Chapitre 1 - Le choix

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Près de 4 ans plus tard :

J'avais 15 ans la dernière fois que j'ai entendu parler de James.
Nous avions changé d'établissement et prit chacun des chemins différents.
Probablement très différents, même.

Étant donné que nous n'avions aucun ami commun et que personne n'était au courant pour «nous», heureusement pour moi, dans un sens, je n'avais plus jamais entendu parler de lui.

Mais chaque jour, j'y pensais, sans aucune colère, mais avec un certain pincement au coeur.
Il m'était impossible d'oublier ses yeux...
Les yeux de ma fille.

Je m'étais remise de notre rupture au bout de quelques temps, quand j'avais vu deux traits roses se dessiner sur la bandelette au dessus de laquelle j'avais uriné.
J'étais complètement paniquée.
Finalement, ce n'était pas la tristesse de la séparation qui me rendait malade. Je vomissais parce que j'étais enceinte.

J'avais perdu du poids, et personne n'aurait pu se douter de ce qui m'arrivait. J'avais d'abord voulu le cacher, le temps de digérer la nouvelle. Puis je m'étais rendue à l'évidence : Je ne pourrais pas le cacher éternellement, alors autant.en finir et tout avouer.

Ma mère avait très mal prit la nouvelle.
Elle qui pensait que sa petite fille sage et mal habillée était toujours vierge...
Mon père, quant à lui, m'avait sermonnée, mais n'avait rien fait pour arranger les choses. Comme d'habitude. Je comprenais facilement que leur couple n'ait pas duré. Il était toujours aux abonnés absents lorsqu'il s'agissait de résoudre un problème.

Maman m'avait proposé deux solutions : Soit je décidais d'avorter et je pouvais rester à la maison. On aurait tout oublié, comme si rien n'était arrivé.
Soit je menais ma grossesse à terme et faisais adopter l'enfant.

Elle m'avait laissé quelques semaines pour prendre ma décision.
Si peu de temps pour ce choix crucial...
J'avais énormément pleuré, les hormones aidant légèrement.
Voyant que ma mère ne changeait pas d'avis, j'avais fait des listes, pesé le pour et le contre.

Tout ça pour rien, finalement, étant donné qu'une visite chez le gynécologue avait éliminé l'idée de l'avortement.
En entendant les battements de son petit cœur, J'avais versé une larme.

Je n'aurais jamais pensé qu'un si petit haricot avait déjà un cœur qui battait si vite.
Comment aurais-je pu m'en débarrasser?
C'était impossible, je l'avais su immédiatement.
Je l'aimais déjà de toutes mes forces.

Alors, j'avais continué la seconde liste. Celle ou j'énumérais les difficultés si je n'avortais pas :

• accoucher sans le soutien du père de mon enfant

• trop jeune

• mes études

• le regard des autres

• la vie d'un enfant en famille d'accueil, si jamais il n'était pas adopté

• les questions qu'il allait se poser

• ce qu'il penserait de moi,

• les malheurs qu'il vivrait et dont je ne saurais jamais rien, pour lesquels je ne serais pas là pour le soutenir.

Ces idées étaient insoutenables pour moi, alors j'avais fait le seul choix qu'elle ne m'avait pas laissé. La seule décision qui était envisageable pour moi : garder mon enfant, et l'aimer de tout mon cœur. Quitte à être seuls contre le reste du monde...
Envers et contre tout.

J'avais eu l'espoir que ma mère accepterait cette alternative et qu'elle finirait par me soutenir, mais je m'étais lourdement trompée.
Elle avait tenu sa promesse. Aussitôt que je lui avais annoncé, elle m'avait demandé de faire ma valise.
Je m'étais donc retrouvée à la rue, enceinte, à seulement 15 ans.

Heureusement, j'avais eu la bonne idée d'aller immédiatement à l'hôpital.
Pour moi, il était hors de question que je tombe malade, et que mon bébé en souffre.

Là bas, on m'avait dirigé vers une assistante sociale qui m'avait trouvé une place en urgence dans un foyer pour les jeunes démunis.
Il y avait quelques jeunes filles enceintes, elles aussi, des homosexuels et lesbiennes rejetés par leur famille ect.
J'y ai passé plusieurs mois, partageant une petite chambre avec une jeune fille un peu spéciale, au look gothique, qui ne parlait pas beaucoup, et ne racontait jamais les raisons de sa présence ici.

J'ai fêté mes seize ans dans ce foyer, repris goût à la vie, en voyant que certains avaient des vies bien pires que la mienne, et qu'ils avançaient malgré tout.

Mais je ne voulais pas que mon enfant grandisse là-bas, même si ça m'avait tellement aidé et que j'étais consciente que je n'aurais pas pu m'en sortir sans eux.
Et puis, je voulais aussi laisser ma place à d'autres, qui en avaient maintenant plus besoin que moi.

Alors j'avais cherché du travail, et bien failli baisser les bras, à force de refus.
Puis, j'avais trouvé Agnès, une femme d'une cinquantaine d'années, rousse aux yeux verts, grande, et très ronde. Elle eetait coiffeuse et propriétaire de son salon.

Elle avait eu les larmes aux yeux en voyant mon petit ventre arrondi et mon visage fatigué.

«Oh trésor, on dirait que la vie n'est pas tendre avec toi.
Assieds- toi, je vais te préparer un chocolat chaud, et on va discuter.», m'avait-elle dit.

Instantanément, je m'étais sentie en confiance. J'étais inconsciemment à la recherche d'une maman de substitution, et je l'avais trouvée en la personne d'Agnès, douce, au cœur généreux mais n'ayant jamais eu d'enfant à cause d'un cancer qui l'avait épargnée mais lui avait coûté son utérus.

Nous nous étions mises d'accord pour que je passe un CAP coiffure en alternance. Ainsi, je travaillerais la moitié du temps dans son salon, et irais à l'école en parallèle. En échange, j'aurais un petit salaire, en plus des aides de l'état, ce qui me permetrait de prendre soin de moi-même et de mon bébé, ainsi que de louer à Agnès un petit appartement, juste à côté du salon.

Elle avait fait bien plus que m'aider : Elle m'avait sauvée. Par tous les moyens qu'elle avait à sa disposition.

Pour ça jamais je ne pourrais suffisamment la remercier.
Elle m'avait aidée à me relooker, contact avec la clientèle oblige : coupe de cheveux, maquillage, vêtements,
Elle m'avait également accompagnée acheter tout ce dont j'avais besoin pour ma grossesse, mon accouchement, mon bébé, moi qui n'y connaissais absolument rien.
Même si elle n'avait jamais eu d'enfant, elle en avait longtemps rêvé et savait donc ce qui était nécessaire.

Mais comme si cela ne suffisait pas, elle a su voir mon angoisse. Celle d'accoucher seule, sans personne, à seulement 16 ans, et m'a proposé de m'accompagner, ce que je m'étais empressée d'accepter.
Ça m'avait fait tellement chaud au coeur.
J'avais eu une chance incroyable en rencontrant Agnès. Elle avait remplacé en tous points la mère que j'avais perdu.

Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant