Chapitre 1 : Mutisme (part 1)

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La faible lumière des lampadaires n'est pas suffisante pour éclairer le chemin. Dans son halo, on peut pourtant apercevoir la neige tomber et épaissir la couche blanche qui s'est déjà créé. Il fait froid. Et noir. Malgré tout, cela lui est bien égal. En sortant de la voiture, Camille traine sur la route qui la mène jusqu'à l'entrée. Elle resserre, sans y prêter gare, l'étreinte de son manteau pour se protéger du vent. Elle aime le froid d'hivers mais elle est perdue dans ses pensées et n'y prête plus attention. C'est à peine si elle lève les yeux vers le bâtiment qui va l'accueillir. Pourtant, il y aurait de quoi l'admirer. Il est imposant.


La bâtisse est en réalité un ancien château transformé en un pensionnat, désormais célèbre de par le monde. Sweet Amoris. Il aura vu bien des futurs directeurs de grandes entreprises, auteurs ou scientifiques en sortir. Sa réputation surpasse les frontières. Ses anciennes briques, ses deux tours, ses nombreuses fenêtres aux vieux châssis, beaucoup les connaissent. Sweet Amoris est grand dans son nom et son architecture. Et ce, même s'il est perdu en Bretagne, dans le vent, les falaises et la nature forte. Là où l'odeur de la mer trouve toujours un chemin pour venir caresser vos narines. Où le souffle est toujours fort et vous chante à l'oreille tandis qu'il emmêle vos cheveux. Là où elle aimerait tant mourir, et non vivre.


Sans même s'en apercevoir, la jeune fille grimpe trois marches et pose la main sur la poignée de l'immense double porte. Un choc électrique la parcourt aussitôt. La poignée est gelée. La nouvelle élève se fige. Elle revient à l'instant présent et atterrit dans cette lourde réalité qui est sienne.


La poignée de sa maison aussi était toujours froide.


Le regard de Camille se vide. Elle baisse la tête, se perd dans ses pensées. Dans la noirceur immonde de son esprit. Aussi obscure qu'une nuit sans lune. Que les ailes d'un corbeau, et que le goudron qui l'y perdra. Malgré tout, des images remontent, refont surfassent. Défilent devant ses yeux, comme si elle y était. Encore.


La porte. La salle à manger. La table. L'éclat rouge.


Un violent sursaut ramène Camille sur terre. Une seconde fois. Cette dernière pousse la porte de toute ses forces et entre en courant. Elle fait claquer celle ci si fort contre le mur où elle rebondit que la jeune fille a l'impression que le château entier a entendu son arrivée. Cependant, après le fracas dont elle est la cause, le hall est d'un calme étrange. Il est complètement vide de monde et il faut quelques instants à la demoiselle pour apercevoir à quoi il ressemble.


Il fait presque aussi sombre que dehors. L'immense entrée est faiblement éclairée par quelques chandeliers accrochés aux murs, allumés par-ci par-là. Les bougies sont bien trop insuffisantes pour un hall aussi grand. Le plafond y est très haut. D'ailleurs lorsque Camille relève la tête, elle croit y voir un lustre qui semble relié à l'électricité. Peut-être la neige crée-t-elle des coupures de courant ? Quoi qu'il en soit, c'est bien égal à la nouvelle de toute manière. C'est vrai, elle est déjà habituée à la noirceur née dans son cœur. Que peut bien faire une ombre de plus ?


Camille s'avance jusqu'au centre du hall et tourne sur elle-même. Il y a beaucoup de cadres accrochés aux murs. Ces deniers ont l'air d'être ornés de moulure d'époque. L'escalier en face de l'entrée est, lui aussi, imposant sans qu'aucun doute ne soit possible. Il est très large et se divise en deux en son sommet après une vingtaines de marches. Il est si difficile pour Camille d'admirer correctement le hall de Sweet Amoris avec si peu de lumière. Mais ce n'est rien. Elle aura bien d'autres occasions, après tout. Pour l'heure le plus important serait de savoir quoi faire. Camille n'a pas ses valises et ne sait absolument pas où on a pu les porter. Elle ne connait rien ici. Sans aide, elle aura bien du mal à se débrouiller dans l'ombre de ces lieux. Un soupir las lui échappe.

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