Chapitre 8 - Je t'aimais

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James me raconta que, les grandes études n'étant pas pour lui, il avait été dans une école de maçonnerie afin de travailler pour son père, directeur d'un cabinet d'architecture. Apparemment, il apprenait au fur et à mesure les ficelles du métier pour pouvoir occuper la place de son paternel lorsque ce dernier voudrait prendre sa retraite.

Il avait une petite maison, qu'il avait construite en grande partie lui-même, avec l'aide de son père et de quelques amis, mais pour laquelle il avait malgré tout dû faire un petit crédit pour payer le terrain et les matériaux.

Tout à coup, la conversation m'intéressait beaucoup. J'étais curieuse de savoir à quoi pouvait ressembler sa construction.
Je me maudis intérieurement de m'interroger à ce propos. Tout celà ne me regardait absolument pas.
Mais c'était plus fort que moi. Ça me paraissait presque irréel de me dire qu'il était capable de se créer un logement lui-même. J'étais presque envieuse, quelque part.

J'essayai de couper court à la conversation lorsqu'il en arriva à sa vie sentimentale, mais visiblement, je l'avais poussé à bout, et il était bien décidé à tout me dévoiler.
C'était bien ma veine! J'aurais mieux fait de l'envoyer promener dès le début et d'aller me coucher.
J'aurais dormi comme un bébé, et j'aurais été en pleine forme pour m'occuper de Noélie demain. Mais au lieu de ça, je me retrouvais avec mon ex petit-ami, à écouter ses déboires amoureux...

Je lécoutai vaguement me décrivir sa relation actuelle, avec Manon, qui se passait plutôt bien, mais pour laquelle il ne parvenait pas à s'investir complètement.
Il remonta le temps, me parlant de toutes ses conquêtes... Ou en tout cas, c'était ce qu'il cherchait à me faire croire.

Je me figeai quand mon tour arriva.
Évidemment... j'aurais dû m'en douter...
Mais c'était parfaitement inutile, je connaissais déjà cette histoire!

«Je te l'ai déjà dit, mais encore une fois, je suis tellement désolé.
Tu n'imagines pas combien je l'ai regretté.

- Oui bon, ça va. On ne va pas remettre ça sur le tapis.

- Si. C'est important, Candice.

Je haussai soudain le ton.

- Mais non, ça ne l'est pas! Tu n'as pas compris que j'étais passée à autre chose? Je m'en tape complètement de ce que tu as ressenti et des raisons qui t'ont poussé à être un gros connard.

Tu l'as fait, et ça s'arrête là, d'accord?
Ne regrette plus, tu m'as rendu un fier service, finalement. Ça m'a évité de perdre mon temps avec toi.
Alors c'est vrai que j'en ai souffert, et que je t'ai pleuré. J'étais bien naïve, à l'époque...
Mais je t'ai vite oublié, tu peux me croire sur parole!

- ET BIEN, PAS MOI! JE T'AIMAIS CANDICE!»

Je restai bouche bée. Jamais il ne m'avait dit qu'il m'amait. Pas une seule fois.
D'ailleurs il ne me montrait pas de signe d'affection non plus. Mais j'avais été suffisamment jeune, amoureuse et stupide pour croire que s'il passait du temps avec moi, c'était forcément parce qu'il ressentait quelque chose.

A l'époque, je me disais qu'un amour aussi fort que le mien était forcément réciproque, et que s'il éprouvait au moins un dixième des sentiments que j'avais pour lui, alors il m'aimait déjà énormément.

Quelle imbécile j'étais! Évidemment qu'on peut aimer à sens unique!
Je l'ai compris à mes dépens, malheureusement...

Et maintenant, il aurait voulu me faire croire qu'il était fou de moi... Mais bien sûr! Quelle ironie! Je préférais ne pas imaginer ce qu'il aurait fait s'il m'avait détesté, dans ce cas!

Devant mon silence et mon air sceptique, il reprit.

«C'est la vérité, je te le jure...
Malheureusement, j'ai paniqué.
J'étais trop jeune et trop stupide pour vivre le grand amour, ou même le reconnaître.

Et puis, on était au collège... Souviens-toi comment c'était. Si tu ne faisais pas partie des gens populaires, tu en prenais plein la figure.

Toi, tu étais exceptionnelle. Tu t'en fichais. Et même si au fond, tu aurais voulu qu'on t'apprécie, tu préférais rester toi-même malgré les difficultés, et je t'ai toujours admiré pour ça, même si je ne disais rien.
Mais moi, je n'avais pas ta force. Et je ne l'ai toujours pas, d'ailleurs.

J'ai été suffisamment lâche pour me laisser entraîner par mon groupe d'amis néfastes.
Ils avaient remarqué que je disparaissais régulièrement, même s'ils ne savaient pas que j'allais te retrouver en cachette.
Un jour, ils ont fini par comprendre les regards qu'on se lançait, toi et moi, sans s'en rendre compte.

Ils se sont moqués de moi...
Parce que tu n'étais pas très jolie... Excuse-moi Candice... Et surtout, tu n'étais pas comme eux.

- Comme vous, tu veux dire.

- Si tu préfères. Le fait est que je me suis complètement planté. J'ai fait passer ces crétins avant la fille que j'aimais, même si je refusais de l'avouer, y compris à moi-même.

Je ne vais pas te mentir en essayant de te faire croire que j'ai immédiatement culpabilisé. Au début, je m'en fichais complètement.
Je n'avais pas réalisé ce que j'avais perdu.
Ensuite je suis allé dans un lycée où il n'y avait personne de ma bande d'amis, si j'ose dire.
Et le temps faisant son œuvre, nous avons perdu contact.

J'ai rencontré pas mal de filles, dont je t'ai parlé tout à l'heure, mais ça n'a jamais marché. Soit je n'arrivais pas à m'attacher, soit je n'étais jamais certain qu'elles étaient sincères, parfois les deux à la fois.

Lassée de l'entendre se lamenter, je ne pus m'empêcher d'ironiser.

- Pauvre petit chou. J'ai presque envie de te faire un câlin... Ou pas.

Il sourit mais ne releva pas ma remarque.

- Seulement, à chaque fois, je me souvenais d'une phrase que tu m'avais dite : «Je te souhaite de trouver quelqu'un qui t'aimera autant que moi.»
Ça me hante encore aujourd'hui. Le fait est que je n'ai jamais trouvé, et j'ai fini par comprendre la chance que j'avais eu avec toi.

C'est à ce moment-là que j'ai voulu te retrouver, mais tu avais disparu de la circulation. Je suis allé de nombreuses fois à la sortie du lycée du coin. Évidemment, tu n'y étais pas, puisque tu étais dans un lycée professionnel.

Comme je n'avais aucun moyen de te retrouver, et que je ne connaissais finalement rien de toi, de tes amis ou de ta famille, je t'ai cherchée sur Facebook, et bien sûr, je ne t'ai pas trouvée, comme tu le sais.
J'avais abandonné l'idée de te revoir un jour et d'espérer avoir une seconde chance ou même simplement te présenter mes excuses.

Alors je ne sais pas qui je dois remercier pour ça, si c'est le hasard ou le destin, mais peu importe, je suis heureux de savoir que même si je t'ai fait énormément de mal, je ne t'ai pas brisée, et que tu t'en es très bien sortie sans moi.

J'avais esquissé une moue de dégoût à l'instant même où je l'avais entendu parler parler de seconde chance, souhaitant désespérément qu'on me pince et que je me réveille enfin de ce cauchemar.

- James? Je rêve, ou tu viens de suggérer qu'entre toi et moi c'était encore possible?
Alors laisse-moi te dire une chose : toi et moi c'est plus que terminé, c'est carrément enterré. C'est vrai que je t'ai aimé. Plus que tout, même. J'aurais fait n'importe quoi pour toi.

Mais je n'étais que gamine, finalement, et tu étais mon premier amour.
J'ai bien grandi, depuis, et mon seul grand amour, c'est ma fille. Je n'ai pas de place pour toi.
Comme tu las dit, je me débrouille très bien toute seule, alors maintenant, oublie-moi, et essaie de construire quelque chose de solide avec ta copine, ou n'importe quelle autre, pourvu que ce ne soit pas moi.»

Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant