Chapitre 3 - Vacances

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Une semaine plus tard, après avoir bien réfléchi et longuement discuté avec Agnès, je me garais devant la maison de ma mère.

«Là on est où maman?

- Viens mon petit coeur, on va aller voir ma maman.

- Ta maman? Mais... je la connais pas moi.

- Non, tu ne connais pas encore ta mamie, parce que je ne l'ai pas vu depuis très très longtemps.

- Pourquoi?

- Parce que... On était fâchées.

- Pourquoi ta maman elle était fâchée?

- Et bien c'est... Ce sont des histoires de grands. Allez, viens mon ange, ta mamie t'attend!»

Cela faisait environ une heure que nous étions arrivées.
Au moment où elle nous avait vu, ma mère avait eu l'air extrêmement surpris.
J'ignorais si c'était parce qu'elle ne pensait pas que je viendrais, ou parce qu'elle n'imaginait pas que j'avais changé à ce point. Fini l'adolescente binoclarde mal dans sa peau et sans aucun style vestimentaire.
J'avais toujours des kilos en trop, mais je me trouvais plutôt jolie malgré tout.

Après quelques minutes de timidité, Noélie avait posé quelques questions à ma mère, puis elle s'était installée dans le salon avec les affaires que j'avais emmené pour elle.
Ma mère avait joué un moment avec elle, puis était revenue vers moi, les larmes aux yeux.

«Elle te ressemble beaucoup. À part les yeux, mais elle a le même caractère que toi au même âge.
Elle est intelligente, ça se voit. Me dit-elle en s'asseyant face à moi.

- Oui, elle me ressemble beaucoup.
Quand je la regarde, je retrouve beaucoup de mes expressions et de mes postures.
C'est vrai que je la trouve exceptionnelle, mais c'est ma fille, alors je ne suis pas très objective, non plus.

- Comment ça se passe avec son père?
Il s'en occupe bien?

- Arrête maman s'il te plaît. Je n'ai pas envie de parler de ça. Encore moins avec toi.

- Excuse-moi. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je voulais juste éviter de faire une gaffe devant elle.

- Non, elle ne le connaît pas, mais elle pose pas mal de questions. Si on te demande, tu dis la vérité, c'est à dire que tu ne sais pas qui est son papa. Fin de la conversation.

- Je te demande pardon, Candice.
Pour tout. Je m'en rends compte aujourd'hui, j'ai eu tellement tord. Mais je te jure que je l'ai fait par amour. J'avais peur que tu gâches ta vie, que tu finisses au chômage toute ta vie, au crochet d'un homme qui ne te respecte pas...

J'ai cru que tu changerais d'avis en voyant la difficulté de la vie, et que tu reviendrais à la maison.
Mais je me suis complètement trompée. Tu es si forte et intelligente, ma fille, et ce n'est pas grâce à moi. Je vois bien aujourd'hui, que tu t'en es très bien sortie sans moi.
J'aurais dû te soutenir. J'aurais dû être là pour vous...

- Arrête maman. S'il te plait. Je... je ne veux pas reparler de ça.
Ça me ramène à des souvenirs trop douloureux. Et c'est inutile.
Je suis mère moi aussi aujourd'hui, et sais très bien que tu as cru agir pour le mieux. Mais tu t'es trompée, et j'en ai souffert, énormément.

Je te pardonne, mais ça n'efface rien. Sache-le. Maintenant, sois une meilleure grand-mère pour Noélie que la mère que tu as été pour moi.»

Je la regardais verser silencieusement des larmes. Les mêmes que j'avais également laissé couler quelques années avant, par sa faute. Elle prit un mouchoir et s'essuya les joues.

«J'ai une idée, arrête moi tout de suite si tu penses que ce n'est pas bien...
Mon chalet à la montagne n'est pas encore loué le mois prochain, et il y a de la neige en ce moment...
Je me disais...
Peut-être que tu pourrais y aller avec la petite, pendant les vacances. Enfin, je ne sais pas, je disais ça comme ça.

- J'aurais adoré. Noélie ne connait pas la neige et ça m'aurait fait plaisir de lui faire découvrir ça, mais je n'ai pas beaucoup d'argent. J'essaie de mettre de côté pour elle plus tard.

- Non mais... Candice, c'est un cadeau. Je ne comptais pas vous faire payer.

Je me tus un moment surprise et dans l'attente qu'elle ajoute quelque chose, qu'elle m'explique quel est le piège, le prix à payer, puisqu'il y en avait toujours eu un, avec elle.

Elle m'avait toujours répété que dans ma vie, rien n'était jamais gratuit.
Pourtant, j'avais l'espoir qu'elle fasse cela sans contrepartie, ou seulement pour avoir le droit de revoir sa petite fille.

- Ah. Dans ce cas... C'est d'accord. Merci maman.

- C'est moi qui te remercie. Merci pour elle. Merci de m'avoir tenu tête et de lui avoir donné la vie. Merci de me laisser la connaître.
Et j'espère qu'un jour, avec beaucoup de temps, les choses s'arrangeront entre nous deux.»

Je changeai de sujet, incapable de lui donner les réponses qu'elle voudrait entendre.

Quelques heures plus tard, je souriais en regardant Noélie dans le rétroviseur. Elle s'était endormie dans son siège auto, son doudou serré tout contre elle.

Je n'avais pas encore eu le temps de lui dire que j'allais l'emmener voir la neige, faire de la luge.
Pourtant, j'étais convaincue qu'elle serait surexcitée.

J'allais devoir faire mes comptes, voir combien j'avais pour l'essence, la combinaison de ski, les après-ski, les moufles...
Mais je savais déjà que ça en valait la peine. Elle allait être émerveillée.

Le mois passa à une vitesse incroyable, entre mon travail, emmener et aller chercher Noélie à l'école, passer du temps avec elle, faire à manger, nettoyer l'appartement, laver le linge, ranger, faire les courses, aller chercher ce dont nous avions besoin pour les vacances... Ce ne fut pas de tout repos!

Être mère était le plus beau cadeau du monde, mais c'était éreintant.
Un peu comme un grand sportif, dont la plus grande passion est son sport. Il adore ça, ne peut pas vivre sans, mais ça l'épuise malgré tout.

Enfin, le jour J. arriva, pour le plus grand plaisir de Noélie, qui ne tenait plus en place.

Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant