BACKSTAGE

CHAPITRE 1

NDA : les passages en italique dans les dialogues sont dits en français original par les personnages.

Le succès est un poison qui ne doit être pris que tard dans la vie et encore à petites doses – Oscar Wilde

ZARA

— Suivant !

Un intense sentiment de déception mêlé à un peu d'ennui s'injecta en moi alors que je regardai attentivement un énième candidat passer la porte. Celui-là n'avait même pas dû dépasser la barre des deux minutes dans cette pièce. Je l'avais renvoyé au premier mot sorti de sa bouche, sous le regard stupéfait des trois autres personnes autour de moi, ainsi que celui de l'acteur en question.

Quelque chose n'allait pas, sans que je ne sache vraiment quoi. Il manquait quelque chose, une attitude, un détail physique, je n'en avais aucune idée. J'avais seulement la certitude qu'il ne ferait pas l'affaire.

Je soupirai d'exaspération en voyant entrer un nouveau jeune homme devant moi. Je roulai des yeux et tapotai mon stylo contre la table dans un signe d'agacement. Je crois qu'il était encore pire que le précédent, et il ne s'était même pas encore présenté. Décidément, plus le temps passait et plus leur passage face à moi raccourcissait.

Ma patience devait certainement s'amenuiser à mesure que la journée défilait, et je commençais à regretter d'avoir voulu faire cette audition aujourd'hui. Il devait faire au moins trente degrés dans la pièce, malgré la climatisation, et au moins dix degrés de plus dehors. Quelle idée aussi de travailler en plein mois de juillet à Los Angeles ? Le temps caniculaire pouvait facilement dissuader n'importe quel imbécile qui aurait eu la brillante idée de faire quelque chose de sa journée.

Le candidat en face de moi se présenta et je ne pus m'empêcher de lâcher un gémissement d'agonie en m'écroulant sur la table devant moi. Le pauvre fut tellement déstabilisé, qu'il s'arrêta en plein milieu de sa phrase. Un silence gênant s'installa, durant lequel je pus ressentir les regards confus de chacune des personnes présentes ici, ainsi que leur questionnement sous-jacent.

Oui, je savais que je venais de plomber l'audition de ce pauvre gars mais je devais avouer que je m'en fichais pas mal. Il n'était pas fait pour ce rôle, comme tous les autres avant lui. Et je n'avais pas envie de perdre mon temps en excuses et promesses en l'air pour préserver son égo. Il fallait qu'il s'en aille et vite.

Je me relevai subitement et réajustai mes lunettes avant de m'avachir contre le dossier de ma chaise. Je sentais que tout le monde était en attente des mots que j'allais sortir et je devais dire que ça m'amusait assez de voir tous ces visages concernés par mon avis, cédant le moindre de mes caprices, alors même que mon opinion sur ces acteurs était plus que subjectif.

— Ça ne va pas, lâchai-je finalement en mordillant mon stylo.

— Ça ne va pas ? répéta M. Hamilton en tentant de capter mon regard.

Malheureusement, je l'ignorais royalement. Ce producteur était aussi flexible qu'une pâte à modeler et il me donnait absolument tout ce que je désirais. Il voulait plus que tout faire ce film et il savait qu'il avait besoin de moi pour ça. Après tout, c'était mon roman qui était la cause de tout.

Depuis près de deux mois que j'avais signé son contrat, je n'avais pas arrêté. Entre l'écriture du scénario sur lequel je n'arrivais pas à me concentrer, la recherche des acteurs qui se révélait plus difficile que prévu et les médias qui ne cessaient de vouloir m'interviewer, je commençais à être à cran.

Cela faisait presque six mois que j'étais arrivée aux États-Unis maintenant, mais c'était bien au cours de ces deux derniers mois que j'avais fini par complètement partir en vrille. Les séances de dédicaces partout dans le pays m'avait déjà bien éprouvé, sans parler de cette langue que je ne supportais pas et que je peinais à apprivoiser. Je devais dire que les excès américains y était pour beaucoup. La folie des paparazzis à m'attendre devant chez moi, à me photographier à mon insu chaque jour, les invitations aux soirées, les rencontres forcées de personnalités importantes et plus récemment, la participation à l'adaptation cinématographique de mon livre en tant que scénariste.