Chapitre 6 - Quelques tours de luge

606 51 32
                                    

Je vis alors ses yeux s'assombrir mais fis mine de ne rien remarquer, bien que je fusse terriblement gênée.

«Allez viens mon petit monstre, on va préparer le petit déjeuner, dis-je à l'intention de Noélie.

- On va faire quoi? Me demanda-t-elle en bondissant vers moi.

- Hum... Je ne sais pas... Aujourd'hui, c'est toi la chef!
Qu'est-ce que tu voudrais, toi? Rétorquai-je avec un sourire malicieux.

Elle fit mine de réfléchir, sa petite main posée sur son menton.

- Heu... Des crêpes!» Décida-t-elle

James nous observa un moment sans rien dire, puis alla prendre sa douche pendant que nous nous attelions à la tâche.

«T'en veux monsieur, de mes crêpes? Interrogea Noélie lorsque James refit son apparition.
Je levai les yeux vers lui et le regrettai immédiatement.
Je le trouvais tellement séduisant, avec son jean, son t-shirt moulant ses pectoraux et ses cheveux humides, retombant de part et d'autre de son visage.
Ça me donnait envie d'y glisser les doigts...

- J'en veux bien une, ça a l'air délicieux.

Je sursautai, coupée dans le cours de mes pensées.

-Tiens, c'est pour toi, lança Noélie en lui tendant une crêpe.
Comment tu t'appelles?

- James, dit-il en souriant.

- James? Oh, c'est bizarre comme prénom...» repliqua Noélie d'un air pensif

Ils continuèrent à bavarder tous les deux tout avalant leur petit déjeuner tels deux ogres...

Aussi gloutons l'un que l'autre... pensai-je en mon for intérieur.
Je mis ma main devant ma bouche pour qu'on ne me voit pas sourire, émue malgré moi par ce spectacle.

Remuée par tant d'émotion, je proposai à Noélie d'aller faire de la luge, tout en sachant pertinemment qu'elle accepterait tant elle serait enchantée.

Ce n'est qu'au moment de partir que je compris que James comptait venir avec nous.

« Heu... Tu vas où, toi?

- Faire de la luge, avec vous.

- Certainement pas!

- Pourquoi tu veux pas qu'il vienne mon copain? Me coupa Noélie.

- Non, ce n'est pas ton... Oh, et puis zut! Parce que, c'est comme ça! Il ne vient pas, et c'est tout.

Ecoute-moi bien, dis-je plus bas, à l'attention de James, j'ai discuté avec toi hier, et c'était sympa. Mais maintenant, ça s'arrête là, ok? Tu fous la paix à la petite!

Tu n'es pas un mec bien. Tu ne l'as jamais été, et tu ne le seras jamais.
Alors rends lui service, et reste loin d'elle, tu veux bien? Merci.»

Sans attendre sa réponse, je pris Noélie dans mes bras et claquai la porte derrière moi.

Il avait l'air tellement déçu. Mais c'était la seule solution envisageable pour qu'il ne comprenne pas que je lui ai menti.

Et de toute façon, que pourrait-il nous apporter d'autre que des ennuis?
Je n'ai pas la moindter envie que ma fille s'attache à un type qui, s'il apprenait la vérité, paniquerait à coup sûr et fuirait le plus loin possible de nous.

Noélie était tellement douce et innocente.
D'une naïveté si attendrissante, propre aux enfants.
C'est ce qui me fascine le plus chez eux, cette capacité à voir la bonté en chacun de nous, comme s'ils pouvaient sonder notre âme en un seul regard.

Peut-être était-ce pour cette raison qu'ils pouvaient observer les autres et soutenir leur regard sans détourner les yeux ni se sentir mal à l'aise...

Je me fis encore une fois la réflexion que que cette confiance sans faille envers le monde en général, et les adultes en particulier, faisait d'eux des êtres à part, dont il fallait préserver la pureté le plus longtemps possible.

C'est pourquoi je ne regrettai absolument pas ma décision.
J'avais beau fouiller dans ma mémoire, aussi loin que je puisse remonter, James n'était vraiment pas l'incarnation de la personne en qui on pouvait placer sa confiance.

Pour preuve, il avait trahi la mienne.
Joué avec mes sentiments de manière abjecte.
Il avait passé du bon temps, jusqu'à ce que je ne le divertisse plus suffisamment, et n'avait pas hésité une seule seconde à m'humilier et à me dire des choses horribles, en sachant pertinemment qu'elles allaient me briser le cœur.

Mais quoi qu'il dise, et quoi qu'il fasse, mon avis resterait le même. James n'avait absolument pas changé, même s'il pensait peut-être sincèrement le contraire.

Il était plus beau aujourd'hui, sans son appareil dentaire et son acné d'adolescent... mais cela ne changeait rien.
Même si son corps me faisait toujours craquer, j'avais apprit de mes erreurs.
J'avais grandi, et j'avais surtout compris aujourd'hui que James ne savait absolument pas ce qu'était l'amour.

Le véritable amour, celui qui ne connaît ni limites, ni frontières.
C'est comme cela que j'aimerai toujours ma fille. Pour elle, je donnerais tout ce que j'ai, et même ma vie, sans la moindre hésitation, car rien n'est plus précieux qu'elle.
Mon seul trésor, et mon plus grand amour, c'est Noélie.

Le jour où jai fait le choix de la garder, j'ai cessé d'exister pour moi-même, et j'ai commencé à vivre et à penser pour nous deux.

Et à sa naissance, j'ai su immédiatement.
C'était elle, et personne d'autre. Plus rien ne comptait que son bonheur, son bien être physique et psychologique.

D'ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement, quand un si petit être vous regarde comme si vous étiez la seule personne qui existe pour lui, comme si vous étiez la dernière merveille du monde?

Alors vous vous battez, pour lui offrir le meilleur, et vous faites de votre mieux pour lui donner tout votre amour.

C'est ce que j'avais ressenti pour James, il y a bien longtemps. Ça me paraissait être tellement loin. Presque une autre vie.
Je l'avais tellement aimé que j'aurais fait n'importe quoi pour lui, et j'avais bêtement cru que c'était réciproque.
Qu'il était l'homme de ma vie et qu'on ne se séparerait jamais.
Quelle fille crédule étais-je à cette époque...
C'était tellement ridicule que j'hésitais entre l'envie de rire et de pleurer.

James ne connaissait pas ce genre de sentiments.
C'était un homme immature, et profondément égocentrique.

Il était donc inconcevable qu'il se rapproche de Noélie.
Ou de moi, d'ailleurs. C'était du pareil au même, puisque nous étions liées, elle et moi.

Au fond de moi, j'étais presque certaine qu'il n'aurait pas eu besoin de faire beaucoup d'effort pour me faire retomber dans ses bras.
Seulement, j'estimais avoir suffisamment souffert à cause de lui.
J'avais tiré un trait sur notre histoire depuis presque quatre ans, et comme disait ma grand-mère : «Le réchauffé, c'est bon que pour les gratins et les plats qui mijotent!»

Je souris et remerciai silencieusement ma grand-mère pour ces précieux conseils, sans lesquels je serais peut-être retombée dans le piège de James.

Après de nombreux tours de luge, je m'apperçus qu'il commençait à neiger.
Nous prîmes donc le chemin du retour pour ne pas attraper froid.
Noélie courut sous la neige, essayant d'attraper les flocons, et s'étonnant à chaque fois de ne pas y arriver.
J'éclatai de rire en me disant qu'elle ressemblait à un chaton qui tentait en vain de saisir sa queue.

Soudain, j'aperçus les rideaux bouger dans le chalet de ma mère.
James était à la fenêtre et nous observait, plus ou moins discrètement.

J'avais espéré qu'il soit sorti à notre retour, mais je devais me rendre.à l'évidence : J'allais devoir l'affronter encore une fois.

Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant