La fuite

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Elle courait sans s'arrêter dans ce long corridor qu'elle avait parcouru des centaines de fois. Elle devait s'échapper à tout prix, prévenir la station-mère que Liquid-2 serait le départ d'une catastrophe humaine sans précédent.

Quelles étaient les limites de Blanche ? La portée de son contrôle ? Quelles étaient ses desseins ?

À bout de souffle, la terreur qui parcourait son corps était devenu son seul moteur. Tout se bousculait dans sa tête, elle devait trouver une solution rapidement.

Elle se souvint que L-15 avait dû préparer le rover et que Blanche tenterait de l'enfermer dans le vestiaire menant au quai d'embarquement. Elle prit donc la direction opposée au pas de lancement, là où le garage se trouvait. Elle contournerait ensuite tout le campement pour arriver à la capsule de survie sans passer par les sas, probablement devenu des pièges mortels tendus par Blanche.

Sûre d'elle, elle se précipita sur le clavier alphanumérique. Le digicode ne marchait pas. Cette foutue porte d'accès ne s'ouvrait plus. Soudain un éclair lui parcourra l'esprit. L-15 était en train de bidouiller la porte d'accès quelques jours plus tôt. La panique lui serra le cœur comme un étau. Ellie était contaminé. C'était désormais le pantin de Blanche agissant selon ses moindres désirs.

- Merde ! Lâcha t'elle en frappant la porte.

Il fallait prendre un coup d'avance sur elle à chaque décision. Mais combien de chose avait-elle sous son contrôle depuis son arrivée à Cold Point... ?

Au loin des claquements sourds se manifestèrent, se rapprochant peu à peu. Puis le couloir fut plongé dans le noir. L'énergie avait été coupée. L'alimentation en oxygène du campement avec. Les choses se corsaient, les agissements de la plante était parfaitement calculés. Le danger n'en était que plus grand. Son entraînement aux situations d'urgence prévoyait une autonomie de trois minutes pour une équipe de dix personnes après interruption des systèmes de survie. Il lui restait donc environ trente minutes pour s'échapper, un stress supplémentaire pour elle alors qu'elle avait déjà le souffle court et les mains tremblantes. Elle tenta de maîtriser sa respiration en s'adossant à la cloison en composite de la coursive.

Elle se retourna et vit la pâle lueur du soleil qui s'engouffrait par les hublots. Mais la luminosité restait faible à travers ces petites ouvertures. La progression serait difficile. Elle se souvint que certaines pièces étaient équipées de kit d'urgence. L'une d'elle était adjacente au réfectoire. Elle avança jusque-là, la porte étant condamnée, elle se faufila par l'armoire technique qui liait la petite pièce au boyau principal. Elle contenait quelques fournitures mal rangées qu'elle balança dans tous les sens. Le soulagement l'envahit quand elle vit la petite lueur verte derrière une étagère. La bonbonne d'oxygène de survie était là parmi d'autres objets. Elle l'arracha de son socle.

Sans courant toutes les portes étaient bloquées, envisager une sortie par les garages était impossible. Instinctivement, elle défonça la grille d'aération au plafond et se glissa dans le conduit en grimpant comme elle put, un pied en appui sur l'étagère. Ce petit local était une aubaine. Mais le réseau labyrinthique des conduits d'aération n'était pas sans difficulté. Totalement dans le noir, elle se servit de la faible lumière émise par la LED de sa combinaison pour faire taire la pénombre.

Elle savait que chaque salle était raccordée au conduit, elle pouvait donc se diriger vers les vestiaires sans être inquiétée par les portes à digicode.

Rampant depuis plusieurs minutes, elle tomba enfin sur le vestiaire. Elle jeta un œil à travers la grille mais quelque chose la bloqua. Quelqu'un s'y trouvait.

Ellie...

Là immobile se tenait L-15 devant les casiers des vestiaires. Son attitude trahissait le fait que son système était sous emprise. Les androïdes n'avaient pas pour habitude d'être légué à des tâches de surveillance ou de patrouille. Pire, il ne faisait jamais "rien". Il était programmé à minima pour nettoyer ou ranger.

Elle jeta sa boucle de ceinture de toutes ses forces au fond du conduit dans un vacarme sans nom. L-15 mordit à l'hameçon et sortit de la pièce pour vérifier si quelqu'un s'y trouvait.

Descendue délicatement depuis l'ouverture pieds nus, elle se hâta d'enfiler une tenue d'exploration mais ces quelques secondes avaient permis à l'androïde de revenir sur ses pas.

Elle se cacha entre un casier et la paroi de l'angle de la pièce, priant pour que l'obscurité soit sa meilleure alliée.

L-15 marchait à pas feutré, inspectant les casiers un à un et finit par tomber sur celui dont elle venait de retirer la combinaison. Il tourna brusquement sa tête robotisée dans sa direction mais sans qu'il n'ait le temps de comprendre, elle fit levier avec son corps et un casier s'écrasa sur lui lourdement.

Ni une ni deux, Héléna grimpa de nouveau dans le conduit, s'avança sur plusieurs mètres avant de trouver un accès de secours sur le toit de la station. Chacun de ses mouvements étaient brusques, mais elle réussit finalement à visser son casque dans l'étroitesse de l'endroit où elle se trouvait.

Après une contorsion habile et un panneau arraché, elle finit par s'y hisser.

L'apogée d'un règneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant