Chapitre 10

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Louis

Oh merde. Alex. Allison vient de l'embrasser ou j'ai rêvé ? Alex sort avec Allison ? Comment est-ce possible ? Merde.
Nous sommes là, à nous fixer pendant un long moment, on ne se dit rien, mais c'est le genre de rien qui signifie tout. Il a un regard mauvais, le mien ne l'est pas, enfin je ne crois pas, je ne suis ni énervé, ni triste, je ne contrôle pas vraiment l'émotion qui m'envahit.
Alex est... enfin, était ? Comment dois-je dire ? Alex était le frère de Léa. Mon unique amour.

Le premier jour où j'ai croisé le regard de Léa, elle portait une chemise blanche avec un pull bordeaux par dessus, un jean noir et des converses noires. Je n'avais jamais vu une fille aussi belle, avec une tenue qui paraissait scolaire, de toute ma vie. Elle était magnifique et dès le premier regard je m'en étais rendu compte. Je me souviens qu'elle n'aimait pas beaucoup la vie, elle ne paraissait pas méchante, juste très triste.
Nous nous étions vu plusieurs fois, et une fois j'avais remarqué sur ses converses, une écriture : « Life sucks, or it's me ». À partir de ce jour-là, je n'ai plus jamais voulu la quitter, je voulais l'aider de mon mieux, je voulais qu'elle vive, qu'elle soit heureuse et qu'elle profite de la vie. Je voulais lui montrer ce que la vie pouvait apporter de bien.
Je l'avais aidé pour ça. Ça n'avait pas été simple, elle était têtue et s'accrochait à son idée que la vie était nulle et morose. Ce qui n'était pas le cas. La vie était belle à cette époque. Elle était là, près de moi. Elle n'avait aucun ami, et n'essayait pas d'en avoir, ça ne l'intéressait pas... Tout ce qui l'intéressait c'était les romances qu'elle lisait. Elle était seule, et je ne voulais plus qu'elle le soit, plus jamais. Elle méritait de connaître le bonheur. Je l'avais emmené manger avec mes amis et moi un midi, ils s'étaient bien entendus. C'est vraiment à partir de ce jour qu'elle a commencé à reprendre goût à la vie, elle rigolait un peu plus.
Notre premier baiser aura été le jour de mes seize ans. Elle m'avait chuchoté timidement à l'oreille que c'était son cadeau. Et je lui avais répondu qu'elle était la plus belle chose qu'il me soit arrivé. Elle m'avait alors souri, alors qu'elle n'en avait pas l'habitude.
À ses vingt et un an j'ai voulu faire d'elle ma fiancée. Je me suis mis à genou et lui ai passé la bague au doigt. Elle voulait un énorme mariage, elle voulait montrer le bonheur que la vie lui avait finalement donnée. Nous devions nous marier quand nous aurions eu vingt six ans. Elle voulait avoir le temps de tout préparer dans les moindres détails. J'étais admiratif et je la laissais faire, je la regardais parfois s'énerver pour des choses futiles, ça me faisait rire, elle me faisait rire. Un jour elle m'avait demandé « On devrait mettre tagada ou des dragibus ? », je lui avais répondu que ce n'était pas important mais elle avait finalement décidé qu'on prendrait les deux. Elle me faisait vraiment rire. Elle était spontanée. Et était devenue si joyeuse. Je l'aimais encore plus que la vieille mais bien moins que le lendemain. Encore plus que la première fois où je l'avais aperçu, pourtant Dieu sait à quel point je l'aimais déjà.
Elle était si obnubilée par les préparatifs qu'il nous arrivait de nous disputer à propos de ça.
L'année de ses vingt trois ans venait de s'achever, c'était un samedi matin, elle était en train de s'énerver sur moi parce qu'elle ne trouvait pas le ton de bleu qu'elle voulait pour les tables. Il lui arrivait d'être méchante dans ses paroles, elle l'avait été ce jour-là, la plupart du temps j'arrivais à garder mon calme et la calmer elle aussi. Mais cette fois-là, je venais de terminer une semaine de travail qui avait été difficile et fatigante. Je n'ai pas réussi à garder mon calme et nous nous sommes disputés. Elle était si en colère qu'elle avait décidé de partir chez son frère... Alex. Si j'avais su qu'elle n'arriverait jamais chez lui, je ne l'aurais jamais laissée partir... Quand j'ai reçu un appel de la police qui m'informait de ce qui c'était passé, j'ai cru mourir avec elle. Elle était rentrée dans une voiture et avait fini par faire des tonneaux... L'endroit où s'était produit l'accident ressemblait à une scène de film, c'était tellement improbable. Jamais je n'aurais cru possible qu'une voiture puisse se retrouver dans cet état. Ce jour-là j'ai perdu une grande partie de ma joie de vivre. J'étais devenu comme elle avant notre rencontre.
Pendant des mois et des mois, j'ai été anéanti. J'ai perdu mon travail. Et je n'aurais jamais pu penser qu'on puisse être à ce point hanté par une voix, par des yeux, ou encore par des mains. Je ne vivais plus. Puis un jour j'ai décidé que j'allais me reprendre en main, que j'allais revivre, pas forcément de la même manière, mais j'allais revivre. Je suis allé sur sa tombe et je lui ai dit tout ce que j'avais sur le coeur.

Léa, Je suis venu te dire adieu. Beaucoup de gens t'aimaient, j'en suis sûr, mais tout leur amour réunit ne faisait pas le poids du mien. Ce n'est pas prétentieux. Juste réaliste. Tu étais mon guide, ma meilleure amie, ma confidente, la femme de ma vie. Nous étions si fusionnel toi et moi, pourtant nous étions deux opposés, tu ne croyais pas en la vie, contrairement à moi qui l'adorait. Je croyais en toi, alors que tu te sous estimais constamment. Je croyais en toi pour deux. Tu me connaissais par coeur, le pourquoi de mon trop plein d'énergie, de mon trop grand sourire. Je me confiais rarement mais quand à trois heures du matin, je te réveillais pour parler, tu étais là pour m'écouter. Tu m'avais appris un tas de choses. Tu m'avais préparé à beaucoup de choses. Mais pas à vivre sans toi. Mais aujourd'hui je veux revivre. Malgré la difficulté que j'ai de parler de toi au passé. Je vais te laisser partir aujourd'hui et arrêter de me morfondre. Mais tu resteras mienne pour toujours.

C'est ce que je lui avais dit ce jour là, je m'en rappelle comme si c'était hier. Ce jour a été libérateur et très dur à la fois. Dire au revoir était très difficile. Mais il le fallait pour que mon deuil avance.
J'ai fini par tourner la page, malgré nos alliances qui sont toujours dans le tiroir de ma table de chevet. J'ai fini par ne plus m'attacher et coucher avec des filles différentes toutes les semaines. C'est si prévisible, un homme qui perd sa fiancée et finit par baiser dans tous les coins. Je suis pitoyable quand j'y pense.

- Allô Louis ? Tu m'entends ?

Allison me tire de mes pensées, elle secoue sa main devant mon visage. Merde, ça fait combien de temps que je réfléchis seul ?
Alex me regarde toujours. Il pense toujours que c'est de ma faute si elle est morte, je le vois dans son regard. Au fil des années, j'ai réussi à me convaincre que je n'y étais pour rien... C'est arrivé parce que ça devait arriver. Je n'y peux rien... N'est-ce pas ?
Je ne prends pas la peine de répondre quoi que ce soit à Allison et me précipite vers la sortie.
Sans m'en rendre compte, je suis arrivé à un parc dans le centre-ville.
Merde, le passé revient toujours à la charge.

Play Before LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant