressens vis-à-vis de ma propre personne. Et ça peut engendrer pas mal de problèmes.

Alors aujourd'hui, je décide de sortir sans capuche et sans chapeau et je vais profiter de la pluie que j'aime tant et de ses gouttes que je laisserai glisser sur ma tête polie.

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