Prologue

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« Le froid. Le vent. La neige. Tous ces éléments s'entremêlaient dans le pelage de bêtes courant à l'unisson. Leurs yeux luisaient dans la nuit et leurs corps étaient accueillis par l'obscurité qui se faisait mère. Tout leur être dansait avec la nature, ils étaient en harmonie, les uns avec les autres. Une bête au pelage argenté, plus grand et plus fort que les autres, leur montrait le chemin à suivre dans la nuit noire. Ils avançaient avec une détermination sans faille, leurs pattes s'enfonçant dans la neige épaisse.

Une petite grotte creusée dans la roche sombre leur servira d'abris pour cette nuit. Ils s'entassèrent tous à l'intérieur pour être protégés des intempéries qui leur faisaient baisser la tête lorsqu'ils avançaient. Avant de rejoindre les siens, le chef de la meute leva son museau vers le ciel et laissa échapper un long cri, qui se perdit dans la nuit, emporté par le vent. Alors que ce dernier croyait que tous les êtres dont il est responsable étaient entrés dans la grotte, un jeune loup au pelage aussi blanc que la Lune était resté dehors, les yeux fixés droit devant lui. Malgré le vent qui soufflait dans ses longs poils blancs, il ne tressaillait pas. La nuit ainsi que la liberté l'appelaient. Il savait au fond de lui qu'il n'était pas fait pour la vie en meute. Courir, chasser, manger, dormir, hurler ensemble, respirer le même air. Vivre puis mourir avec eux, ce n'était pas pour lui. Il n'était pas de ceux qui suivaient les ordres sans rien dire. Il ne voulait pas qu'on lui dise quoi faire et comment il fallait le faire. Il se sentait capable de prendre des décisions seul, sans l'aide de personne. Depuis quelques temps il avait envie de les quitter, de mener une vie bâtie dans la pierre froide de la solitude. C'était ce qu'il aimait : être seul. Ressentir le silence au plus profond de son être. Mais il n'avait jamais eu l'occasion de le faire. Ce soir, il en avait une et ça serait sûrement l'unique chance de sa vie. Il tourna la tête vers la grotte et il y aperçut à l'entrée la silhouette élégante de sa mère. Un sentiment fort le fit alors douter... Avait-il le droit de l'abandonner ainsi ? Cette dernière le regardait d'un air triste, elle avait compris... Mais elle n'essaya en aucun cas de le dissuader, elle savait aussi bien que lui qu'il n'avait pas sa place ici, qu'il était différent des autres. Il n'avait pas cet esprit de collectivité, indispensable à la survie de la meute. Si son bonheur était ailleurs, qu'il parte à sa recherche.

Il trottina dans la neige jusqu'à sa mère et leurs museaux se touchèrent en guise d'adieu. Ses yeux imploraient son pardon, qu'elle lui accorda sans hésiter. Ils se regardèrent un instant, puis entendant un bruit de pas dans la neige compacte, sa mère lui donna un coup de museau dans l'encolure pour le pousser à partir avant que l'un des autres loups ne le voit. Il fit alors de grands bonds dans la poudreuse qui virevoltait autours de lui telle une pluie d'étoiles et arrivé à la lisière du bois, il se retourna une dernière fois vers sa mère. Puis, avec un pincement au cœur il s'enfonça dans la nuit noire.

Ses pattes le portaient vers un avenir incertain mais qui lui plaisait davantage que celui qui l'attendait s'il était resté. Il ne savait pas où il allait mais peu importait le lieu, pourvu qu'il soit libre et seul. Alors qu'il délectait cet instant de liberté passé dans la nuit froide, l'obscurité de cette dernière lui cacha une crevasse. Ne pouvant la voir, son corps tout entier fut engloutit par ce gouffre sombre. Puis, un cri de terreur déchira la nuit.

Le Loup BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant