Insomnia

Syndrome de la page blanche

Me vint d'un coup une idée meurtrière :
Celle d'écrire une poésie légendaire !
De celles qui transforment les âmes amères
En farouche guerrière de l'industrie littéraire.

Sur la page blanche les mots scintilleraient
D'un éclat, d'une lumière au grand jamais égalés.
Si ce n'est par l'éclat d'un diamant magnifié,
Si ce n'est par les étoiles de l'univers s'il vous plait !

Je les voyais au galop les mots chevaliers
Chevauchant les Idées dans leurs joutes effrénées.
Coups d'épée, boucliers, j'étais prêt et armé ;
J'allais l'faire c'est décidé, j'étais, ma foi, bien motivé !

Quand, d'un coup, le drame survint : et oui, la muse s'éteint...

Dans cette pénombre la page se vida de toute son encre et
Mes idées s'en allèrent du port où elles étaient ancrées...
Face au syndrome de la page blanche je persévère
Malgré que, dans le vide des mots, le poète perd ses vers

J'écrivais une Odyssée tout en priant Homère
Assis dans un cheval de Troie, l'esprit amer
J'attendais d'entrée dans cette forteresse inhospitalière
Qu'est l'Inspiration, utérus d'idées d'une ingrate mère...

Dans mon fauteuil, madeleine à la main, j'invoquais Proust,
Cherchant un souvenir épique, une histoire onirique.
Mais je ne sentais que le goût de la pâtisserie amnésique,
Me renvoyant d'un geste de main, s'écriant indignée « oust ! »

Que devais-je faire face à mon terrible dessein ?!

Les Anges insolents contemplaient mon destin
Chuchotant dans les cimes, chantant la mort du divin.
Sous leur chœur harmonieux, j'observais les cieux
Où ces êtres hideux s'extasiaient sous mes yeux.

Ne trouvant plus d'inspiration dans l'éther
Je me penchai vers les profondeurs de l'enfer.
Pactisant avec le diable comme Faust avant moi
Méphistophélès comme muse, je cherche ma voie.

Mais rien n'y fait, je n'accouche que de démons.
Maintenant je le savais, l'enfer n'a rien de bon...
Dans mes incantations, c'est l'imaginaire qui est mort
En même temps que mon âme...j'abandonne sans remords.