Part.3

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Le temps s'écoule lentement depuis une semaine. Depuis que je sens peser dans ma poche les souvenirs d'une époque révolue, le symbole d'une relation éteinte, d'un passé marqué par des pupilles félines et de ferventes étreintes.

Parce que ce porte-bonheur c'est ce qu'il représente Magnus, pas vrai ? La promesse d'un futur merveilleux, doré, pour lequel qu'importe les risques et les sacrifices engendrés, j'aurais jeté aux flammes jusqu'à mon âme, mon être entier. Faut me croire, si ça avait été l'offrande nécessaire, je l'aurais faite sans ne serait-ce qu'y réfléchir à deux fois, ou simplement regarder en arrière. J'aurais donné tout ce je possédais. Mais il faut croire que même tout, ça demeurait pas assez.

C'est ridicule, misérable d'ailleurs, tu crois pas ? Même lorsque mon existence était dévouée à toi, malgré ma complète abnégation du moi, je méritais pas cette vie rêvée, cette éternité à côté de toi.

C'est ce sentiment d'injustice qui me maintient éveillé, tourmenté, jusqu'à ce que les premiers rayons apparaissent derrière les volets. Pourquoi le destin t'arrache à moi pour une guerre qui ne mènera à rien ? Pourquoi tu m'as pas choisis ? Pourquoi je suis jamais assez bien ?

Ces questions, elles se bousculent dans ma tête jours et nuits sans pour autant me faire souffrir, me heurter. Tout est indolore, je me sens comme sous morphine, je crois que j'ai le coeur anesthésié.
J'ai l'impression que je suis vide, qu'un abîme profond déchire mon intérieur, que j'entendrais qu'un sinistre écho si je pouvais toquer sur les parois de mon cœur.

Certains diront que c'est sans doute mieux de cette façon, que rien ressentir c'est paisible, qu'il faut profiter de ce gouffre dévoreur d'émotions. Je leur répondrais qu'ils ont pas complètement tords mais qu'en suspens, il reste beaucoup trop de questions. Par exemple, qui me dit que ce gouffre cessera de s'étendre, d'évoluer ? Qu'il ne finira pas par m'attirer en son sein et m'avaler tout entier ? Parce que ça semble trop facile, c'est trop beau pour être vrai. Un mécanisme de défense crée par notre esprit de toutes pièces, permettant de masquer ses plaies, le temps de rebâtir sa forteresse.

Je suis sorti de mes rêveries par le téléphone de Jace qui se met à sonner bruyamment et je pourrais pas l'expliquer mais dans ma poitrine j'ai comme une enclume, un mauvais pressentiment.

"Qui c'est ?
-Luke, me réponds Jace."

Il décroche et je l'entends poser de brèves questions. Ça semble être une urgence, je distingue la crainte sur son visage, je la perçois dans son ton. Alors je ne peux m'empêcher de me demander. Quelles mauvaises nouvelles on va encore nous annoncer ? Quelles créatures démoniaques on va devoir affronter ? Quels autres alliés sont morts ? Puis quand est-ce qu'enfin ça va s'arrêter ?

Je soupire, ça m'épuise rien que d'imaginer ce qui nous attend. Je suis las de cette stupide guerre de pureté, de ces batailles incessantes et de ces innombrables bains de sang. Je voudrais pouvoir me réveiller de cet Enfer, de ce cauchemar, enveloppé dans des draps pourpres et deux bras m'entourant tels des remparts. Mais avant d'avoir l'occasion de songer à ce qu'il pourrait arriver ensuite, Jace raccroche et m'entraîne précipitamment à sa suite.

"Qu'est-ce qui se passe ?, je demande à la hâte.
-C'est Ellie, une jeune qui fait partie de la meute de Luke. Elle l'a appelée pendant qu'elle suivait les traces d'un démon.
-Quoi ?! Où elle est maintenant ?!
-Aux dernières nouvelles, elle rentrait dans un appartement situé à l'ouest de la rue Madison.
-Et comment on est sensés deviner de quel appartement il s'agit ? Par télépathie ? Elle est gigantesque cette rue."

Mordorés.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant