Chapitre 6: Taylor

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Attablés devant un petit déjeuner préparé par le jeune homme, les deux jeunes adultes se défiaient du regard, la gêne de la scène précédente se répandant dans la pièce aussi certainement qu'elle s'inscrivait dans leur mémoire. Ce ne fut qu'après s'être installée qu'Atlas s'aperçut qu'elle était morte de faim. Curieuse d'observer le régime alimentaire des habitants de la Surface et désireuse de se remplir l'estomac, elle parcouru longuement l'intégralité de la nourriture devant elle, s'étonnant devant les emballages colorés et souriant à la vue des mascottes qu'arboraient les paquets de céréables avant de se rabattre sur le seul aliment familier qui lui passait à portée de main: une unique pomme rouge.

Les lèvres de Taylor se fendirent en un sourire lorsque la jeune femme croqua dans la chair acide et, soucieux de l'image qu'il se devait d'arborer, il lança avec une fierté à peine dissimulée:

- Elle te plaît? Cette pomme provient de mon pommier personnel!

Perplexe devant la joie qu'éprouvait cet homme à cultiver de simples pommes mais remplie de la gratitude combinée de l'hospitalité de Taylor et de ses efforts pour combler le silence au combien pesant, elle acquiesça, désireuse de faire bonne impression devant son hôte.

- Elle est vraiment délicieuse, merci beaucoup. Tu es donc un Agrien... un agriculteur? proclama-t-elle, heureuse de connaitre l'appellation du métier du jeune homme

- Exactement, j'ai hérité de cette ferme et de ce terrain à la mort de... Enfin ce n'est pas important. s'interrompit-il, paraissant anxieux tout à coup

Intriguée, la jeune femme hésita mais le poussa finalement à lui en dire plus.

- Non, je... Enfin ça me parait être un sujet intéressant si en parler ne te dérange pas... balbutia-t-elle, retenant son souffle

Il lui lança un regard teinté de soupçons mais trancha finalement pour une expression plus chaleureuse avant de poursuivre:

- J'ai hérité de la ferme familiale après la mort de mon père adoptif. Oui, je suis orphelin. poursuivit-il, encouragé par l'air empli d'intérêt d'Atlas. J'ai été abandonné par mes parents alors que je n'étais âgé que de quelques mois sur le palier des Mercey. C'était un charmant couple sans enfants, mais le mari est mort lorsque j'étais âgé d'une vingtaine d'années. Un évènement tragique, crois moi. C'était un homme exemplaire: bon, soucieux du bien-être des autres, doux. C'est lui qui m'a fait don de la ferme qu'il tenait de son père. Il m'a toujours considéré comme son fils. Et à défaut de pouvoir lui rendre service, je lui ai juré sur son lit de mort que je prendrais soin de ma mère adoptive. Elle est restée forte et indépendante avec l'âge et s'est acheté un appartement non loin d'ici avec son héritage. Je lui rends visite plusieurs fois par semaine, en essayant d'être fidèle à ma promesse. C'est une femme formidable elle aussi, étonnamment brave... D'ailleurs je comptais la voir avant de te conduire à l'hôpital si évidemment tu n'y vois pas d'objection...

Son regard lâcha le plafond pour se fixer sur les prunelles de la jeune fille. Puis ses joues s'empourprèrent et il se maudit intérieurement d'être assez seul pour conter sa vie à la première venue. Consciente de son embarras, Atlas s'approcha de lui avec un sourire compatissant.

- Merci de m'avoir raconté tout ça Taylor, c'est une histoire vraiment touchante. Je te comprends tu sais? Je suis aussi orpheline et... Enfin disons que je comprends ce que tu peux ressentir.

Le visage de Taylor s'éclaira puis pris une expression de profonde gêne.

- Excuse moi, je ne voulais pas... Après ce monologue, tu serais d'accord pour me raconter... Enfin ton propre parcours? S'il te plaît?

Se moquant gentiment de l'embarras du jeune homme, Atlas hocha la tête pour montrer son accord, tentant tant bien que mal d'omettre les parties trop compromettantes pour être divulguées au grand jour.

- C'est... compliqué. Mes parents sont morts lorsque j'avais 7 ans et je... J'ai été placée en orphelinat avant d'être adoptée par une famille incroyable, les Scheffer. Ils avaient déjà un fils, Duncan, un peu plus âgé et avec qui je m'entendais très bien alors... Disons que j'ai eu beaucoup de chance. Et pour ce qui est du travail et bien... Je suis journaliste.

Elle vit qu'elle avait éveillé la curiosité de Taylor.

- Oh, tu écris des articles alors? Dans quel journal?

Atlas se repris immédiatement.

- Une simple revue locale, aucun intérêt. dit-elle, balayant la question d'un revers de main

Il acquiesça mollement, le regard toujours plus ou moins emprunt de suspicion.

- Et donc tu vis encore chez tes parents ou est-ce que tu as un appartement ou une maison pour toi seule... Ou avec quelqu'un?

Il tenta d'aborder la question d'un ton dégagé mais la lueur dans ses yeux trahissait l'attention qu'il portait à la réponse de la jeune femme.

- Je vis seule dans la maison que j'ai héritée de mes parents. Elle se situe... Dans un pays étranger. Loin d'ici. Je suis venue ici avec des amis pour un simple voyage mais j'ai dû m'égarer et c'est là que tu m'as trouvée. Je n'ai que peu de souvenirs à cause de... Tu sais? Ma tête. justifia-t-elle avec un petit sourire d'excuse, prise de remords à l'idée de mentir à l'hôte qui s'était montré si franc et amical avec elle

Ce dernier ne sembla absolument pas s'être laissé convaincre par ses arguments mais alors que déjà l'incertitude tentait de se faire entendre il la fit taire d'un haussement d'épaules.

- Ouais heu... D'accord. Ne t'inquiète pas pour tes amis, si ils sont à ta recherche, ce dont je ne doute pas, l'hôpital sera le premier endroit auquel ils penseront. Nous devrions nous mettre en route dès maintenant d'ailleurs si nous voulons avoir le temps de rendre visite à ma mère adoptive avant. Pardonne moi de t'embarquer là-dedans mais je pense que rencontrer une nouvelle personne pourrait lui faire du bien. Et surtout, j'ai des affaires à traiter en ville alors... Bref, ça me rendrait vraiment service que tu le fasses, Atlas. Si tu n'y vois pas d'inconvénients évidemment.

Atlas lui offrit un sourire éclatant en guise de réponse.

- Je te le dois bien, cela va de soi.

Il lui rendit son sourire et lui indiqua un petit monticule de vêtements composé d'une simple chemise noire et de boots lui appartenant, d'un legging qu'il avait retrouvé et qui était très certainement la propriété d'une fille de passage.

- C'est pour toi. J'ai pensé que tu apprécierais de ne pas garder tes vêtements déchirés. Excuse moi, ils te seront certainement trop grands mais... J'ai fait de mon mieux... s'excusa-t-il avec douceur

Profondément touchée, Atlas le remercia avant de se diriger vers la pièce que Taylor lui indiquait. Elle triompha du mécanisme complexe de la douche, quasi identique à celui des Souterrains, avant de s'habiller en vitesse. Elle sourit à son reflet dans le miroir: le jeune homme avait raison, ses vêtements étaient légèrement trop grands mais elle s'y accoutumait sans peine.

Le trajet fut bref mais riche en plaisanteries, fous rires et autres frasques en tout genre. Atlas ne manquait pas une occasion de se moquer gentiment de son hôte et ce dernier lui rendait au centuple, l'inondant de plaisanteries politiquement incorrectes que la jeune femme peinait à comprendre pour la plupart, usant de son statut d'étrangère pour se justifier ce qui ne faisait que redoubler l'hilarité de Taylor.

Arrivés à destination, ce dernier se gara dans l'allée, frappa trois coups à la lourde porte en bois d'ébène et attendit. Enfin, passées les quelques secondes que durèrent leur attente, la porte s'ouvrit sur le visage rayonnant de Cara Mercey.

SouterrainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant