Une vérité dérangeante

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Avec une certaine appréhension, Héléna fixait le tram bel et bien stoppé sur la rampe d'accès à la plateforme de lancement. À cette distance le petit wagon ressemblait à un vague cube blanc-gris. Il était difficile de distinguer d'autres détails et l'épaisseur de la vitre de la coupole déformait légèrement ce qu'elle voyait.

En direction du quai elle avertit L-15 des dernières nouvelles qui s'empressa d'aller vérifier l'état des émetteurs et des canaux de transmission. Elle lui intima de préparer leur départ pour Humanity.

- Bien Docteur, je vous enverrai une confirmation. Que faisons-nous des recherches?

- Pour l'instant elles sont stoppées jusqu'à nouvel ordre. Notre priorité est de retrouver l'équipage, ou ce qu'il en reste... continua-t-elle en courant dans le sens opposé.

L-15 se contenta de faire un signe de la tête et se replongea dans ses tâches.

Elle ne lui avait volontairement pas parlé de la suppression des messages d'Humanity. Mais tôt ou tard elle le confronterait aux faits. Car pour l'instant, il était le seul avec elle à bénéficier des droits d'accès aux transmissions.

Plus elle approchait de la rampe de lancement plus son rythme cardiaque augmentait. Après s'être authentifiée au scanner rétinien, la porte glissa pour laisser place au vestiaire qui n'avait pas l'air d'avoir réellement bougé. Elle enfila une combinaison, vissa son scaphandre et vérifia l'arrivée d'oxygène avant de sortir sur le quai. Là, le wagon bloqué était parfaitement visible. A 100 mètres environ, le logo bleu "Liquid-1", formé de deux gouttes d'eau disposées en spirales sur l'arrière du tram lui fit un pincement au cœur.

Elle se posa en douceur sur les voies grâce à la faible pesanteur et marcha dans sa direction. Au fur et à mesures qu'elle avançait elle distinguait nettement que le petit transport n'avait pas atteint le sas d'accueil, il devait manquer quelques mètres. Un rapide tour ne montra aucune avarie qui aurait pu causer son arrêt.

Elle monta une des petites marches servant à la manutention pour accéder à la porte frontale, celle qui se trouvait du côté du pas de lancement.

Elle força l'ouverture à l'aide d'une manette externe. Les deux parois s'éloignèrent l'une de l'autre dans un fracas épouvantable.

Un froid glacial lui parcouru l'échine. Un corps tomba lentement vers elle. Tétanisée dans un premier temps, elle se reprit tant bien que mal. Le constat fut sans appel : 14 corps inanimés, flottant les uns contre les autres. Toute l'équipe de retour avait été décimée. Par asphyxie sans aucun doute, les visages avaient bleui et tous avaient les yeux écarquillés d'effroi.

Toutes les personnes qu'elle avait côtoyées lors de première mission erraient là au gré de la faible gravitation.

Après quelques hésitations elle finit par repositionner chaque scientifique à son siège et referma le wagon.

Éprouvée par la découverte de ses camarades, elle retourna en direction du campement en réempruntant les voies d'accès qu'elle avait foulées quelques minutes plus tôt.

Après avoir jeté sa combinaison au sol dans le vestiaire, elle se laissa tomber au sol. Elle ne put s'empêcher de lâcher quelques larmes. Mais son sentiment de colère prévalait sur sa tristesse. Les procédures de lancement son rodées depuis des années. Les étapes de mise en orbite sont programmées depuis les premières minutes d'accès au vestiaire, rien n'est laissé au hasard. Et si l'un des processus est bloqué alors tout s'arrête et se remet en place comme au départ pour la sécurité des hommes et femmes qui l'utilisent.

Un maillon de la chaîne avait cédé ou avait été supprimé sans possibilité de déclencher la phase de secours.

- Tout va bien Professeur ?

L-15 se tenait devant elle et n'avait fait absolument aucun bruit. Elle releva la tête, les yeux embués de larmes et emplit de haine.

- Pourquoi as-tu stoppé la procédure de départ de la mission Liquid-1 ? Pourquoi les as-tu empêchés d'appeler du secours ? De supprimer les communications !? Cria-t-elle.

- Je vous demande pardon ?

Héléna continuait indubitablement son discours accusateur, ne laissant aucune place à L-15.

- J'aurais pu les sauver si j'avais su qu'il y avait le moindre problème... Au lieu de ça, coincés là-bas, ils ont sûrement dû attendre que la phase de secours soit enclenchée... Que l'on vienne les chercher...

- Vous faites erreur Professeur, coupa L-15, vous avez vous-même demandé à arrêter le tram, vous ne vous en souvenez pas ?

L'apogée d'un règneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant