Si on considère qu’une chose parfaite n’existe pas, on se rend bien vite compte que ces passages à travers les histoires ont aussi certains inconvénients.
La colère des personnages rebelles est un problème primordial.
Vous savez, il existe bien des personnages qui n’aiment pas la fin de leur histoire. Dans ce cas, ils feraient tout pour en changer le cours.J’ai eu vent de l’histoire d’un personnage, une fois. Je ne sais pas comment, mais le courant des rumeurs avait porté jusqu’à lui la nouvelle du passage entre l’histoire et votre monde.
Il s’était alors mis en tête de trouver ce passage afin de rencontrer l’auteur de son histoire. Il voulait pousser son écrivaine à changer ses mots, changer sa fin.
Il a alors cherché pendant très longtemps le moyen de sortir de son histoire.Un jour, il s’est décidé à faire quelque chose qu’il n’avait jamais réussi depuis sa fin.
Il avait pris un bateau et avait navigué sur les flots.
Il avait traversé mers et océans afin de trouver la moindre once de vent.
Il tenait un drapeau bien droit en l’air et attendait qu’une quelconque brise le soulève.Lorsqu’il trouva enfin le vent, au fin fond d’un désert de bleu turquoise, il plongea. Il se laissa porter par des vagues déchaînées. L’écume frôlait son visage, s’infiltrait en lui. Puis, dans un tourbillon d’eau salée, il se laissa couler vers le sable très loin de la surface.
Ses poumons le brûlaient mais il savait qu’il ne mourrait pas. Il savait que cette fois-ci, il réussirait.
Plus tard, il se réveilla, échoué sur une plage de votre monde. Ne se souciant pas qu’il était couvert de sable, il se leva et commença son chemin. Il avança dans les rues d’une ville qu’il semblait connaître mais qui était aussi complètement différente de la sienne. Il avait conscience d’avoir vécu son enfance dans des ruelles tout à fait semblables à celles-ci. Pourtant, ce n’était pas exactement les mêmes. Ce n’était pas le même monde.
Le vent le guida jusqu’à ce qu’il cherchait. Ou, plutôt, celle qu’il cherchait.
Lorsque l’auteure le vit, elle le reconnu immédiatement. C’était comme de voir son enfant pour la première fois. Ils avaient tous les deux environ le même âge, mais un instinct maternel avait saisi l’écrivaine. C’était lui. Son personnage. Exactement comme elle l’avait imaginé. Elle comprit aussitôt pourquoi il était là. Car elle le connaissait.
Il n’eut pas besoin de se présenter. Il lui demanda simplement :
« Je ne veux pas de cette fin. Je la hais. Vous avez tué votre personnage. Changez-la. »
Hélas, l’écrivaine ne le pouvait pas. Cela lui était impossible de changer son histoire à présent. Lorsqu’elle l’annonça à son personnage en face d’elle, il ne compris pas.
Alors, elle décida de lui montrer quelque chose. Il la suivit à travers quelques rues, jusqu’à atteindre une petite boutique. Une librairie.La femme derrière la caisse salua l’auteure lorsqu’elle entra. Ils s’enfoncèrent dans les rayonnages du magasin. La traceuse de mot avait l’air de savoir exactement où elle se rendait. Elle s’arrêta enfin devant une large bibliothèque remplie de livres. Elle sortit un petit roman de poche. Le vent sur la mer.
«Le voici. C’est ton livre. Ton histoire.»
Le personnage n’en revenait pas. Soudain, cela prenait une allure plus réelle. Il saisit les pages entre ses mains et commença à les feuilleter.
Il se reconnu à l’intérieur. Puis, il la reconnut. Il revivait leurs paroles échangées. Des larmes semblables à l’écume de l’océan roulèrent sur ses joues. Puis, il arriva à la page fatale. La pire de tout le roman.
« Il suffit d’arracher cette partie du texte et de la remplacer. C’est simple, dit-il d’une voix tremblante. »
L’écrivaine hocha négativement la tête.
« Ce n’est pas si simple. L’histoire a été écrite comme cela. Mais, contrairement à ce que tu pourrais croire, elle ne s’arrête pas à la fin de ces pages. La preuve tu es là, en face de moi. »
Une jeune fille entra dans le rayon et commença à s’intéresser à un étalage, à la recherche d’un trésor.
L’auteure lui jeta un coup d’œil, puis se retourna face à son personnage et continua :« Vois-tu la fille là-bas ? Elle connait ton histoire. Elle l’a lue. Je lui ai déjà parlé. Elle l’a adorée.
- Alors elle adore le tourment, la tristesse et la colère.
- Non. Elle ne croit pas que tu fini ta vie à broyer du noir. Elle s’est imaginé que tu rencontrais quelqu’un dont tu tomberais amoureux. Tu aurais des enfants. Tu n’oublierais pas le passé mais continuerais, finalement heureux. La joie reviendrait encore. Bien sûr, ce n’est sans doute pas comme cela que ta vie se poursuivra. Mais c’est à toi de décider. Soit tu t’arrêtes et tu vivras pour toujours à la fin du texte. Soit tu continues et tu décides de prolonger ta vie hors des lignes. »
Le personnage ne compris pas tout de suite les paroles de sa créatrice.
Il sortit et marcha pendant de longues heures, méditant ce que lui avait affirmé son écrivaine.
Il regagna l’océan où le vent soulevait ses cheveux.
Il regarda l’horizon, la ligne entre le ciel et la mer. Là, il comprit.
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Fin ?
Short StoryFin. F. I. N. C'est ce que, pour les uns, êtes habitués à lire à la fin des histoires, et pour les autres, êtes habitués à écrire à la fin des histoires. Qu'est-ce que vous croyez qu'il se passe après ce mot ? Que c'est fini ? Qu'il n'y a plus...