Chinatown, 2018.
Il m'a fallu quelques minutes avant de finir ma part du travail, j'ai déposé les assiettes à l'endroit prévu à cet effet et je suis retourné voir la petite brune qui inspectait les lieux du plan de travail où elle s'était assise. J'attrape une bouteille d'alcool que je lui tend, l'autre vient percuter mes lèvres pour abreuver ma soif d'alcool. Pariya relève et rejoint le salon, plaçant la toile à un endroit lumineux. Ses petits pieds chaussés de basket se bloquent sur leur pointe afin de l'aider à planter le cadre sur un clou, pendant que moi je la regarde galérer sans bouger. Elle ronchonne, demande de l'aide, mais je préféré analyser chacun de ses gestes.
Elle tourne brusquement le regard, ses iris se dilatent, elle murmure des choses incompréhensibles avant de laisser le tableau retomber soigneusement sur ses pieds pour amortir la chute. Elle pivote sur ses talons et inspecte la pièce comme auparavant, elle détaille les portes des salles vides, puis elle court hâtivement hors de la pièce. Ses bruits de pas s'éternisent à l'étage, plus aucun bruit ne vient perturber le calme..
« Pariya ? Pariya !? »
Il n'y a aucune trace d'elle dans les deux chambres, aucune non plus dans la pièce qui sert de dépotoir, il ne reste plus qu'une pièce à inspecter, et celle-ci n'a pas été ouverte depuis plusieurs années déjà. Lorsque le bois se frotte contre le sol, Pariya se tourne vers moi, les yeux vitreux, sur le point de déverser ses larmes sur mes mains qui viennent d'entourer son visage rond.
« Pariya, Pariya ? Regarde-moi, qu'est-c'qui a ? »
« Mais... Je l'ai vu... Je te le jure que je l'ai vu ! »
« Qui ? Qui dis-moi ! »
« Mais le cerf ! »
Elle repousse mes bras pour continuer de chercher, ce que je suppose qu'elle faisait avant que je ne vienne la déranger. L'expédition de sa main dans la pièce vide, seulement « remplie » par un vieux coffre, finit par le percuter. Ses doigts essayent tant bien que mal de forcer la serrure mais beaucoup trop verrouillée, rien ne se passe, elle ne baisse pas les bras pour autant. Elle saisit l'objet entre ses bras, beaucoup trop lourd, elle me demande de l'aide et la malle se retrouve dans sa chambre parfaitement meublée, qui est devenue une salle d'opération de crochetage intensif. Un couteau, une pince et ma force en plus dans le cas où rien ne marcherait.
« Pariya, tu as vu quoi ? »
« Aucune idée... Ma vue s'est brouillée et j'ai vu le cerf courir dans les escaliers, dans cette même pièce. Je n'ai pas eu besoin de tourner la tête... C'était comme... Une vision. »
« Ok, ok. Attends. »
La voyant galérer, je m'approche de l'objet, je tente plusieurs tentatives pour écarteler les deux côtés, le grande boîte cède dans un bruit sourd, la serrure torturée vient de rencontrer le sol et ses multiples poussières. Pariya jusque là éloignée vient se pencher sur les objets que contient la boîte. Une plus petite boîte, comme celles des bagues de fiançailles, un livre, et des branches de cerf formant un pendentif rattaché à une longue chaîne dorée.
« C'est sûrement pas une coïncidence si je vois des cerfs et si ce pendentif est là... Sérieux, j'y comprends rien. »
« D'après ton grand-père, c'est depuis que tu as su qu'il peignait des tableaux. »
Pariya quitte la boîte, tous les objets en main, se réfugiant sur le sofa où elle étale le trésor entre nous deux. Ses rétines percutent mon visage avant d'analyser l'ancien contenu du coffre. Elle saisit d'abord la boîte, là où les inscriptions de son père sont gravées. Ses doigts l'ouvrent, à l'intérieur un petit papier jauni par le temps. Elle le déplie plusieurs dizaines de fois avant d'y lire le contenu.
« Dear, deer.
I would have liked to see you shine. »
Elle me tend le papier après avoir lu à voix haute les vieilles lettres tracées au plume. Sa main rencontre le livre qu'elle ouvre, à l'intérieur, un trou entre les pages, dans ce même trou se situe un autre papier plus grand, avec peut-être plus de texte. Mais lorsqu'elle l'ouvre, une autre phrase beaucoup plus courte, mais comportant des lettres plus grande.
« Dear, deer.
Again. »
« C'est pas possible, doit sûrement y avoir autre chose ! »
J'ai essayé de la convaincre du contraire, mais elle a cherché pendant des heures. Au bout d'un moment, son index a touché la surface du fond, qui s'est mise à bouger. Elle a balancé le faux fond au-dessus de son épaule et a récolté l'enveloppe qui s'y trouvait. Elle s'est rassise sur le sofa et a commencé sa lecture des quelques phrases.
« Dear, deer.
God alone knows how important you were. Until now, I had never doubted it. But everyone says I'm crazy, that I'm nothing but a poor bitch. Dear deer, only God knows how much I loved you. »
(Cher cerf,
Dieu seul sait combien tu es important. Jusqu'à maintenant, je n'en avais jamais douté. Mais tout le monde dit que je suis folle, que je ne suis qu'une pauvre conne. Cher cerf, seul Dieu sait combien je t'ai aimé.)
« Now, you know everything. »
(Maintenant, tu sais tout.)