Chapitre 4

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    Un craquement qui résonna dans la crevasse fit sortir le jeune loup de son sommeil. Le sang sur son visage avait séché, salissant la blancheur de son pelage. La douleur avait pris possession de tout son être et pourtant il trouva quand même la force de se remettre sur ses pattes. Il leva sa tête blanche et ses prunelles noires vers la lumière qui venait du haut de la crevasse et poussa un hurlement de désespoir. Le son qui sortait de sa gorge était désormais son seul espoir d'être secouru. Un autre craquement se fit entendre. L'animal prit peur et se refugia, les oreilles en arrière, dans l'obscurité de sa prison. Un peu de neige, semblable à de la poussière d'étoiles, tomba d'en haut, donnant l'espace d'un instant un petit caractère magique à ce début de journée. Le loup n'en croyait pas son flaire ; il sentait une présence. Décidé à se sortir de là, il se précipita dans la lumière malgré la peur qui lui nouait le ventre. Il laissa ensuite échapper une succession de petits cris. Puis au bord de la crevasse, il aperçut un autre animal, blanc comme lui. Mais l'intense lumière blanche du soleil l'éblouissait et il ne pouvait voir précisément quel était cet animal, son sauveur. Ce dernier, lorsqu'il posa ses yeux sur le jeune loup, poussa un cri de bonheur. L'animal fit les cent pas devant la crevasse tout en hurlant de joie. Le cri du jeune loup se mêla à celui de l'animal lorsqu'il découvrit que ce dernier était en réalité sa mère. Elle l'avait retrouvé.


Mais la joie d'avoir retrouvé son fils se heurta à la dure réalité. Il était coincé dans une crevasse, seul, gelé, blessé et affaibli. Comment le secourir ? Les hurlements de bonheur se transformèrent en cri de détresse. La louve tournait autour du précipice, cherchant un moyen de rejoindre son enfant. A chaque pas elle faisait tomber un peu plus de neige dans la crevasse. Soudain, elle s'arrêta pour regarder la neige tomber et eut alors une idée. Elle croisa le regard de son fils et il comprit immédiatement. Il recula tout au fond de sa prison de pierre, dans l'obscurité, et laissa faire sa mère. Cette dernière se mit alors à faire tomber autant de neige qu'elle le put. La crevasse n'était pas très profonde et l'endroit le plus proche de la paroi où se trouvait la louve fut rapidement rempli par un tas de neige aussi blanche que la lumière du soleil. Dans un dernier effort, le jeune loup se précipita à vive allure sur la petite montagne de neige puis sauta, ses espoirs reposant désormais sur sa mère. Cette dernière n'hésita pas une seconde. Elle referma sa mâchoire sur la peau du cou de son fils, comme quand il était petit, et utilisa toute sa force pour le remonter. Une fois à la surface, la louve se précipita sur son enfant et roulèrent ensemble dans la neige étincelante. Elle lui lécha le visage ainsi que ses plaies, tellement heureuse de l'avoir retrouvé.

Après ces joyeuses retrouvailles, les deux loups se levèrent et le plus jeune des deux regarda autour de lui, s'attendant à voir la meute. Mais non, sa mère était seule. Mais que faisait-elle seule ici, loin de la meute ? Il interrogea sa mère du regard mais ses yeux furent attirés par une imposante trace rouge sur son flan. Elle avait une horrible blessure en haut de la patte avant gauche. C'est alors qu'il comprit : sa mère avait été bannie de la meute pour l'avoir laissé partir, sans doute par son père, le chef du clan, un loup alpha d'une puissance inégalable mais d'une cruauté sans pareille. La vie dans une meute était très codifiée. Celui ou celle qui enfreignait ce code ne restait jamais très longtemps parmi les autres loups du clan. Il regarda sa mère avec tristesse mais celle-ci approcha son museau du sien et fit ce qu'elle a toujours fait : le rassurer.

Soudain, plusieurs hurlements les firent dresser leurs oreilles et regarder dans la même direction. Leurs flaires s'agitèrent et ils ne mirent pas très longtemps à identifier de qui provenaient ces cris ; il s'agissait du reste de la meute. Ils allaient être là d'une minute à l'autre. Il fallait partir maintenant. Le jeune loup courut aussi vite que ses pattes lui permettaient, pensant être suivi par sa mère. Il jeta un coup d'œil derrière lui et s'aperçut que ce n'était pas le cas. Elle était loin derrière lui et avait du mal à courir. Sa blessure la faisait boiter. Il se précipita alors vers elle mais il était déjà trop tard. Alors qu'il arrivait à sa hauteur, une centaine de loups au regard noir les encerclèrent. Deux contre cent...le combat était perdu d'avance...

Le Loup BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant