CHAPITRE 1

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Suis-je sur Terre ? J'ai du mal à le croire. Existe-t-il au moins un monde où le peuple est libre de penser sans être jugé ? D'être lui-même ? Prévenez-moi, astronautes, si vous le découvrez.

En attendant je suis simplement là, dans ma petite ville de cons ; Ma vie est une routine, j'aimerais que ça change, sérieux. Marre d'aller au bahut le matin, après avoir mangé un demi paquet de céréales Lion, de m'être réveillée à six heures et demi, et de m'être lavée avec le savon parfum pamplemousse. Toujours pareil... les habitudes en fait. Le soir, comme une fille de la norme, je dois manger un truc et faire sagement mes devoirs. Ca ne me ressemble pas.
En fait, plus tard, je crois que je m'achèterais une caravane. C'est cool les caravanes. T'en a marre, tu te casses, et tu pars loin, très loin de tout. Tu pars à la découverte d'autres cultures, d'autres personnes, d'autres paysages... Tu profites de la vie, quoi.

Provisoirement, j'ai seize ans et demi, dix-sept le mois prochain. Je ne pense pas avoir à préciser que je compte les jours qu'il me reste avant la majorité, ça me semble évident, c'est du Sharly tout craché ça.

Il va bientôt être vingt-et-une heures. Nous sommes le 6 octobre, il fait froid, il pleut de temps en temps, aussi. J'aime pourtant ce temps. Personne ne veut sortir de chez soi, tout le monde préfère rester dans son confort, et fermer les volets en attendant que la pluie cesse de battre aux carreaux... Il n'y a donc personne dans les rues, sauf moi, abritée sous un arrêt de bus, écouteurs volume maximum aux oreilles, recouvrant le bruit incessant de la pluie. Les phares des rares voitures m'éclairent de temps à autre, et mettent à découvert ma silhouette fine, recroquevillée sur le banc de l'arrêt. J'aime me retrouver avec moi-même, personne aux alentours pour me juger. J'allume ma clope, et pense à tout et rien. De temps en temps Clarys vient se joindre à moi, c'est ma meilleure et seule pote ; Si on ne compte pas les deux trois gars qui viennent quelques fois se joindre à nous pour sécher les cours de sport. Je hais le sport en fait, ouais, c'est vraiment pas mon truc.
Après avoir passé plus d'une heure dehors, je daigne enfin à me mettre en route pour rentrer chez moi. Ma mère m'attend, seule, enfin si elle n'a pas invité d'inconnu (ça ne serait pas la première fois) à passer la nuit chez nous pour oublier mon père, son ex, parti de la maison à mes huit ans pour vivre le bonheur parfait avec... Un homme. Ma mère ne l'a toujours pas digéré ça. Contrairement à moi, qui adore mon père et son histoire avec Julian, son nouveau mari. Je les aime plus que tout, et ça me rend triste que ma mère soit.. disons homophobe ?
Je rentre à la maison et constate rapidement qu'il n'y aura pas d'inconnu ce soir. Yes. J'aime pas les flirts de ma mère, j'ai toujours l'impression qu'ils veulent juste ce que les connards veulent (on se comprend), puis partir.

- Où t'étais ? Me demande ma mère en me voyant débarquer.

- Ca n'avait pas l'air de te préoccuper avant que je revienne.

- Dis-moi où t'étais.

- Dehors. 

Pour changer de sujet, elle enchaîne :

- Je t'ai mis une assiette de pâtes sur la table du salon, vas manger.

- Merci.

Je m'installe sur le canapé, et commence à manger tout en regardant ma série du moment. Le plat est un peu froid mais je n'ai pas envie de vexer ma mère, pour que ça reparte encore en dispute pour un sujet débile ; elle fait de son mieux après tout. Je pense à ma journée de demain, il y a encore une heure, j'avais oublié qu'il y avait cours, le weekend est passé tellement vite... Trop vite. Je vais retrouver les petits cons de ma classe, les profs, reprendre ma routine... Et retrouver Clarys. Ça c'est cool, je l'ai pas vue depuis une bonne semaine, la pauvre était malade.
Je finis de manger puis monte dans ma chambre, et m'endors en écoutant du Marilyn Manson ; croyez-le ou non, ça m'apaise.

***

Le réveil sonne, six heures et demie comme convenu. Je mets, comme tous les matins, un quart d'heure à émerger, et à me décider (enfin) à sortir de mes draps. Il me reste donc environ une heure pour me préparer, ça va. En fait, je ne veux seulement pas louper les dessins animés pour enfants, oui j'adore ça. Je ne mets pas plus de quinze minutes à prendre une douche et enfiler des vêtements, donc franchement j'ai le temps.

Il est presque l'heure de partir mais je suis encore affalée sur le canapé devant la télévision. Aujourd'hui j'ai simplement opté pour une jupe noire, qui m'arrive à mi-cuisses et un t-shirt blanc cassé, une rose rouge, brodée au niveau de la poitrine. Je n'ai bien sûr pas oublié le rouge à lèvres violet, acheté la veille au nouveau centre commercial d'Amnéville. J'aime bien mon look.

Sortie de chez moi, mon sac sur le dos, je marche en direction du lycée. C'est à un peu moins de dix minutes à pieds. Le temps n'a pas vraiment changé depuis hier : un brouillard épais recouvre la ville, et je n'arrive plus à voir plus loin que deux mètres devant moi...
Je déteste le lundi, c'est vrai, pourquoi mettre des cours directement après le weekend ? Au moins, il faudrait nous laisser le matin pour prendre son temps, se réveiller, se coiffer et tout... Et finir les céréales Lion. Jamais le temps quand on commence à huit heures, et après on s'étonne que je sois maigre, bah voilà !
J'arrive devant le bahut, et retrouve comme prédit, les petites têtes insupportables des gens. Qu'est-ce qu'ils m'énervent... Et dire que je vais devoir les supporter une semaine de plus...

- Hey, Sharly, derrière toi !

Je me retourne, c'est Clarys ; enfin une tête que j'aime bien.

- Salut toi, Contente de te revoir !
- Oui moi aussi, c'était trop long d'attendre... J'avais même pas le droit de fumer ! Dit-elle sur le ton de la rigolade.
- Oh, pauvre chou ! Lui répondis-je en plaisantant.

Nous rentrons dans le lycée, et nous dirigeons vers la salle de Français. Tout le monde est déjà installé, ce qui fait qu'on a l'air d'être un peu en retard, mais pourtant on a deux minutes d'avance, donc ils n'ont rien à dire, voilà.
La prof, madame Vellers, arrive quelques minutes après nous, essoufflée comme on ne l'a jamais vue.

- Bonjour les ados, désolée d'être en retard...

Un coup à la porte l'interrompt. C'est le directeur, tout le monde doit se lever, règle de politesse il paraît...

- Bonjour, asseyez-vous. Dit-il en entrant dans la classe. Je vous présente Lukas, il sera dans votre classe à partir d'aujourd'hui.

Il se retourne, et fait signe à quelqu'un derrière lui d'entrer. Un gars de notre âge s'avance. Il est sexy, très sexy. Des tatouages recouvrent ses bras et remontent jusque dans son cou, il a aussi deux-trois piercing sur les oreilles, j'adore. Sa carrure imposante, due à ses larges épaules et son torse musclé lui donnent un air protecteur, mais aussi un peu flippant, j'avoue. Ses cheveux bruns, presque noirs sont à peine coiffés, et quelques mèches s'agitent devant ses yeux verts lorsqu'il marche... Quel personnage, il est si différent des autres...
Je jette un coup d'œil aux filles de la classe. Suis-je la seule sous le charme ou...? On dirais bien. C'est sûr que ce n'est pas des sages petites filles qui vont aimer ce gars.

SharlyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant