Souterrains

Chapitre 4: Ewen Kamer

La nuit fut longue et difficile pour Atlas: elle fut torturée par des cauchemars où elle se voyait tantôt poursuivie par un monstre sans visage, tantôt perdre ses cheveux et ses dents. L'interview se déroulait "dans la mâtiné", avait précisé Luisa, et Atlas qui était habituellement très ponctuelle se trouvait particulièrement imprudente de ne pas avoir réclamé une heure précise. Elle se prépara mécaniquement, lavant ses longues boucles brune et maquillant légèrement ses grands yeux azur. Elle enfila sa tenue la plus professionnelle et après avoir noué sa chevelure en un chignon impeccable s'approcha de la porte avec un bâillement à peine retenu. La porte s'ouvrit et Atlas poussa un petit cri en tombant nez-à-nez avec les immenses prunelles dorées d'Hana.

- Atlas! Désolée de t'avoir fait peur. J'ai été chargée de t'accompagner au QG. Ewen sait que nous sommes amies, cet homme est au courant de tout. Il est brillant, tu verras. Je suis persuadée que vous vous entendrez à la perfection.

Hana adressa un clin d'oeil à l'intention de sa meilleure amie, mais elle se rendit compte que l'expression de celle-ci n'était guère propice à la joie.

- Duncan s'en veut pour hier. Il me l'a dit. Il a dit aussi que les opinions politiques ne devaient pas nous diviser. Et qu'il t'aimait. déclara-t-elle avec délicatesse

- Tu parais bien au courant de ce que dis Duncan. Combien de temps avez-vous parlé de moi pour qu'il en vienne à ces confessions?

Le ton d'Atlas était glacé, sans appel.

- Et bien... Un certain temps, mais il l'a dit. Allez, crevette, ne sois pas fâchée. C'est un instant décisif pour ta carrière. Tu dois assurer aujourd'hui. Je suis persuadée que tu en es capable.

- Depuis combien de temps est-ce que tu l'aimes? interrogea brusquement Atlas d'un ton calme, presque flegmatique

Le visage de son amie se couvrit de plaques rosées et elle prit une grande inspiration.

- Depuis la soirée chez Liza il y a cinq ans. Tu te souviens?

Même Atlas ne put s'empêcher de sourire en repensant à cette soirée. Ils étaient alors âgés respectivement de 16 et 17 ans et l'ambiguïté de la relation que ses deux amis entretenaient était à son apogée. Hana venait de rompre avec son petit ami de l'époque, Bolt. Ce dernier avait passé toute la nuit à poursuivre inlassablement la jeune fille, la menaçant de faire usure de l'influence de son père pour rendre sa vie impossible. Mais lorsqu'un flot d'insultes toutes plus injurieuses les unes que les autres avaient jaillies de sa bouche, Duncan qui possédait déjà une musculature avantageuse et une solide réputation s'était tourné vers lui avec un visage de marbre et le coup était parti sans que quiconque ai eu le temps de protester. Il avait ensuite entrainé les deux amies au dehors sans un mot et plus personne n'avait reparlé de cette histoire. Le seul souvenir qui en restait était le nez tordu de Bolt suite à la casse de celui-ci.

- Oui, je m'en souviens. En route.

Hana contempla sa meilleure amie avec un sourire emprunt de reconnaissance et la guida jusqu'au siège de post tenebras qu'elle atteignirent sans encombre.

- C'est ici que je te laisse crevette. Bonne chance, je suis persuadée que tu t'en sortiras à la perfection. glissa la jeune femme à l'oreille d'Atlas

Les deux amies s'étreignirent et Atlas pénétra dans le bâtiment, son cœur torturé entre l'impatience et l'appréhension battant à tout rompre. Elle se dirigea vers l'accueil où un jeune homme au visage avenant et au regard émeraude contemplait le mur derrière elle, perdu dans ses pensées. Son badge indiquait qu'il se nommait Elysee.

- Bonjour, je suis Atlas Everwood, journaliste aux Chroniques des Souterrains. J'ai rendez-vous avec monsieur Kamer dans la matinée.

- Bien sûr, mademoiselle Everwood. Monsieur Kamer m'a indiqué qu'il vous recevrait dans son bureau dès votre arrivée, suivez-moi je vous prie.