Chapitre 12

69 10 0
                                    

Louis

     Je ne peux plus me permettre de lui parler. Je risquerais de recroiser Alex. Et je ne le veux pas. Je dois mettre une croix sur le semblant d'amitié que j'avais commencé avec Allison.
J'espérais qu'elle ne soit pas là aujourd'hui, pour je ne sais quelle raison, il aurait pu se passer tellement de choses pour qu'elle ne soit pas présente. Mais pourquoi je veux absolument qu'elle ne soit pas là au juste ? Je n'ai juste à ne pas lui parler. Idiot.
Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit. En vérité, je me demande si j'ai dormi, ne serait-ce qu'une demi-heure ? Je n'en suis même pas sûr. J'ai passé ma nuit à me ressasser de vieux souvenirs... de vieux démons. Mes souvenirs sont devenus des démons, des vrais. J'avais tourné la page sur cette vieille histoire, notre vieille histoire. Enfin... je pensais l'avoir tournée, évidemment pas entièrement, ça me semble impossible. Mais peut-être ne l'ai-je pas du tout tournée ? Je me voilais peut-être la face, je n'en sais rien.
     Il est dix sept heures et je n'ai adressé la parole à aucun de mes collègues, y compris mon père. Juste aux clients, et c'était vraiment le minimum vital.
C'était une journée assez chargée, et comme tous les jours, nous avons épuisé nos stocks de café. Chose que je ne comprends absolument pas. Je déteste le café.
Je me dirige vers la sortie avant de repenser à une question qui tourne en rond dans ma tête depuis ce matin. Je fais alors demi-tour et pars dans la direction de mon père.

- Papa ?

Il se retourne avant de me répondre.

- Oui ?

- Quand part-elle ?

- De qui tu parles ? me répond-il les sourcils froncés.

Alors qu'il finit tout juste sa phrase, j'entends des pas résonner derrière moi. La seconde d'après, Allison se tient près de nous.

- Je m'en vais Monsieur Baker, bonne soirée.

- Merci Allison, à vous aussi.

Elle se retourne et ses yeux rencontrent les miens, le temps d'une demi-seconde. Ils ont un si beau bleu. À quoi tu penses Louis exactement ? Merde. Je redonne mon attention à mon père qui attend toujours ma réponse.

- Elle, je réponds, en la regardant s'éloigner.

- Allison ? Euh, je ne sais plus exactement quand s'arrête son contrat. Si je fais confiance à mes souvenirs c'est jusqu'à mi-juillet. Pourquoi ?

C'est une blague. Nous ne sommes qu'en mars.
Je ne prends pas la peine de lui répondre et me dirige vers le bar, prends un Frappuccino aux fruits rouges et finis par enfin sortir. Ça fait chier qu'on ne serve pas d'alcool dans ce magasin.
Je termine tout juste mon Frappuccino, et le jette dans la poubelle qui se trouve à côté de moi.
Je finis par enfin monter sur ma Suzuki GSX-R 1000, mon petit bijou. Je ne le dirai jamais assez, mais ce noir mat me fait de l'effet.
Avant de rentrer chez moi, je dois passer à l'atelier de lutherie pour récupérer ma guitare. J'ai décidé de rejouer il y a peu, et une des cordes était cassée.
Après l'avoir récupérée, je vérifie qu'elle est bien tenue dans sa housse et l'enfile sur mes épaules avant de monter à nouveau sur ma moto.
Je viens de me garer devant l'immeuble après quelques minutes de route. Je sors mon badge et ouvre la porte.
L'ascenseur s'arrête à mon étage, j'en sors et croise Liam, un gars qui vit ici depuis longtemps, il est cool, ça nous arrive de faire des soirées ensemble pour regarder le football ou le rugby.
Après avoir discuté quelques instants, je viens d'entrer dans mon appartement.
Je m'arrête sur le seuil. Je scrute tous les détails de cet appartement. C'était notre appartement. Il n'en reste plus rien. Les murs sont blancs, les meubles sont noirs. Ce n'est plus comme ça l'était avant. Il y avait de la vie, de la couleur, beaucoup trop de couleur à mon goût mais d'après elle, c'est ce qui faisait le charme de notre petit cocon. Quand elle est partie j'ai tout retiré, absolument tout, toutes les photos qui trônaient sur les murs, toutes les couleurs, j'ai changé tous les meubles. Je n'ai absolument rien laissé. Les seuls souvenirs d'elle qui ne sont pas rangés dans un carton sont nos alliances et notre toute première photo qui sont dans le tiroir de ma table de chevet. C'est la photo que nous avions fait le soir de mon anniversaire. Ce soir où elle m'a embrassé.
Voir Alex n'aura été que néfaste pour moi. Je ne cesse de penser à des souvenirs que j'avais enfoui au plus profond de moi pour pouvoir avancer.
J'arrête de repenser à tout ça et me dirige vers la cuisine. Je mets une pizza surgelée au four, je n'ai pas la force de me lancer dans une préparation de repas maintenant.
Il est à peine dix-huit heures quand j'entame ma pizza. Je lance un film et me contente de le regarder dans le silence.
Mon téléphone est en train de sonner alors que je mets mon assiette au lave-vaisselle.
Un appel d'Anna. Je sais déjà pourquoi elle m'appelle.

« - Allo Louis ?

- Ouais qu'est-ce qui a ?

- On pourrait se voir ce soir ? »

Anna est une fille avec qui j'ai fait l'amour bien plus d'une fois. J'ai cru plusieurs fois qu'elle voulait plus de moi, à savoir : une histoire d'amour. Mais il s'est avéré que non. Rien de plus que du sexe entre nous. Mais je n'ai absolument pas la tête à ça ce soir.

« - J'en ai pas envie ce soir Anna, une autre fois.

- Dommage, j'étais plutôt partante moi. Tu vas bien Louis ?

- Ouais ça va, je te laisse, bonne soirée, salut. »

Je ne lui laisse pas le temps de répondre et raccroche. Je n'ai aucune envie d'avoir une conversation avec qui que ce soit ce soir.
Après quelques minutes à rester immobile dans mon canapé, je finis par me lever et prendre la housse dans laquelle se trouve ma guitare. Je la sors et la place sur mon genou. Mes mains sont placées sur les cordes et entame le rythme de "Let it go" de James Bay. Une de mes musiques favorites. Bien que ce ne soit pas une musique très joyeuse, c'est celle-ci que j'ai en tête pour le moment. Sans réfléchir, je me mets à fredonner les paroles. Puis d'un coup ma voix emplie la pièce.

[...] Why don't you be you
And I'll be me.
Everything's that's broke
Leave it to the breeze
Why don't you be you
And I'll be me.

Play Before LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant