Recueil du Temps

Incomplet

Incomplet : n.m. Qui n'est pas complet, auquel il manque quelque chose soit partiel, soit fragmentaire

      Je suis... né à moitié. Depuis le tout début de mon existence, je suis une moitié d'un tout et tout ce que je peux accomplir est, et sera toujours, à moitié. Ne serait-ce que le jour de ma naissance, j'étais a moitié vivant, errant entre deux mondes, la conscience et l'inconscience. Depuis cela, je ne peux qu'user la moitié de mes membres et de mes capacités psychologiques et intellectuelles, ce qui me valu d'être une personne, qualifiée de ''moyenne". 

      Dès lors, j'ai cessé de me voir comme une personne normale et j'ai, inconsciemment, commencé à appeler les gens comme moi des "Incomplets", en opposition à vous, les "Complets". De base, avec nos capacités réduites à ce que nous autorisent nos "légers soucis", nous avons des opportunités futurs, d'un point de vue travail ou autre, largement plus restreintes, et seuls les plus forts et déterminés d'entre nous peuvent osés s'imaginer se hisser à votre niveau, en redoublant de travail et d'acharnement, afin de trouver comment nous pouvons nous faciliter la tâche.

      De la part de la société, et du monde, nous sommes perçus comme des boulets, des gens délaissés, parce que nous vous ralentissons, avec nos "particularités"... Le problème, c'est lorsque nous, Incomplets, nous prenons le dessus, et que nous réussissons, là où vous, les Complets, vous échouiez en boucle, sans trouver une solution à un problème. C'est dans ces moments là, où nous, nous développons nos talents, nos techniques, pour nous surpasser et atteindre quelque chose dont on rêvait et réaliser que nous sommes vos "semblables déficients". Nous en chions tous les jours, et, par essence, nous devenons plus déterminés et plus forts que ce que l'on pouvaient espérer et que vous vous imaginiez.

        Pourtant, cette détermination, nous poussent à devenir, pour certains d'entres nous, des gens diamétralement opposés de ce que nous pouvions être peu de temps avant. Comme, par exemple, être gentil, doux, attentionné et altruiste envers les gens, et à cela vient s'ajouter, avec le temps, un soupçon de violence et de haine envers ceux qui ne te considère pas ou ceux à qui tu tiens... Là est le dilemme de certains d'entre nous : sacrifier de son humanité pour pouvoir espérer avancer, ou rester tel que l'on est et ce faire marcher dessus.

        Pour moi, cette candeur, à vite disparu lorsque, étant en primaire, j'ai appris que la vie était dur comme leur poings et qu'il fallut, au dépit de mon humanité, passer de proie, à chasseur pour finir comme prédateur. Dès lors, un long, mais visible changement c'est opéré en moi, changeant cette faible candeur, en une carapace indestructible, et résistante aux blessants mots des enfants, mais surtout des adultes, plus durs et violents que ceux qu'un simple gosse peut dire, en espérant faire marrer ces potes. La loi du plus fort c'est, malheureusement, installée en moi comme une évidence... à moitié en accord avec mon attitude... Encore à moitié...