Il y a encore quelques jours, je me réjouissais de rentrer. Je rêvais de ce moment, où ma famille et moi reprenons notre vie comme elle l'était autrefois. Je l'ai rêvé plus d'une centaine de fois lorsque j'étais encore au pensionnat MacKenzy. A vrai dire, c'était la seule chose qui m'aidait à tenir après l'incident avec Nate.
Depuis ce soir, tout est devenu plus sombre autour de moi. Les journées s'éternisaient et mon départ s'éloignait de plus en plus, mais ils étaient là, mon père et mon frère. Je rêvais d'eux, de leurs bras m'enlaçant, de leurs sourires rassurants. Ils étaient là pour m'aider à ne pas me noyer.
Je n'ai jamais parlé de ce qu'il s'est produit à quiconque, pas même à Arthur. Si mon frère avait su que sa sœur, sa petite Cendrillon, avait été violée avant d'être poignardée, je n'aurais pas donné cher de la peau de Nate... Seulement, connaissant ce salaud, il aurait trouvé un moyen pour se venger. Il était hors de question que la colère d'Arthur se retourne contre lui. Alors, je me suis tue. J'ai continué d'avancer malgré le poids qui pesait sur mon cœur.
Mais à quoi bon ?
Me taire ne m'a pas aidé, bien au contraire. Cela m'a torturé jour après jour, je me souviens de cette sensation de proie que ces yeux noirs m'infligeaient dès la seconde où ils se posaient sur moi. Je me souviens de cette panique, de cette faiblesse... De ce souffle qui me manquait, de ces larmes qui me brûlaient. Je me souviens de tout. Absolument tout. Pourtant je suis là, assise dans la chambre d'un garçon que j'ai connu il y a des années, seule, complètement et atrocement seule...
Me taire n'a fait que m'éloigner un peu plus d'eux. Me taire m'a isolée du reste de ce monde auquel je vouais une existence heureuse. Je n'ai plus de frère, plus de famille vers laquelle je pouvais me recueillir. Je n'ai plus que lui, cet homme meurtri par un lourd passé.
Je n'ai plus que lui et cette photo qui me fait tant pleurer.
Quand j'ai ouvert l'un de mes sacs, je pensais y trouver qu'un tas d'affaires jeter à la va-vite. Pourtant, elle était là, cette minuscule chose qui m'a chamboulé. Je ne comprends plus le raisonnement de mon frère. Depuis cette soirée, Arthur me hait pour une chose que j'ignore. Il s'est pointé le lendemain pour m'annoncer qu'il faisait une croix sur mon existence... mais il a choisi de m'offrir la seule chose qui lui rappelle notre mère. Arthur tenait à cette photo, je le sais. Pourquoi me la donner s'il ne tient plus à moi ? Est-ce un dernier geste tendre envers moi ? Croit-il qu'en me confiant cette photo que maman avait prise de nous d'eux, l'adieu serait plus doux ? Je n'en sais rien et vu les derniers événements, j'ai peur de n'avoir jamais de réponse.
Poussant un long et profond soupir, j'essuie du revers de ma main mes joues et repousse ce souvenir d'enfance de mon esprit. Il faut que j'avance, malgré ce passé qui me ronge. Gabriel m'offre une chance de m'émanciper de cette famille, je dois la saisir et non me lamenter davantage sur mon sort.
J'extirpe quelques affaires pour me changer et pouvoir enfin ôter cette robe inconfortable, avant de refermer mon sac.
Alors que j'étais sur le point d'enfiler mon leggings, quelqu'un sonne à la porte. Sans réfléchir, j'appelle Gabriel pour l'avertir et continue de m'habiller. La sonnerie reprend.
- Gabriel ? répétais-je de nouveau.
Aucune réponse.
Pieds nus, je sors de la chambre en trottinant vers la porte d'entrée, mais en passant devant le couloir qui mène à la salle de bain, je percute Gabriel qui en sort.
- Putain, lâche-t-il par réflexe.
Mes mains se posent sur ses épaules encore humides par la douche qu'il vient de prendre alors qu'il me saisit par la taille.
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Together [ Caroline ]
RomanceSi l'on m'avait dit un jour qu'il me manquerait, jamais je ne l'aurais cru. Si l'on m'avait dit que cet être si attentionné, si formidable me ferait vivre comme jamais je n'ai vécu, jamais je ne l'aurai cru. Je n'étais pas censé l'aimer. Je n'étai...