on june 2017, the 6th

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La vieille femme de 87 ans approche de la tombe, gravée avec les lettres du prénom de son père, et rempli du sable de la plage où il a débarqué. Ses cheveux bruns ondulés ont laissé place à une chevelure grise. Sa posture est courbée, mais elle a gardé le même regard illuminé.

Il a fallu marcher, il a fallu s'arrêter et souffler à cause de l'effort physique, mais elle a atteint la tombe qui l'intéresse. Un petit groupe de personnes, ainsi que sa soeur, sont autour d'elle.

Ils attendent, ou font une minute de silence avec elle.

Daisy fixe cette tombe blanche, dénuée de tout objet qui peut se raccrocher de près ou de loin à quelque chose de familial. Alors elle sort de son sac une photo représentant son père, sa mère, sa soeur, et elle. Ils sont heureux sur la photo, heureux comme ils ne l'ont jamais été après.

Elle demande à quelqu'un de se baisser pour la déposer au pied de la tombe, et un jeune homme qui ressemble à son petit ami de l'époque le fait pour elle. Daisy sourit. Dans un sens, revoir un visage familier ne peut pas faire de mal. Surtout que Connor avait toujours été un copain attentif aux besoins de sa belle, et quand elle avait perdu son père, il l'avait soutenu, alors qu'il avait vécu l'exacte même situation.

— Vous me faites penser à quelqu'un, commença Daisy en américain, elle se demanda d'ailleurs si il allait la comprendre mais aucun signe ne lui fit penser le contraire alors elle continua : à mon ancien petit-ami, Connor.

— Je suis enchanté d'être une figure familière pour vous. Est-ce que cela vous dérange si vous nous parliez un peu de cet homme dans ce cercueil ? Qui était-ce pour vous ?

Daisy sourit tendrement face aux mots du jeune homme. Elle voit bien qu'il les cherche pour ne pas la blesser et faire ressurgir de mauvaises images du passé.

— Bien sûr que je veux en parler, c'est même avec honneur que je vais vous en parler.

Le jeune homme acquiesce lentement en souriant, les larmes aux bords des yeux. Être en présence d'une femme qui a vécu la guerre est fort. Être en présence d'une personne qui a vécu entre ces dates sombres de l'humanité est quelque chose d'impossible à s'imaginer.

Avant que Daisy ne commence à raconter, il s'assure que le groupe comprend bien l'anglais, et ils s'installent sur un banc, près des arbres qui cachent le soleil rude.

— Jeffrey Dean Morgan est mon père, je dis est car il est et le sera toujours, pourquoi ce statut changeait-il ? Je suis donc Daisy Eileen Annalise Morgan, sa fille. Quand il est partit à la Guerre, je me souviens, c'était un samedi d'avril. Il faisait beau, et nous ne nous attendions pas à ce qu'une aussi mauvaise nouvelle plombe ce samedi ensoleillé. Après tout, il avait déjà servi la patrie une fois en 1917, pourquoi le relancer dans la boucherie ? Les hommes commençaient à manquer, et le Débarquement de Juin 1944 que vous connaissez tous à présent avait besoin de main forte pour libérer la France.

— Il n'est jamais revenu... suggéra le jeune homme pour finir la phrase.

— Il n'est jamais revenu non. J'étais tellement en colère que l'on m'arrache mon père, j'avais quatorze ans à cette époque, et ma soeur cinq, pourquoi fallait-il que le sort s'acharne ? Ma mère était effondrée sur le sol quand j'ai appris la terrible nouvelle. Je n'ai pas pleuré pour autant, mon père est un Héros me suis-je répétée inlassablement. Et il l'est toujours, sinon il ne serait pas ici avec les 9386 autres hommes qui ont contribuer à vous donner cette Liberté si belle mais si chère. Alors vous qui m'entourez, ne vous plaignez pas de votre vie, certains en ont vécu une pire. Bien sûr, nous ne parlons pas de la même époque, mais imaginez-nous deux secondes, nous vivions dans la peur de mourir tous les jours. L'Amérique pouvait être bombardée à tout moment, et la France pouvait être perdue à tout jamais. Pensez à vos grands-parents enfants, qui devaient se cacher des bombardements. Pensez à tout cela.

— Et votre père du coup, vous a-t-il envoyé une lettre ? Qui était-il pour vous ?

— Il m'a envoyé une lettre avant qu'il ne débarque sur la plage d'Omaha Beach, je n'ai pu la lire qu'à mes dix-huit ans, en 1948. C'était la plus belle et plus poignante lettre que j'avais reçue, je l'ai gardée et elle est encore sur ma table de chevet. Cette lettre a été le moteur de mon combat de chaque jour, c'est un boost pour moi. Et mon père, il représentait tout. Il était brave, fort, et si gentil à la fois. Parmi toutes ces tombes d'hommes et femmes, ce n'est qu'un homme aux yeux du monde. Mais pour moi, c'était le monde. Et cette magnifique citation que j'ai eu la chance d'entendre par un témoignage de parents ayant perdu leur enfant de dix-neuf ans le Jour-J, et bien elle s'applique à moi aussi. Ce que vous devez retenir de tout cela, c'est que mon père a contribué à l'édifice de votre liberté. Il a apporté son bloc à la victoire. Rien qu'en tombant sur les plages le six juin 1944, en donnant sa vie pour des milliers qu'il ne connaissait pas. Il se battait pour la bonne cause, pour la Paix.

the end

dear father, wwii (✓)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant