III

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Je voyais bien que Marie-Beth était réticente face à l'offre de cet homme. Bien qu'elle n'ait jamais apprécié ma présence sous son toit, elle avait pris un malin plaisir à me tabasser quand l'envie lui prenait. Je crois que c'est ce qui l'empêchait d'accepter la proposition sans chigner. De plus, 40 Kovels n'était pas un montant à cracher dessus. Et tout le monde connaît l'emprise que l'argent a sur Marie-Beth.

On entendit une porte claquer au loin et puis des pas approcher. Je vis Daniel apparaître derrière sa femme et l'inconnu. Il les regardait, incrédule, et lorsqu'il me lança un regard, ses yeux se mirent à briller.
Il avait compris.
Il demanda le montant de l'offre et quand l'homme lui répondit, Daniel accepta aussitôt.
Alors que ce dernier s'empressait de descendre à mon niveau, je crus apercevoir un sourire en coin se former sur le visage de l'inconnu.

Une fois arrivé devant moi, Daniel sortit un long tissu de sa poche. Il l'enroula autour de ma tête, faisant bien sûr qu'aucun de mes cheveux noirs ne dépasse.
"Cet homme t'emmène quelque part, ailleurs qu'ici. Alors sois sage et fais tout ce qu'il te dit de faire. Tu m'as bien compris?" me dit-il, le regard plongé dans le mien.

J'hocha de la tête et il me tira hors du sous-sol. Arrivé devant l'inconnu, je remarqua qu'il n'avait qu'une tête de plus que moi et qu'il n'avait pas une si grande carrure comparé aux gardes royaux. Je me demandais quel rang il occupait au château.

L'homme sortit un petit sac de jute de sa besace en cuir et le tendit à Daniel.
"Ça été un plaisir de faire affaires avec vous, monsieur." ajouta-t-il avant de m'entraîner vers la porte d'entrée.

Ma porte de sortie.

Une fois à l'extérieur, je remarqua que l'homme n'était pas venu avec le carosse royal. Il n'avait qu'une seule monture.
L'homme enleva sa besace et l'accrocha sur le côté de la selle. Voulant ensuite que je monte sur le cheval blanc, il posa sa main dans le creux de mon dos. Mais je me cambra et m'éloigna de lui, je n'avais jamais aimé le toucher des hommes. Les femmes, je savais supporter, mais les hommes, cela me paralysait.
Je ne sus deviner son expression derrière son visage de marbre et les lunettes de soleil qui lui cachait les yeux. Je ne savais d'ailleurs pas pourquoi il en avait, il n'avait pas de soleil et ce, depuis belle lurette déjà.

Comprenant que je ne voulait pas qu'il me touche, l'inconnu me laissa monter seule sur le cheval. Il fit de même lorsque je fus bien stable.
Une fois tout paré, il donna un léger coup de talon pour que notre monture se mette au galop.

Je croyais qu'il m'emmenait au château ou à tout autre endroit en lien avec la royauté. Alors je fus bien surprise lorsqu'il fit dévier l'animal vers la forêt.
Sentiers, après sentiers, l'homme fit arrêter le cheval devant une maisonette en rondins. Il descendit et m'invita à faire de même.
Aucun mot ne fut prononcé, tout comme l'avait été le trajet, d'ailleurs.

L'inconnu entra dans la maisonette sans gêne, alors que je me contenta de l'attendre à l'extérieur, les bras croisés. Peut-être avait-il besoin de quelque chose ici?
Au bout de quelques minutes, l'homme passa une tête dans l'embrasure de porte.
"Tu ne viens pas? " me lança-t-il nonchalamment.
J'écarquilla les yeux et me dirigea lentement dans la petite maison. Était-ce l'endroit où il vivait?

Lorsque j'entra, il me fit faire le tour, qui n'était pas bien long. Le tout était constitué d'une cuisine avec un poêle à bois, une table et une chaise, un ancien placard qui servait de garde-manger, deux petites chambres et une pièce avec une toilette et un petit évier.
L'homme avait encore ses lunettes de soleil et son grand chapeau. Par contre, il avait troqué son uniforme royal pour un simple chandail à manches courtes noir et un jean.
Il mit de l'eau à bouillir sur le poêle et me lança un regard.
"Il te faut d'autre vêtements." dit-il tout bas.
Sa voix était surprenament grave. Je ne m'y attendait pas.
Il revint avec une pile de tissus qu'il me tendit. Je les pris et entra dans la première chambre à ma gauche.
J'enleva le haillon que Daniel et Marie-Beth me faisaient porter et mis le chandail à manches courtes blanc, le jean et les Converses noirs que l'inconnu m'avait donné. Toutefois, je garda le foulard qui cachait mes cheveux.

Lorsque je revint dans la pièce principale, il était assis à la table, sirotant une tasse de thé. J'arriva lentement à sa hauteur et il me demanda, sans lever le nez de son breuvage, quel était mon nom.
Daniel ne m'avait pas habitué à répondre lorsqu'on m'adressait la parole, alors je baissa la tête.

- Tu peux parler maintenant, tu sais. Je ne te ferai aucun mal.

J'inspira silencieusement et souffla un petit "Raven" comme réponse.

- J'aimerais que tu me regardes dans les yeux quand tu me parles.

Je leva lentement la tête, m'attendant à rencontrer ses lunettes de soleil, mais je fis face à encore pire que cela.

Deux yeux bleus perçants me fixaient.

Je me figea et mon coeur s'arrêta pendant un millième de seconde.

"Q-qui es-tu?" dis-je, les yeux écarquillés.

- "Appelle-moi Killer" dit-il, avec un sourire en coin.

Je me souvenus alors d'un conte que ma mère me lisait lorsque j'était enfant. La légende de Killer. Mais je souvenus également que ma mère le décrivait avec des cheveux pas ordinaires, donc cet homme ne pouvait pas être celui qu'il prétendait.

"Non... Ça ne se peut pas." déclarais-je, soudainement sûre de moi. Je ne savais pas d'où venait cet élan de confiance, mais il me plaisait bien. Peut-être la confiance que Daniel s'obstinait à me faire oublier.

Avec un regard amusé, le sois-disant Killer enleva son chapeau laissant libres ses cheveux qui lui arrêtaient au-dessus des épaules.

Des cheveux noirs comme l'ébène.

Mon coeur s'arrêta réellement, cette fois-ci. Je m'écroula de tout mon long sur le sol et mon foulard céda pendant ma chute. Libérant ainsi, mes cheveux noirs.


- A. 007

DarknessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant