Panique ou calme.

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La sonnerie retentit et Izuku s'apprête à entourer mon cou de son bras, tout excité par sa nouvelle, mais je recule d'un pas, la tête de nouveau baissée pour esquiver sa joie et ses yeux pétillants. Il paraît surpris. Je le rassure en lui disant que je vais faire un tour aux W.C. avec un sourire et je tourne les talons, me retenant de détaler comme un lapin apeuré devant un chasseur. Je ne sais pas comment j'ai fait pour sourire devant lui et lui balancer une de mes blagues dénuées de sens avant de partir, mais j'ai fait fort. Je marche le plus normalement possible pour atteindre le tournant du couloir, je ne veux pas craquer, pas maintenant, il risquerait de me voir, de m'entendre ou de s'en douter. Je prends un air naturel et dés l'angle passé, j'arrête mes pas, attendant je ne sais quoi. Je suis perdu. Uraraka. J'en ai déjà entendu parler, vaguement, par Izuku et ils ne semblaient pas si proches. Uraraka Ochako, de son vrai nom. Comment est-ce que ça a pu arriver ? Sous mon nez, si près de moi. Pourquoi ? Depuis quand ? Je ferme les yeux, retenant du mieux que je le peux les larmes qui menacent de dévoiler mes émotions. Je me sens trahi, blessé, perdu. Je ne me suis rendu compte de rien. Je n'ai absolument rien vu. Une main se pose sur mon épaule et lorsque je regarde en face de moi, je reconnais Zero, qui semble plus qu'inquiet. Il me demande si je vais bien, mais je suis incapable de lui répondre, tant la boule qui me prend la gorge est énorme. Je me contente de lui adresser un maigre sourire avant de sentir une perle d'eau rouler sur ma pommette, pour finir son chemin dans le col de mon sous-pull. Son expression se décompose et avant qu'il n'ait le temps de poser ne serait-ce qu'une question, je fais un pas devant l'autre, jusqu'à ce que je me mette à courir. J'entends mon prénom crié dans l'allée mais je ne m'arrêterai plus. J'ai besoin de ça, de ressentir autre chose qu'une douleur mentale.

Je ne comprends pas. Pourquoi elle ? Cette Uraraka. Il m'avait pourtant dit qu'elle était froide, très peu souriante, et trop concentrée sur ses études. Comment est-ce possible ? Elle ne semble aimer personne, n'a pas vraiment d'amis, et Deku se demandait si elle savait au moins parler. Je constate qu'ils ont fait du progrès pour sortir ensemble, et il ne m'en a jamais parlé. Pas une seule fois. Qui suis-je pour lui ? D'habitude, il me raconte ses conquêtes, ses amourettes qui ne durent pas malgré ses efforts, pourquoi pas elle ? Pourquoi avoir gardé le silence sur cette ... Je ne peux même pas dire du mal d'elle, je n'y arrive pas. Je ne la connais pas, qui suis-je pour la juger ? En fait, elle a simplement été plus rapide que moi, et certainement moins indécise.

Je percute quelqu'un de plein fouet, me provoquant une vive douleur à l'épaule mais continue mon chemin. Je ne peux pas m'arrêter, quitte à faire dix fois le tour du bâtiment, tant pis, je m'en fiche. Je dois oublier cet étrange sentiment d'être abandonné ou laissé de côté, mon amour pour lui et tous ces abrutis qui me regardent sans rien comprendre. Évidemment qu'ils ne comprennent pas, ce n'est pas tous les jours qu'un débile court dans les couloirs en pleurant comme si quelqu'un était mort. Je serai heureux moi aussi, je serai amoureux et vivrai le plus bel amour qu'il existe, rien ne pourra me séparer de cette personne, et je pourrai tout quitter juste s'il me le demandait. Shoto, tu vis dans une fiction. Rien de tout ça n'arrivera. Il faut que je trouve un autre moyen de me réconforter, parce que là, j'ai l'impression de m'enterrer. Une vive douleur me coupe le souffle, et je suis contraint de stopper ma course. Je pose le plat de ma main sur le mur à ma droite, alors que mes doigts libres serrent avec force mes vêtements, au niveau de mon cœur. Je ne m'en suis pas rendu compte. Depuis combien de temps j'ai un point de côté ? Depuis combien de temps mon cœur ne parvient plus à pomper du sang et de l'oxygène ? Depuis combien de temps je cours, au point d'en transpirer autant ? Depuis combien de temps je suis si faible ?

Je tente, un temps soit peu, de reprendre une respiration normale, mais autant demander à un mal-entendant d'écouter de la musique. Pas sûr qu'il y parvienne. Je regarde autour de moi, et essaie de me localiser. L'université est tellement grande. Je suis au premier, et l'infirmerie est au rez-de-chaussée, j'ai donc besoin de descendre une quarantaine de marches pour y parvenir. Il faut absolument que j'y arrive. J'avance à pas lents, alors que tout ce que j'aimerai, c'est croiser quelqu'un pour qu'il puisse m'aider, que je le connaisse ou non. J'ai besoin d'aide. Les jambes plus que tremblantes, je fais traîner mes pieds sur le sol pour avancer, même si je risque d'y être demain à cette vitesse. J'essaie de ne pas attirer l'attention sur moi en passant devant plusieurs salles, affichant un air normal et marchant comme un étudiant qui sèche. Mais aussitôt la porte passée, je repose ma main sur le mur afin de ne pas tomber. Je dois bien avouer que ma vue se fait difficile, en raison des nombreuses larmes qui coulent et de ma douleur qui la rend floue. Je n'ai, cependant, pas le choix, je dois au moins arriver dans le couloir de l'infirmerie. S'il était possible, j'aurai soupiré. Je me suis mis dans une situation délicate, je l'ai fait exprès mais je ne voulais pas que cela prenne des proportions aussi grandes. Je suis vraiment un idiot. J'essuie mon visage d'un geste de la main pour chasser les traces de larmes, mais elles ne cessent de mouiller mes joues. Arrivé au bord des marches, je regarde le précipice pour ensuite poser mes fesses sur la première. Je ramène mes jambes sur mon torse, cachant ma tête entre mes bras et me laisse aller. Je dois bien être pitoyable à pleurer comme un gamin comme ça, mais j'ai besoin de vider mon sac, là. Maintenant. Tout de suite. Je dois me défaire de cette déception, et pour cela, je dois me laisser pleurer pour que la douleur s'en aille au plus vite.

Wolf growls. Human sings. (BakuTodo)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant